L'art de vendre des autos au Québec


Édition du 23 Avril 2016

L'art de vendre des autos au Québec


Édition du 23 Avril 2016

Par Claudine Hébert

Le partenariat entre Guillaume Lemay-Thivierge et Hyundai dure depuis 2008, période durant laquelle les ventes de Hyundai au Québec sont passées de 26 823 à 41 906 véhicules.

Les associations de concessionnaires automobiles du Québec investissent en moyenne entre 3 et 12 millions de dollars par année en marketing et publicité. Un montant qui varie en fonction du volume de ventes de chaque marque. Quelles sont les stratégies déployées ? Quelles sont les grandes tendances ? Comment réussit-on à rejoindre les jeunes consommateurs ? Des constructeurs, des agences de communication et des experts du domaine nous répondent.

Être près des Québécois

Avant de parler d'Internet, de la télévision, de la radio, de l'imprimé, des panneaux ou des événements, la publicité automobile au Québec doit respecter un principe de base : développer des concepts «pure laine» pour entrer en contact avec les consommateurs québécois.

On n'a qu'à penser au duo Martin Matte et Honda, une lune de miel qui a duré pendant 13 ans et qui a pris fin en 2013 à la demande de l'humoriste. Ou encore le partenariat entre Guillaume Lemay-Thivierge et Hyundai, qui dure depuis 2008, période durant laquelle les ventes de Hyundai au Québec sont passées de 26 823 à 41 906 véhicules.

Même BMW, dont le budget publicitaire est inférieur à 5 M$, a embauché Michel Lacroix, la voix du Canadien de Montréal, pour ses publicités télévisuelles et radiophoniques, en français comme en anglais, pour le marché de l'est du Canada. «On fait une pierre deux coups avec les deux publics», dit Paul Lupien, directeur des ventes chez BMW Group pour l'est du Canada. BMW a vendu plus de 10 000 véhicules au Québec en 2015, une hausse de 39 % depuis 2010.

«Au Québec, ça prend une émotion en publicité pour développer un lien entre une marque et le consommateur. D'où l'utilisation fréquente de l'humour», dit Louis Arbour, vice-président, services-conseils, chez BleuBlancRouge, responsable du compte de l'Association des concessionnaires Toyota du Québec depuis plus de 20 ans. Depuis 2010, la boîte signe le concept «Richard, le remorqueur», campé par le comédien Pierre-Alexandre Fortin.

La plupart des constructeurs ont d'ailleurs compris que ce n'est pas une agence de Toronto qui doit faire le travail, mais une firme présente au Québec. Cundari, l'agence canadienne affiliée à BMW Group, a un bureau à Montréal depuis 2010. Même situation chez Volkswagen Canada, qui fait de nouveau équipe avec l'agence DDB depuis plus d'un an. L'agence de Toronto a ouvert un bureau à Montréal l'année dernière.

«En fait, les constructeurs doivent avoir une équipe au Québec qui reconnaît et connaît l'ADN du consommateur québécois», soutient Maurice Rinaldi, propriétaire de Rinaldi. Cette agence travaille avec Subaru depuis plus de 20 ans.

Il y a des exceptions. La campagne télévisuelle nationale de Cadillac qui, en 2015, mettait en vedette le cofondateur d'Apple, Steve Wozniak, et la chanson d'Édith Piaf Non, je ne regrette rien a été largement diffusée au Québec. Tout comme elle l'a été au Canada anglais et aux États-Unis. Même chose pour la campagne actuelle de Buick («Mon grand-père conduisait une Buick») utilisée à la grandeur du continent.

«Parfois, le même message répond au même défi d'affaires de la marque, quelle que soit la région. Dans ce cas, les deux marques de General Motors, Buick et Cadillac, nécessitaient un repositionnement auprès des consommateurs. Ce que ces messages illustraient», explique Louis Duchesne, vice-président exécutif et directeur général de Cossette.

