" À quoi bon séduire, lorsqu'on peut imposer " - Barthélémy Courmont

Publié le 27/02/2010 à 00:00

" À quoi bon séduire, lorsqu'on peut imposer " - Barthélémy Courmont

Publié le 27/02/2010 à 00:00

De quelle façon la Chine exerce-t-elle aujourd'hui son pouvoir? Les Affaires ont rencontré Barthélémy Courmont, le directeur de l'Institut de recherches internationales et stratégiques à Taiwan et professeur à l'Université du Québec à Montréal, qui vient justement d'écrire un livre à ce sujet: Chine, la grande séduction; essai sur le soft power chinois. M. Courmont est également titulaire par intérim de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM.

Les Affaires - Dans votre dernier livre, vous documentez le soft power chinois? En quoi consiste-t-il ?

Barthélémy Courmont - D'abord observé en Chine au début des années 2000, le soft power est devenu la stratégie politique officielle de Pékin en 2007. Plutôt que de se contenter de développer sa puissance militaire et économique de façon classique, la Chine a consacré des efforts au bon soin de son image.

En d'autres temps, les États-Unis comme d'autres pays ont profité de ce soft power. C'était l'American way of dream, Coca-Cola et le cinéma d'Hollywood. Ces facteurs ont contribué à la montée en puissance des États-Unis. Mais, pour la première fois, ce concept est érigé en véritable stratégie d'État.

LA - Que vise exactement la Chine avec cette stratégie ?

B.C. - Les Chinois veulent soigner leur image pour éviter de paraître comme une puissance inquiétante, susceptible de bouleverser le monde.

Le fait que la Chine soit une dictature soulève des interrogations, voire des critiques. En raison de la nature de leur régime politique, les Chinois savent qu'il y a des limites à la montée en puissance et au rayonnement de la Chine.

LA - Comment se déploie le soft power de manière concrète ?

B.C. - Les Jeux olympiques de Pékin et l'Exposition universelle de Shanghai en font partie. L'idée est de montrer au reste du monde ce qu'est la Chine et ce dont elle capable.

Sa culture riche et plurimillénaire est le principal pilier du soft power. Pour plusieurs, il suffit de faire connaître la Chine au reste du monde et puis le reste viendra. L'émergence de l'industrie du cinéma chinois, celui du cinéaste Zhang Yimou en particulier, n'est pas non plus étranger au soft power. Sympathisant du régime, qui le lui rend bien, il se consacre presqu'exclusivement au rayonnement de l'histoire de la Chine ancienne.

Enfin, ce soft power s'accompagne d'une stratégie d'expansion culturelle, qui passe par l'enseignement de la culture, de la langue, de la cuisine, de ses arts martiaux, partout dans le monde. Cette stratégie s'appuie sur la création des Instituts Confucius, l'équivalent de l'Alliance française ou de l'Institut Goethe. Depuis 2003, ils en ont ouvert 700 !

LA - Qui dirige cette stratégie ? Combien la Chine y investit ?

B.C. - Le régime chinois n'est pas une démocratie occidentale, avec toute la transparence que cela suppose. On ne sait pas trop d'où vient l'argent et où il va exactement.

C'est par la mesure des résultats que nous constatons l'importance des moyens investis par Pékin. Lorsque nous assistons à la naissance de 700 Instituts Confucius dans le monde, nous devinons l'ampleur des investissements.

Le même raisonnement s'applique aux efforts que le gouvernement chinois consacre à la sauvegarde du patrimoine, par exemple la démolition et la reconstruction de quartiers complets à Shanghai. C'est pharaonique.

LA - Est-ce que le soft power sert ou s'applique au développement économique de la Chine ?

B.C. - Les Chinois jouent sur deux tableaux. Ils sont très fermes sur les questions économiques. Nous le voyons à l'Organisation mondiale du commerce et sur leur propre territoire.

Mais leur approche est autre, beaucoup plus conciliante, avec les pays du Sud (Moyen-Orient, Afrique, Amérique latine) qui l'intéressent, soit pour leurs ressources naturelles, ou pour leur potentiel de développement. Ce faisant, la Chine réduit son degré de dépendance face aux États-Unis qui pourrait se manifester peu à peu par une attitude d'arrogance.

Ne risque-t-on pas de voir une Chine imposer ses conditions économiques à ses partenaires ? Pourrait-elle leur imposer une reconnaissance du régime de Pékin ? Ou la consommation de produits chinois ? Est-ce qu'elle pourrait commencer à se dire : à quoi bon séduire, si l'on peut imposer ?

LA - Le soft power ne serait donc qu'une stratégie temporaire ?

B.C. - Oui, nous pouvons le craindre. Rien n'est acquis. Mais il existe un risque, une tentation de l'arrogance en Chine qui pourrait surprendre. Alors, attention. Nous pouvons nous émouvoir de cette stratégie qui ne crée ni vague, ni conflit. Mais prenons en compte ce risque d'arrogance réel qui pourrait faire naître des tensions, des critiques et de plus grands conflits.

Donc, je nous lance une mise en garde, celle de ne pas être les dupes de ce soft power. Mais aussi aux Chinois eux-mêmes, à qui je conseille de ne pas aller trop loin trop vite et de continuer de favoriser la conciliation aux dépens de la ligne dure.

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