Amorcer le dialogue sur les risques des chaleurs extrêmes

Publié le 08/04/2022 à 10:19

Amorcer le dialogue sur les risques des chaleurs extrêmes

Publié le 08/04/2022 à 10:19

Par Camille Robillard

Le coût annuel des hospitalisations et des décès prématurés causés par l’ozone troposphérique pourrait atteindre 250 G$ au Canada. (Photo: Raimond Klavins pour Unsplash)

L’Institut canadien pour des choix climatiques a démontré en juin dernier que la multiplication des vagues de chaleur — causée par les changements climatiques — pourrait faire perdre 128 millions d’heures de travail par année d’ici la fin du 21e siècle, soit l’équivalent de 62 000 emplois à temps plein, une perte de production de près de 15 milliards de dollars (G$). Ce « fardeau financier » pourrait-il être amoindri par la nomination de Chief Heat Officer (CHO) à travers le pays? Il s’agit déjà d’un pas dans la bonne direction, selon les intervenants interrogés par Les Affaires.

« Sans être réducteur, […] c’est beaucoup plus le message que ça envoie et le fait qu’on prenne position qui sont intéressants à travers cette initiative », explique Yannick Hémond, professeur au Département de géographie de l’Université du Québec. Néanmoins, il estime que dans le domaine de la résilience, des risques et des catastrophes, c’est de ce message qu’on a besoin pour enclencher un mouvement de mobilisation autour d’un enjeu. 

En rapportant à l’avant-scène l’importance de s’attaquer aux changements climatiques, « ça va peut-être, ne sait-on jamais, amener les entreprises à nommer leur propre "Chief Heat Officier" », continue l’expert en résilience et en gestion de crise. 

Toutefois, un tel mouvement — initié par la création de l’« Extreme Heat Resilience Alliance » par l’Andrienne Arsht-Rockefeller Foundation — nécessitera une enveloppe budgétaire suffisante à l’échelle nationale et locale.

« C’est certain que ça va demander du budget et de revoir toutes nos politiques en fonction des changements climatiques, soutient Yannick Hémond. Ça veut peut-être dire ne pas construire un troisième lien, ne pas agrandir une autoroute, construire des pistes cyclables, et améliorer le transport en commun.»

Pour Jane Gilbert, CHO pour le comté de Miami-Dade, en Floride, depuis juin dernier, il est évident que toutes les villes n’auront pas les ressources financières nécessaires pour engager une telle personne. « Cependant, je pense que toutes les villes doivent tenir compte [des risques liés à la chaleur extrême sur les villes et leur population] », confie-t-elle à Les Affaires. Une réflexion que partage Yannick Hémond. « Quelle ville peut se permettre de ne pas faire ça? », s’interroge-t-il.

Jane Gilbert, Chief Heat Officer du comté de Miami Dade, en Floride (Photo: courtoisie)

 

Coûts humains

Selon les auteurs du rapport « Les coûts des changements climatiques pour la santé: comment le Canada peut s’adapter, se préparer et sauver des vies », vers la fin du siècle, l’ozone troposphérique — un composant de smog — pourrait causer plus d’un quart de millions d’hospitalisations ou de décès prématurés par décennie au pays. Le coût annuel d’un tel phénomène, si aucune mesure n’était prise, pourrait atteindre 250 G$. Le scénario d’émissions modérées estime plutôt cette somme à 87 G$.

Pour leur part, la Fédération canadienne des municipalités et le Bureau d’assurance du Canada, dans leur étude « Investir dans l’avenir du Canada: le coût de l’adaptation au changement climatique » publiée en février 2020, évaluent annuellement à 5,3 G$ les investissements nécessaires dans les infrastructures municipales et dans les mesures d’adaptation locales pour réduire les risques liés aux conditions climatiques extrêmes. Ces dépenses, qui seraient partagées par les trois paliers de gouvernement, sont considérablement moindres que dans les prévisions précédentes. 

« [La chaleur], c’est une sorte de tueur silencieux, soutient Jane Gilbert. Les gens ne réalisent pas à quel point c’est dangereux. Et beaucoup de maladies et de décès liés à la chaleur sont sous-déclarés parce qu’ils ne sont pas comptés comme tels. » Ainsi, même si l’agence américaine pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention) enregistre en moyenne 700 décès annuels causés par la chaleur, la CHO évalue plutôt ce nombre à 12 000 personnes.

En plus des « décès évitables », Jane Gilbert met en lumière les répercussions majeures qu’ont les changements climatiques sur les personnes qui peinent à joindre les deux bouts. « Ils sont préoccupés à savoir s’ils gagnent assez d’argent, s’ils vont être capables de mettre de la nourriture sur la table, de payer leur facture d’électricité et leur loyer, donc ils ne sont pas en mesure de voir les autres risques pour la santé auxquels ils sont confrontés. Pourtant, ils sont les plus durement touchés », expose-t-elle.

La CHO a donc comme mission de développer des outils d’éducation et de bons mécanismes d’intervention d’urgence en collaboration avec les différents départements du comté, tels que le National Weather Service et le secteur hospitalier local. « Nous sommes en train de concevoir une campagne d’éducation sur la saison de la chaleur, à l’instar de ce que nous faisons localement pour la préparation aux ouragans », dit Jane Gilbert.

Cette dernière est toutefois bien consciente que ses actions ont une portée limitée. « Je ne vais pas éradiquer les changements climatiques. Je peux aider à la conversation, mais nous savons tous que nous allons devoir faire face à une augmentation des chaleurs d’une manière ou d’une autre. »

 

//////

Le mouvement s'étend à l'international

À l’heure actuelle, on compte quatre Chief Heat Officer à travers le monde. Après Jane Gilbert, qui est devenue la toute première personne à occuper ce rôle en juin dernier, les capitales de la Grèce et de la Sierra Leone, Athènes et Freetown ont emboîté le pas en nommant respectivement Eleni Myrivili et Eugénia Kargbo. Le 22  mars, Santiago, la capitale du Chili a également recruté Chistina Huidobro à titre de Chief Heat Officer.

 

Le sujet vous intéresse? Ne manquez pas l'entrevue avec Jane Gilbert animée par Chad Walcott, directeur de l’engagement et des communications à la Table ronde provinciale sur l’emploi, dans le cadre de la conférence Expérience citoyen, qui aura lieu le 21 avril prochain. Pour y participer, cliquez ici.

 

À la une

Bourse: Wall Street clôture en ordre dispersé

Mis à jour le 18/04/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto a clôturé en légère hausse.

Bourse: les gagnants et les perdants du 18 avril

Mis à jour le 18/04/2024 | LesAffaires.com et La Presse Canadienne

Voici les titres d'entreprises qui ont le plus marqué l'indice S&P/TSX aujourd'hui.

À surveiller: Banque TD, Marché Goodfood et Lion Électrique

18/04/2024 | Denis Lalonde

Que faire avec les titres de Banque TD, Marché Goodfood et Lion Électrique? Voici quelques recommandations d’analystes.