« Le design du 20e siècle n'a pas été conçu pour les problèmes du 21e siècle »


Édition du 08 Septembre 2018

« Le design du 20e siècle n'a pas été conçu pour les problèmes du 21e siècle »


Édition du 08 Septembre 2018

Par Diane Bérard

Ellen Dunham-Jones, directrice, Programme de design urbain, Georgia Tech School of Architecture et coauteure de Retrofitting Suburbia

« Rénovons nos banlieues ! » C'est le projet d'architecture durable qu'a lancé Ellen Dunham-Jones en 2010. Réhabilitation des centres commerciaux fantômes, transformation de stationnements en parcs... Je l'ai rencontrée à Montréal, à la conférence « Réconcilier commerce et développement urbain durable ».

DIANE BÉRARD - Votre livre Retrofitting Suburbia: Urban Design Solutions for Redesigning Suburbs a obtenu de nombreux prix et a fait école. De quoi traite-t-il ?

ELLEN DUNHAM-JONES - De la façon dont les agglomérations tentent de gérer des enjeux pour lesquels elles n'ont pas été dessinées. Le design du 20e siècle n'a pas été conçu pour les problèmes du 21e siècle. Il y a, entre autres, tous ces édifices abandonnés ou inadéquats à qui il faut trouver une autre vocation. Il faut les transformer en lieux plus adaptés à notre style de vie et aux nouvelles contraintes sociales et environnementales.

D.B. - Aux États-Unis, le tiers des centres commerciaux a changé de vocation, est en transition ou est abandonné. On observe trois stratégies de conversion. Quelle est la préférée des municipalités ?

E.D.J. - Elles préfèrent la démolition pour faire place à une construction neuve plus dense, affichant souvent des usages mixtes, car elles peuvent alors continuer de percevoir des taxes. Toutefois, cette stratégie ne fonctionne que dans un marché économique vigoureux. Si le centre commercial a fermé parce que un ou plusieurs employeurs importants ont cessé leurs activités et que les citoyens n'ont plus d'argent, il ne sert à rien de réinvestir dans un autre édifice. Si, par contre, le centre commercial a fermé parce qu'un autre centre plus récent attire les consommateurs, alors il est probablement pertinent de reconstruire un édifice à vocation légèrement différente.

D.B. - Quelles sont les deux autres stratégies de conversion ?

E.D.J. - Vous pouvez conserver le bâtiment et lui donner une vocation de service à la collectivité : éducation, services gouvernementaux, services médicaux, etc. Parfois, ces anciens centres commerciaux accueillent des entreprises. Ainsi, les citoyens y vont désormais pour faire de l'argent au lieu de le dépenser! Le spectre d'entreprises qui choisissent ces anciens centres commerciaux est vaste : on y trouve des centres d'appels aussi bien que des centres de recherche. Google a installé son laboratoire d'innovations de rupture, Google X, dans un centre commercial abandonné de Mountain View. La troisième stratégie consiste à ramener le site à un état naturel. On démolit l'édifice, on retire l'asphalte et on installe un parc, un jardin, des bassins, etc. De nombreux centres commerciaux sont construits sur des milieux humides, ce qui explique plusieurs problèmes d'inondation. En redonnant une vocation naturelle à ces terrains, les municipalités rétablissent l'équilibre et contrôlent leurs coûts de gestion des incidents. À Meriden, au Connecticut, on avait construit un centre commercial au-dessus d'une crique, au centre-ville. Lorsqu'il est tombé en désuétude, la Ville a transformé les lieux en un parc, qui sert aussi à contrôler les eaux de pluie pour prévenir les inondations.

D.B. - À Columbus, en Ohio, le remplacement du centre commercial City Center par un parc a marqué le début d'une revitalisation. Racontez-nous.

E.D.J. - L'édifice de trois étages abritant City Center, au centre-ville, avait été déserté au profit de nouveaux centres commerciaux situés en banlieue. Capitol South, un OBNL créé par Columbus pour développer le centre-ville, a étudié divers scénarios. Puis, inspiré par Bryant Park à New York, Columbus a choisi de tout raser. On a conservé le stationnement souterrain. La Ville en a donné les revenus à la collectivité, en échange de l'animation du parc, rebaptisé Columbus Commons. On y tient régulièrement des événements. Cet achalandage a attiré l'attention des promoteurs immobiliers. Des maisons ont été construites à la lisière du parc. Redonner une vocation sociale et environnementale à cet ancien centre commercial a déclenché un développement économique.

D.B. - Certains de ces centres commerciaux abandonnés ont été rachetés par des investisseurs étrangers. Mais ce n'est pas une garantie de succès. Pourquoi ?

E.D.J. - En effet, des investisseurs russes, chinois et sud-américains mettent la main sur ces édifices. Ils vivent dans des économies en croissance où de nouveaux centres commerciaux sont bâtis régulièrement et dont les locaux se louent aisément. Ils croient que ce sera aussi facile en Amérique du Nord. Lorqu'ils réalisent que ça ne l'est pas, ils se désintéressent de leurs investissements. Et les locaux demeurent vides. Cette nouvelle situation frustre les municipalités qui, au départ, croyaient avoir trouvé une nouvelle solution à leur problème de locaux vacants. Or, ces investisseurs étrangers attendent de revendre ; ils ne souhaitent pas convertir leurs édifices.

D.B. - Vous avez rencontré un de ces investisseurs étrangers récemment. Comment cela s'est-il déroulé ?

E.D.J. - À Atlanta, j'ai rencontré le représentant d'un investisseur russe propriétaire d'anciens centres commerciaux de cette ville. Je lui ai présenté des exemples de conversions réussies. Il s'est montré intéressé. Mais, une fois le message transmis à la direction, à Moscou, il n'y a eu aucun suivi. Cet investisseur ne souhaite entreprendre aucun projet. Il attend le bon moment pour vendre.

D.B. - Vous enseignez à vos étudiants de dessiner des édifices versatiles qui traverseront les transformations sociales et économiques. Vous citez le cas des stationnements étagés.

E.D.J. - La montée des véhicules autonomes change la donne pour le stationnement. À terme, on peut imaginer que la demande de places de stationnement va chuter considérablement. Les véhicules autonomes seront en mouvement, déposant des passagers et en cueillant d'autres. Lorsqu'ils se stationneront, ils auront besoin de moins d'espace, car aucun passager n'en ouvrira les portes pour descendre. Il faudrait donc concevoir des stationnements étagés qui pourront être convertis en résidences ou en bureaux. Il faut, entre autres, que les rampes puissent être enlevées. Pour l'instant, les avis sont partagés. Certains promoteurs immobiliers investissent pour que leurs stationnements étagés soient convertibles à terme. D'autres préfèrent se contenter de la vocation actuelle et ne se projettent pas dans l'avenir.

D.B. - Comment la conversion des centres commerciaux est-elle influencée par les nouveaux occupants de la banlieue, les milléniaux ?

E.D.J. - Les milléniaux emménagent en banlieue et y transportent leurs valeurs et un style de vie urbain. Leurs parents valorisaient la vie privée et l'espace. Eux préfèrent l'économie de partage à l'économie de possession. Et ils recherchent un style de vie plus communautaire. Les centres commerciaux reconvertis comprennent souvent des espaces piétonniers et des sentiers verts.

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