Commerce de détail : ni la brique ni le clic, seulement le public !


Édition du 20 Août 2016

Commerce de détail : ni la brique ni le clic, seulement le public !


Édition du 20 Août 2016

Par Robert Dutton

[Photo : Shutterstock]

Wal-Mart paie 3,3 milliards de dollars américains (4,3 G$ CA) pour acquérir Jet.com, une entreprise déficitaire. Elle se procure essentiellement une plateforme et un savoir-faire en matière de commerce en ligne.

Malgré une performance financière et boursière honorable, Canadian Tire remplace brutalement son chef de la direction pour, lit-on dans son communiqué, «bien s'adapter à la complexité croissante du nouveau monde du commerce de détail» - c'est-à-dire le recours au commerce en ligne.

Des pontifes concluent - encore une fois - que le magasin brique et mortier est voué à sa perte.

Et pourtant.

Apple, qui vend certes beaucoup en ligne, investit des fortunes dans l'ouverture et le fonctionnement de boutiques haut de gamme partout dans le monde, avec le succès que l'on sait. De son côté, Dell, qui a à toutes fins utiles inventé il y a 30 ans le modèle d'entreprise de l'ordinateur offert exclusivement en ligne, a commencé il y a moins de 10 ans à distribuer ses ordinateurs dans des réseaux conventionnels, notamment chez Walmart, mais aussi chez Best Buy et chez Bureau en Gros.

Plus significatif encore : après 20 ans consacrés à effrayer tous les détaillants du monde en multipliant ses lignes de produits vendus en ligne et en ne jurant que par sa formule, à la fin de 2015, Amazon a ouvert à Seattle sa première librairie brique et mortier. Celle-ci a été suivie d'une deuxième à San Diego. Le 17 mai, le pdg d'Amazon, Jeff Bezos, a confirmé à l'assemblée des actionnaires qu'il avait l'intention de poursuivre l'expérience. De fait, l'entreprise de Seattle se prépare à ouvrir un magasin à Manhattan. Amazon ne nous a pourtant pas habitués à ce rythme de tortue. Peut-on s'attendre à ce qu'elle fasse l'acquisition d'une chaîne de librairies lorsque son format de magasin sera rodé ?

Alibaba, l'Amazon chinois, a ouvert en janvier un premier magasin physique dans la ville portuaire de Tianjin, au nord de Beijing.

Les grands détaillants du monde, à commencer par les leaders du commerce électronique, savent ce que certains grands manitous semblent ignorer : le magasin brique et mortier a encore de belles années devant lui.

Le consommateur est pluriel

Quand j'étais président de Rona, j'ai dû maintes fois expliquer pourquoi notre réseau comportait des magasins de plusieurs formats, parfois exploités sous des enseignes différentes. «Rona, ai-je répété pendant des années, n'est pas la spécialiste d'un format de magasins. Elle est la spécialiste du consommateur.»

Or, ce consommateur est pluriel. Ce consommateur nous disait non seulement qu'il voulait un choix de produits, mais aussi un choix de canaux pour y avoir accès. Aucun format de magasin, aucune formule de vente au détail, aucun canal de distribution ne permet de satisfaire tout le monde, tout le temps. Aucune de ces formules ne prendra toute la place.

Souvenez-vous : dans les années 1990, on a prédit que l'avènement des grandes surfaces (les Home Depot, Lowe's et Réno-Dépôt de ce monde) entraînerait rapidement la mort de Rona : la formule, disait-on, raccourcissait la chaîne d'approvisionnement et permettait des économies inaccessibles aux circuits de distribution conventionnels. Vingt-cinq ans plus tard, Rona a certes développé un réseau de grandes surfaces, mais ses formats multiples sont toujours sur le marché, comme sont sur le marché, partout en Amérique du Nord, des milliers de quincailleries et de centres de rénovation de tous les formats. Emboîtant le pas à Rona, les Home Depot et Lowe's ont à leur tour développé des magasins de plus petite surface, pour desservir des marchés urbains ou de plus petite taille.

La vente au détail est un produit

Les gens comprennent assez facilement qu'un fabricant décline toute une gamme de produits pour satisfaire toutes sortes de besoins.

Ce dont il faut se rendre compte, c'est qu'un magasin ou une formule de vente au détail, c'est bien plus qu'une façon de stocker et de distribuer des produits. Une formule de vente au détail, physique ou électronique, est un produit qui procure une expérience spécifique.

Comme n'importe quel produit, la formule de vente au détail se définit par une série d'attributs qui comprennent la facilité d'accès, le choix des articles qu'on y trouve, l'accès à l'information et aux conseils entourant les produits offerts, la courtoisie du personnel (réel ou virtuel), etc.

Comme c'est le cas pour n'importe quel produit, il y a de la place sur le marché pour une gamme complète de formats de magasins et de formules de vente au détail. C'est pourquoi, demain comme aujourd'hui, on continuera de trouver sur le marché de détail une variété toujours plus riche de formats de magasins et de formules de vente au détail. Le secret n'est ni dans la brique ni dans le clic, mais dans l'expérience que recherche une multitude de publics.

Il n'y a pas de bon ni de mauvais formats de vente au détail. Il n'y a que de bons et de mauvais détaillants.

Biographie

Pendant plus de 20 ans, il a été président et chef de la direction de Rona. Sous sa gouverne, l'entreprise a connu une croissance soutenue et est devenue le plus important distributeur et détaillant de produits de quincaillerie, de rénovation et de jardinage du Canada. Après avoir accompagné un groupe d'entrepreneurs à l'École d'entrepreneurship de Beauce, Robert Dutton a décidé de se joindre à l'École des dirigeants de HEC Montréal à titre de professeur associé.

À la une

Bourse: Wall Street clôture en ordre dispersé

Mis à jour le 18/04/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto a clôturé en légère hausse.

Bourse: les gagnants et les perdants du 18 avril

Mis à jour le 18/04/2024 | LesAffaires.com et La Presse Canadienne

Voici les titres d'entreprises qui ont le plus marqué l'indice S&P/TSX aujourd'hui.

À surveiller: Banque TD, Marché Goodfood et Lion Électrique

18/04/2024 | Denis Lalonde

Que faire avec les titres de Banque TD, Marché Goodfood et Lion Électrique? Voici quelques recommandations d’analystes.