Abandonnons du rendement à la communauté, dit Sophie Brochu

Publié le 13/02/2017 à 16:41

Abandonnons du rendement à la communauté, dit Sophie Brochu

Publié le 13/02/2017 à 16:41

Par François Normand

La présidente et chef de la direction de Gaz Métro, Sophie Brochu (source photo: Les Affaires)

Crise financière, ralentissement PIB, changement climatique, tensions intercommunautaires, terrorisme... Depuis 10 ans, le monde est entré dans une phase de turbulences. Et pour retrouver une paix sociale, les entreprises et les investisseurs doivent en faire plus, au premier chef accepter de «laisser aller quelques points de base de rendement» afin de redonner beaucoup plus à la communauté.

C'est ce qu'a déclaré la présidente et chef de la direction de Gaz Métro, Sophie Brochu, lors d'un discours prononcé ce lundi midi devant le Cercle canadien de Montréal, en précisant qu'il fallait à tout prix améliorer le processus de mondialisation et réduire l'exclusion.

«La solution est toujours dans un monde global, mais plus égalitaire, un monde plus conciliant, dans un capitalisme plus doux, dans un capitalisme plus humain. Ce qui implique pour les entreprises et les actionnaires de laisser aller quelques points de rendement de base», a-t-elle lancé au parterre de dirigeants d'entreprises et d'investisseurs institutionnels.

À ses yeux, la crise de confiance dans les gouvernements, dans les institutions, sans parler de la montée du populisme en Occident, représentent une menace pour la démocratie et la paix sociale.

Sans le nommer directement, la patronne de Gaz Métro a écorché au passage le président américain Donald Trump. «Chez nos voisins, un nouveau leader se comporte comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Et nous savons maintenant qu'il n'y a pas de refuge. Que les déferlantes sociales peuvent frapper les berges de tous les États.»

C'est pourquoi les entreprises et les investisseurs doivent davantage faire leur part et chercher un profit qui soit «raisonnable», insiste la patronne de Gaz Métro, en pesant bien ses mots.

C'est quoi un profit raisonnable?

«C'est quoi un profit raisonnable? C'est celui qui récompense de manière juste un travail bien fait plutôt que l'atteinte d'un objectif d'un idéal fixé dans l'imaginaire d'un plancher boursier», dit-elle.

En point de presse après son allocution, la femme d'affaires n'a pas voulu quantifier la baisse de rendement à laquelle elle pensait, en soulignant que c'était avant tout un «concept».

Selon elle, cela dépend des secteurs, car certains ont des rendements très élevés, tandis qu'autres n'ont pas nécessairement la marge de manoeuvre pour réduire leurs rendements au nom de la paix sociale.

Mais dans tous les cas, les entreprises prennent des décisions qui ont un impact sur les prix des produits, sur le nombre de personnes embauchées, sur le coût de production et, ultimement, sur le rendement des actionnaires, affirme Sophie Brochu.

«Si comme entreprise, on se dit: on n'a pas besoin d'aller chercher le dernier sou de rendement, et que cela peut faire une différence dans la vie de 50, 100 ou 200 personnes... Il y a donc un effort intellectuel à faire, de formation, de redéploiement de main-d'oeuvre. Il y a aussi un effort à faire afin que nos analyses de coûts-bénéfices incluent d'autres critères que des critères financiers.»

Par exemple, selon elle, si l'on disait que l'argent est le nerf de la paix (au lieu de l'adage l'argent est le nerf de la guerre), eh bien ceux qui détiennent des capitaux auraient comme mission de s'assurer que les individus et les communautés pâtissent moins de la conjoncture.

«Mon propos n'est absolument pas socialiste, insiste Sophie Brochu. Je ne dis pas que tout le monde devrait faire la même affaire. Pas du tout! Je dis simplement que si l'on ne fait pas cela, on s'en va vers un mur de briques dans le monde. Et solide!»

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