« Notre site répertorie plus de 2 000 articles que vous n'aurez jamais besoin de racheter »

Publié le 07/02/2018 à 06:00

« Notre site répertorie plus de 2 000 articles que vous n'aurez jamais besoin de racheter »

Publié le 07/02/2018 à 06:00

Par Diane Bérard

Tara Button, fondatrice de BuyMeOnce [Photo : ­Marc ­Bates]

La Britannique Tara Button a d'abord incité les consommateurs à acheter davantage. Elle était alors rédactrice publicitaire. Devenue entrepreneure, elle fait le contraire. Son site répertorie les articles les plus durables de chaque catégorie et permet aux consommateurs de les acheter. Elle vient de publier A Life Less Throwaway: The Lost Art of Buying for Life.

DIANE BÉRARD - Quelle est la mission de votre entreprise ?

TARA BUTTON - BuyMeOnce est un site et un mouvement. Notre site répertorie 2 000 produits qui ont une très longue durée de vie. Nous avons établi neuf catégories d'articles : femmes, hommes, enfants, montres et bijoux, santé/beauté, accessoires de cuisine, style de vie, appareils électroménagers, sports et loisirs. Pour chacune d'elles, nous dénichons les articles les plus durables.

D.B. - L'idée vous est venue à cause d'une cocotte Le Creuset bleue ciel. Racontez-nous...

T.B. - À cette époque, j'étais rédactrice publicitaire. La marque française Le Creuset était un de mes clients. J'aimais bien leurs produits, mais ce n'est qu'au moment où ma soeur m'en a offert une que j'ai compris ce que signifie posséder un produit garanti à vie. Cet objet était plus précieux que la plupart de ceux que j'avais possédés jusque-là. J'ai eu envie d'en prendre soin pour le léguer à mes enfants. Je me suis demandée s'il était possible de répéter cette relation avec d'autres articles. J'ai fouillé le Web à la recherche de répertoires d'objets semblables, mais je n'ai rien trouvé. Je tenais quelque chose !

D.B. - Vous aviez l'intention de démarrer doucement, mais le succès est arrivé plus vite que prévu...

T.B. - En effet, j'ai réduit mon temps de travail de moitié. Tous les après-midi, je me consacrais à la recherche pour alimenter mon site. Il a aussi fallu que j'apprenne comment créer un site. Fin 2015, une journaliste du Telegraph, un des journaux britanniques les plus lus, a trouvé mon site et a rédigé un article. Ce fut la folie ! Des milliers de personnes ont afflué.

D.B. - Selon quels critères sélectionnez-vous les articles qui apparaissent sur votre site ?

T.B. - J'ai établi cinq critères. D'abord, la construction, incluant les matériaux. Ensuite, la production est-elle éthique et repose-t-elle sur des pratiques durables ? La promesse de vente est-elle tenue, les commentaires des clients confirment-ils ce que le fabricant avance ? Quelle est la qualité du service après-vente ? S'agit-il d'un objet « à la mode » qui deviendra rapidement désuet ?

D.B. - Quelles sont vos sources ?

T.B. - Je cherche des rapports et des études indépendantes. Je consulte, par exemple, The Wirecutter, un guide en ligne pour les consommateurs, qui a été racheté par le New York Times. Puis, je réalise mes propres sondages auprès des experts. J'appelle des cordonniers pour savoir quelles marques de chaussures ont le moins besoin de réparation. Je mène la même démarche auprès des couturières pour sélectionner les vêtements que nous recommandons. J'ai aussi des experts en jouets.

D.B. - Quelle catégorie d'articles vous donne le plus de fil à retordre ?

T.B. - Les produits électroniques, sans contredit. Ici, nous affrontons un double défi : il faut évaluer la durabilité du produit (sa construction) et la durabilité de l'idée. Prenez les discman. Plusieurs modèles étaient très bien conçus et pourraient encore être utilisés aujourd'hui. Mais qui en veut ?

D.B. - Vous avez donc quitté votre emploi plus tôt que prévu pour vous consacrer à temps plein à votre site...

T.B. - En effet, et ma famille m'a soutenue financièrement entre-temps afin que mange à ma faim tous les jours.

D.B. - Aviez-vous établi une source de revenus pour BuyMeOnce ?

T.B. - Franchement, non. Je voyais l'engouement que mon projet soulevait. Je me disais que si mon site était bien garni, la fréquentation augmenterait et je pourrais en tirer des revenus. C'est ce qui est arrivé. Des boutiques ont commencé à me contacter pour dire qu'elles offraient certains produits de mon site. J'ai donc ajouté un bouton « Achetez maintenant » qui mène l'internaute vers le site du détaillant. Je tire un revenu de chacune de ces ventes. C'est ce qu'on nomme un programme d'affiliation. Ce fut ma première source de revenus.

D.B. - BuyMeOnce pivote vers un autre modèle de revenu. De quoi s'agit-il ?

T.B. - Nous recevons de plus en plus de demandes de consommateurs partout dans le monde. « Ma bouilloire ne fonctionne plus, par quelle marque dois-je la remplacer ? » « Je veux que mon prochain aspirateur soit le dernier, que dois-je acheter ? » Nous devons pouvoir répondre à tout le monde. Le programme d'affiliation ne génère pas assez de revenus pour atteindre nos objectifs. Il faut donc prendre de l'expansion, ajouter des ressources. Pour l'instant, nous avons sept employés à temps plein, dont un à New York. Nous avons ajouté la livraison directe (drop shipping). Il s'agit d'un système tripartite où le consommateur passe une commande sur un site Internet qui le transmet au fournisseur. Ce dernier gère les stocks et assure la livraison. Contrairement au programme d'affiliation, où BuyMeOnce n'est qu'une voie vers le fournisseur, cette fois nous passons nous-mêmes les commandes. Cette méthode rapporte plus, mais elle exige davantage de travail. Il faut nouer des liens avec les marques. On les appelle, on les rencontre, on présente notre site. Puis, il faut rédiger des contrats pour encadrer notre relation.

D.B. - Vous prévoyez une première ronde de financement au printemps 2018...

T.B. - Des investisseurs nous ont déjà approchés, mais nous n'étions pas prêts. Maintenant, je crois que nous le sommes. Il faudra cependant nous montrer prudents. Il n'est pas question de dériver de notre mission. Nous sommes une société de recherche qui permet aux consommateurs de connaître et de se procurer les produits les plus durables qui sont offerts.

D.B. - BuyMeOnce est une entreprise, mais c'est aussi un mouvement. Donnez-nous un exemple de dossier auquel vous vous consacrez.

T.B. - Nous voulons forcer les fabricants d'appareils électriques à apposer une durée de vie sur leur produit. Je ne vise pas à établir un standard auquel tout le monde devra se conformer. Je veux simplement que les fabricants s'engagent et soient tenus imputables. Après, c'est leur choix. S'ils promettent une durée trop courte, ils paraîtront mal. S'ils garantissent une durée de vie trop longue, ils devront assumer leur promesse.

D.B. - Comment impliquez-vous les consommateurs et les fabricants dans l'aventure BuyMeOnce ?

T.B. - Nous invitons les consommateurs à soumettre des produits et des catégories. En 2017, nous avons mis les fabricants au défi de créer une version « garantie à vie » de leur produit. Dans un an, nous mènerons un concours et décernerons des prix.

D.B. - Vous visez, entre autres, le Canada pour votre expansion.

T.B. - Nous cherchons des détaillants canadiens avec qui nouer des ententes afin qu'ils envoient leurs produits durables aux consommateurs canadiens.

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