« Notre entreprise rend les sites web carboneutres »


Édition du 27 Janvier 2018

« Notre entreprise rend les sites web carboneutres »


Édition du 27 Janvier 2018

Par Diane Bérard

Jack Amend

L'Américain Jack Amend a cofondé Web Neutral Projet (WNP), une entreprise qui a développé la certification EcoWeb qui confirme qu'un site web est carboneutre. Pour attribuer cette certification, WNP réduit le poids du site et l'héberge sur des serveurs alimentés à l'énergie solaire. Jack Amend fait partie du Top 30 under 30 de Forbes.

Diane Bérard - Les données, les photos et les vidéos téléchargées au travail et à la maison consomment 7 % de l'électricité mondiale. Comment votre entreprise réduit-elle cette empreinte ?

J.A. - Web Neutral Project s'attaque à l'empreinte carbone des sites web. Nous allégeons les sites en comprimant les données et les vidéos et en supprimant les applications inutiles. Plus un site est lourd, plus le trafic y est énergivore. En allégeant votre site nous en améliorons aussi la performance, donc l'expérience des utilisateurs. Nous transférons aussi l'hébergement du site et des applications mobiles vers nos serveurs alimentés à l'énergie solaire. Les serveurs sont responsables de 20 % de l'empreinte carbone mondiale du secteur de TI, or moins de 10 % d'entre eux sont alimentés par une source d'énergie renouvelable.

D.B. - De quelle façon la réduction est-elle ventilée ?

J.A. - Comprimer les données et les vidéos permet une réduction de 30 % à 40 % des émissions de GES. Transférer le trafic vers des serveurs alimentés à l'énergie solaire soustrait 20 % à 30 %. Il reste de 20 % à 30 %, que nous éliminons en achetant des crédits carbone ou en investissant dans des projets qui compensent les émissions de GES résiduelles.

D.B. - Comment évaluez-vous l'empreinte carbone d'un site web ?

J.A. - Nous employons Google Analytics pour connaître la taille de votre site, le nombre de pages vues par mois et les appareils utilisés par vos internautes. Nous nous appuyons ensuite sur des recherches universitaires sur l'intensité énergétique du transfert de données pour estimer vos émissions de GES mensuelles.

D.B. - Vous avez créé la certification carboneutre EcoWeb, que les entreprises peuvent afficher sur leur site. D'où l'idée vient-elle ?

J.A. - Tout a débuté avec mon entreprise précédente, Lab 300, une agence de design et de marketing numérique. En plus de ces services, nous offrions à nos clients la possibilité d'héberger leur site sur nos serveurs alimentés à l'énergie solaire. Certaines organisations nous ont demandé « comment pourrions-nous promouvoir notre geste auprès de nos clients ? Nous aimerions bien que ça se sache. » C'est ainsi que l'idée a germé d'une certification carboneutre.

D.B. - Sur quoi cette certification repose-t-elle ?

J.A. - Nous sommes associés à des experts des pratiques numériques durables (digital sustainability) tels que Gary Cook, analyste senior des TI chez Greenpeace. Son rapport « Clicking Clean; Who is winning the race to build a green internet? » nous a beaucoup inspiré. Ce document évalue la performance environnementale des TI de différentes organisations. La version 2017 nous apprend, entre autres, que parmi les moteurs de recherche, Google obtient un A et la chinoise Baidu s'en tire avec un F, pour son alimentation au charbon. Du côté des médias sociaux, Facebook récolte un A alors que Pinterest s'en tire avec un F, par manque de transparence et d'engagement quant à l'empreinte carbone de ses TI. Nous avons mis un an et demi à établir la méthodologie et les mesures pour notre certification EcoWeb.

D.B. - À quoi ressemble votre tarification pour cette certification ?

J.A. - Notre tarification repose sur le nombre de pages vues. Jusqu'à 10 000 pages par mois, notre service coûte 10 $ US par mois ou 110 $ US par année ; jusqu'à 20 000 pages, le coût mensuel grimpe à 20 $ US ou 220 $ US par année, et s'il atteint jusqu'à 50 000 pages, vous débourserez 40 $ US ou 440 $ US par année. Notre service comprend la pastille à afficher sur votre site ainsi qu'une page personnalisée, accessible à tous les internautes, qui détaille vos activités et vos efforts de réduction de GES. Les prix pour la certification SolarWeb, soit l'hébergement sur nos serveurs alimentés à l'énergie solaire, sont semblables.

D.B. - Depuis le lancement de votre service en mai 2017, quel a été votre impact ?

J.A. - Nous avons certifié 150 organisations, ce qui nous a permis d'éliminer 621 000 livres de Co2. Selon l'agence américaine de protection de l'environnement, c'est l'équivalent du Co2 produit par un véhicule ayant parcouru 1,8 million de kilomètres ou la consommation de 34 432 gallons d'essence.

D.B. - Combien faut-il de temps pour certifier une organisation ?

J.A. - Pour une organisation de taille moyenne, nous y consacrons entre 10 et 12 heures. Pour une entreprise de la taille d'Unilever, il faut une semaine.

D.B. - Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser aux pratiques numériques durables ?

J.A. - C'est une combinaison de préoccupations sociales et de nécessité économique. J'ai étudié en science politique et en relations internationales. J'ai appris à programmer par moi-même, ce qui m'a permis de créer des sites web pour financer mes études. C'est la nécessité économique. Une fois diplômé, j'avais le choix entre une carrière en droit ou l'univers politique. Aucun ne m'inspirait. J'ai donc poursuivi mes activités de design web avec un penchant pour les mandats liés à la responsabilité sociale et l'impact positif. En travaillant avec des organisations ayant ces préoccupations, je me suis intéressé à toutes les formes d'impact, dont l'impact environnemental. C'est ainsi que j'ai exploré les pratiques numériques durables.

D.B. - Quel est le principal défi d'une entreprise comme la vôtre ?

J.A. - Nous devons rendre notre mission « comestible » pour un public à qui on parle déjà beaucoup d'environnement. En visant l'impact des TI, on rajoute une couche à toutes les sources de pollution déjà évoquées. Nous voulons éviter d'être moralisateurs. Culpabiliser les organisations et les citoyens m'apparaît moins efficace que leur démontrer qu'ils peuvent contribuer à la solution.

D.B. - En 2017, vous avez été boursier de la fondation Echoing Green. Un honneur décerné, entre autres, à Michelle Obama en 1993. De quoi s'agit-il ?

J.A. - Depuis trente ans, la fondation Echoing Green a décerné des bourses à plus de 700 agents de changement à l'échelle internationale. J'ai remporté les honneurs 2017 dans la catégorie Climat. Il y a eu 3 000 demandes et 30 boursiers.

D.B. - Quelle sera la prochaine étape pour Web Neutral Project ?

J.A. - Nous souhaitons que la certification EcoWeb devienne un standard reconnu, comme Energy Star. Nous visons son inclusion dans les normes climatiques de l'Union européenne, par exemple.

D.B. - Les transactions en cryptomonnaies sont très énergivores. Avez-vous des clients dans ce secteur ?

J.A. - Pour l'instant, nous n'en avons aucun. Mais il nous apparaît incontournable que ce secteur se convertisse à l'énergie renouvelable.

Consultez le blogue de Diane Bérard : www.lesaffaires.com/blogues/diane-berard

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