Simons: des choix difficiles dans les prochains mois

Publié le 26/01/2018 à 11:47

Simons: des choix difficiles dans les prochains mois

Publié le 26/01/2018 à 11:47

Par Catherine Charron

Photo: courtoisie Simons

15 magasins, un plan d’expansion échelonné sur 5 cinq ans et 200 millions de dollars investis plus tard, Simons tourne maintenant sa mire vers le commerce en ligne. Pour accroître sa présence sur ce marché largement dominé par les grosses pointures américaines, l'entreprise qui soufflera ses 178 bougies doit réaliser un investissement crucial. Un manque de fonds pourrait toutefois corser la donne.

Le PDG du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), Léopold Turgeon, est catégorique: à moyen terme, tout commerçant ou presque devra avoir une plateforme de commerce en ligne, chiffres à l’appui. En effet, dans les douze derniers mois au Québec, les ventes en ligne ont affiché une croissance de 43 % alors qu’elle oscillait plutôt dans les 20% au cours des trois dernières années. «C’est clair que ce créneau progresse à une vitesse grand V», confirme-t-il.

Puisque le commerce en ligne abolit les frontières, l’envergure des marchés de vente de détail prend de l’expansion. L’accès au capital devient donc un enjeu primordial si une organisation comme Simons veut tenter de rester concurrentielle parmi les mastodontes américains, soutient le professeur au département de finance de l’ESG, Marko Savor.

«L’entreprise doit être stratégiquement intéressante pour attirer les investisseurs. En contrepartie, ça prend de l’argent pour mettre en son plan» souligne-t-il. C’est entre les enjeux de développement et d’accès au financement que se trouve actuellement Simons.

La Bourse: une solution?

Malgré son manque de liquidités pour bâtir un nouveau centre de distribution, Peter Simons reste inébranlable: son entreprise n’ira pas en Bourse.

Ayant toujours voulu garder la gestion de son entreprise en sol québécois, c’est pour le PDG de l’entreprise une décision cohérente avec la philosophie de Simons.

Entrer en Bourse signifierait une perte du contrôle de l’organisation aux mains des actionnaires. «Des compromis devraient donc être faits entre les enjeux propres à la mission de l’entreprise et les enjeux financiers, qui auraient plus de pouvoir dans la balance», affirme Marko Savor.

En entrevue avec le quotidien Le Soleil, Peter Simons a d’ailleurs souligné que l’installation d’un champ de panneaux solaires, mesure phare du virage vert de sa succursale aux Galeries de la Capitale à Québec, aurait été ardue à faire avaler à des actionnaires.   

Néanmoins, entrer sur les marchés permettrait à l’entreprise de diversifier ses sources de financement et d’obtenir une visibilité additionnelle auprès des investisseurs. Rien n’empêcherait Simons de restreindre la quantité d’actions émises sur le marché, et d’en détenir une majorité pour garder des droits de vote supplémentaires. Ce faisant, les dirigeants de l’entreprise de Québec pourraient baliser qui sont les investisseurs et où se trouve le pouvoir.

Si le détaillant réussit à obtenir des capitaux du secteur privé, puisque cette avenue concorde avec les objectifs à la fois du conseil d’administration et des fondateurs eux-mêmes, Marko Savor croit que «le capital privé serait beaucoup plus attrayant pour Simons. Cependant, c’est certain que peut-être qu’un jour ils devront se tourner vers les marchés boursiers.»

Choisir le bon terrain

Il est impossible à l’heure actuelle d’affirmer avec certitude où devrait être bâti le nouveau centre de distribution de l’entreprise, un élément critique dans le développement de la stratégie Web du détaillant de Québec. Peu de détails ont été divulgués à propos du mandat de cette infrastructure. Voici toutefois ce à quoi devra réfléchir Simons.

Lorsqu'ils doivent choisir un emplacement, les décideurs doivent songer à minimiser les coûts de transports, de gestion de stocks, d’entreposage, et d’optimiser l’accès aux voies de circulation rapide. «On cherche à se positionner près des grands axes routiers en général», affirme le professeur titulaire au département de gestion des opérations et de la logistique à HEC, Jacques Roy.

Ces infrastructures sont de plus en plus implantées à l’extérieur des grands centres pour fuir les taxes trop onéreuses et les bouchons de circulation. Ça explique pourquoi des secteurs tel Vaudreuil-Soulange en bordure de l’autoroute 20 sont maintenant prisés. Une tendance que Jacques Roy observe aussi à Québec.

Le marché visé est un autre facteur primordial dans la décision que doit prendre Simons.

Si l’objectif est de mieux servir principalement le Québec, la région de la Capitale serait un choix intéressant, d’autant qu’on y retrouve une forte concentration des activités de l’entreprise. Si c’est l’extérieur de la province qui est dans la mire des gestionnaires, c’est plutôt la région métropolitaine qui constituerait le lieu de choix.

Jacques Roy soutient que «c’est là que l’économie de transport va se manifester», puisque peu importe où sera situé ce nouveau centre de distribution, ce sont des intermédiaires comme Poste Canada ou Fedex qui achemineront la marchandise au domicile du consommateur. 

Simons contre Goliath

Même si Simons réussit à financer son projet d'expansion, il reste difficile pour les entreprises québécoises de se battre à armes égales avec les géants américains. «C’est impossible de rivaliser avec Amazon», martèle Léopold Turgeon du CQCD. En décembre, 34 % des résidents de la province prévoyaient acheter un ou des cadeaux en ligne. De ce nombre, 75 % jetaient leur dévolu sur la plateforme Web du géant américain.

Léopold Turgeon dénonce l'iniquité fiscale entre les entreprises qui ont pignon sur rue au pays et celles qui vendent uniquement sur Internet. Ces dernières n'ont pas l’obligation de facturer les taxes de ventes et les frais de douane à leurs clients canadiens. Ce ne sont donc pas toutes les transactions faites sur le Web qui sont exemptes de taxes.

À (re)lire: Lumière sur les taxes appliquées aux achats en ligne

Cette concurrence défavorable n’est pas déloyale. Elle est même le fruit d'une législation vieille de près d’un siècle. Des initiatives gouvernementales ont été lancées pour remédier à cette situation, d’autres sont sur le banc d’essai. Trop peu, trop tard? Comme Peter Simons, Léopold Turgeon reconnaît que les décideurs doivent ajuster le tir rapidement puisque «le train s’en vient avec les Amazon de ce monde […] Ça doit passer par l’innovation, et la formation.»

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