Le mot clé : Internet

Peu utilisé il y a 10 ans, Internet est aujourd'hui le principal média dont se servent les constructeurs pour se mettre en rapport avec leur clientèle. Chez BMW Group et Subaru, par exemple, Internet compte pour près de la moitié des investissements en publicité, sinon plus. «Et tout cela grâce au forage de données», souligne Luc Dupont, professeur au Département de communication de l'Université d'Ottawa.

«Avec notre agence, nous avons développé une vingtaine de profils pour rejoindre notre public cible sur le Web. Cette stratégie est d'ailleurs la seule qui nous permet de bien mesurer l'impact de nos efforts publicitaires», souligne Paul Lupien, de BMW Group. Au besoin, l'entreprise peut rajuster son tir rapidement.

Chez Subaru, le Web compte pour 40 % des investissements publicitaires. Et cette proportion augmente avec le marketing viral, dont bénéficient les astuces publicitaires (stunts), lequel représente au moins 15 % du budget, rapporte Maurice Rinaldi.

Des opérations publicitaires qui font effectivement beaucoup parler d'elles. Lors du dernier Salon de l'auto de Montréal, l'agence a réservé trois places de stationnement intérieur qu'elle a recouvert d'une montagne de neige. D'un côté, on trouvait un véhicule utilitaire sport concurrent qui semblait pris dans la neige et de l'autre... rien. Que des traces de pneus indiquant que la Subaru était parvenue à sortir aisément.

Ces créations éphémères servent à mettre en valeur les qualités de la voiture. Et ça fonctionne. Subaru a vu ses ventes de véhicules au Québec passer de 7 800 en 2009 à 15 300 en 2015.

La télévision, coûteuse, mais...

La télévision reste le média le plus coûteux. Une campagne se compte en millions de dollars par année. Mais l'investissement vaut le coup. «Nous avons au Québec un environnement télévisuel unique au monde avec son propre star system. Ce printemps, avec La Voix à TVA et Tout le monde en parle à Radio-Canada, on avait la chance d'avoir, en cote d'écoute, l'équivalent d'un Super Bowl tous les dimanches soirs», indique Luc Arbour, de BleuBlancRouge. Une soirée au cours de laquelle le consommateur peut difficilement zapper (changer de chaîne) pendant les commerciaux ou «zipper» (enregistrer l'émission pour la regarder plus tard).

L'imprimé est en déclin... sauf en région 

Les médias écrits souffrent beaucoup du virage Internet en publicité. «Sauf peut-être les journaux locaux, car les hebdos constituent encore le média qui rejoint le plus facilement les consommateurs en région. Cela reste le principal outil utilisé par les concessionnaires pour leur publicité locale», soutient Luc Dupont.

Le professeur de l'Université d'Ottawa met toutefois un bémol : «Ce n'est pas normal qu'il y ait encore des concessionnaires qui engloutissent une fortune, jusqu'à un demi-million en publicité dans les journaux, sans avoir mis au point une stratégie, une planification en fonction des saisons, des profils de lecteur, des conditions économiques. On voit trop souvent encore des pages pleines remplies de voitures et de leur prix. C'est de l'argent qui, à mon avis, est très mal dépensé. Il est grand temps que les concessionnaires revoient leurs façons de faire.»

David Crête, professeur de marketing à l'Université du Québec à Trois-Rivières, est du même avis. «Les stratégies sont encore trop axées sur les marques ainsi que sur les prix, les conditions et les garanties, dit-il. La publicité, et plus particulièrement en région, devrait être pensée et conçue en fonction du consommateur, de ses besoins réels.»

À la une

Budget fédéral 2024: l'art de se tirer dans le pied

17/04/2024 | Daniel Dufort

EXPERT INVITÉ. Le gouvernement de Justin Trudeau «s’autopeluredebananise» avec son «budget mémorable».

Gain en capital: pas une surprise

17/04/2024 | Dany Provost

EXPERT INVITÉ. «Combien d’impôt ça va vous coûter de plus?»

L'industrie technologique mécontente des mesures sur les gains en capital

Mis à jour le 17/04/2024 | La Presse Canadienne

L'industrie technologique est mécontente des mesures sur les gains en capital.