L'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi menacée après l'arrestation de Ghosn

Publié le 20/11/2018 à 06:53

L'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi menacée après l'arrestation de Ghosn

Publié le 20/11/2018 à 06:53

Par AFP

L'affaire Carlos Ghosn prend de l'ampleur au Japon avec de nouvelles révélations des médias qui amplifient la menace pesant sur l'empire automobile Renault-Nissan-Mitsubishi Motors tant l'équilibre de ce triangle semblait reposer sur un seul homme tombé brutalement de son piedestal.

Accusé d'avoir dissimulé aux autorités financières japonaises une part importante de ses confortables revenus, le dirigeant de 64 ans était toujours en garde à vue mardi dans un centre de détention de Tokyo au lendemain de son arrestation à la sortie de son jet privé.

En France, le ministre de l'Economie, Bruno Lemaire, a cependant assuré que M. Ghosn était en règle. «Il n'y a rien de particulier à signaler» a-t-il affirmé après avoir demandé à ses services de «vérifier la situation fiscale de Carlos Ghosn en France».

Selon un communiqué du parquet, M. Ghosn «a conspiré pour minimiser sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015», en ne déclarant que 4,9 milliards de yens (environ 37 millions d'euros au cours actuel) contre près de 10 milliards de yens sur la période.

L'interpellation du Franco-Libano-Brésilien est l'aboutissement d'une enquête interne de plusieurs mois menée par Nissan, qui a transmis les informations au ministère public.

Lors d'une conférence de presse tenue lundi soir, le président exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, a également mentionné «de nombreuses autres malversations, telles que l'utilisation de biens de l'entreprise à des fins personnelles».

Selon les médias locaux, une filiale de Nissan a financé l'achat de luxueuses résidences dans quatre pays, propriétés dans lesquelles M. Ghosn se rendait gratuitement à sa guise. Il aurait en outre, selon la chaîne publique NHK, empoché des sommes déclarées au nom d'autres administrateurs.

Fragile équilibre

Du côté des autorités japonaises et françaises, qu'il s'agisse du président français Emmanuel Macron ou du ministre de l'Industrie japonais Hiroshige Seko, un seul mot d'ordre: «la stabilité de l'alliance», bâtie sur un fragile équilibre désormais menacé si Carlos Ghosn ne parvient pas à se relever du scandale.

L'affaire survient au moment où le PDG de l'ensemble aux 10 millions de voitures travaillait à rendre les liens «irréversibles» entre Renault et Nissan, a commenté dans une note Kentaro Harada, analyste chez SMBC Nikko Securities.

«Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que l'alliance se retrouve affaiblie». «Cela va-t-il changer l'équilibre du pouvoir (entre les parties française et japonaise), c'est la principale question», souligne-t-il.

Le sujet est très sensible alors que l'Etat français détient 15% du capital de Renault.

Le volet judiciaire de l'affaire soulève aussi «d'innombrables interrogations», selon l'expert. «Pourquoi les malversations n'ont-elle été découvertes que maintenant, et comment M. Ghosn, avec Greg Kelly (un autre responsable de Nissan placé en garde à vue), auraient-ils réussi à falsifier des documents tout seuls dans leur coin», s'interroge-t-il.

«Une question d'argent»

M. Saikawa a eu des mots très durs contre son ancien mentor, selon lui tombé pour avoir trop concentré les pouvoirs. «C'est un problème que tant d'autorité ait été accordée à une seule personne», a-t-il lâché, dénonçant «le côté obscur de l'ère Ghosn».

Le conseil d'administration de Nissan se prononcera sur le limogeage de son président jeudi matin. Mitsubishi Motors (MMC) a annoncé une décision similaire.

Le conseil d'administration de Renault, lui, se réunira dès ce mardi.

L'État français a demandé la mise en place d'une gouvernance intérimaire, ayant pris acte que M. Ghosn n'est plus en état de diriger le groupe, avait indiqué auparavant Bruno Le Maire.

Les actions des constructeurs japonais ont souffert mardi à Tokyo, clôturant en baisse de 5,45% pour Nissan et de 6,84% pour MMC.

À Paris, le titre Renault perdait lui 1,42% peu après l'ouverture, après avoir déjà dévissé de 8,43% lundi.

Après avoir été mis sur un piédestal pour avoir sauvé Nissan de la faillite au tournant des années 2000, puis plus récemment Mitsubishi Motors, tout en forgeant une alliance solide avec le groupe français Renault, Carlos Ghosn était mardi jeté en pâture.

«Il est cupide. A la fin, ce n'est qu'une question d'argent», lançait ainsi un responsable de Nissan dans le quotidien Yomiuri. «Il demandait à ses subordonnés de remplir des objectifs difficiles, mais lui-même continuait à percevoir un salaire élevé même quand les activités de Nissan n'allaient pas si bien», ajoute le journal.

Au siège de Nissan à Yokohama, en banlieue de Tokyo, les employés étaient abasourdis. «C'était totalement inattendu, je ne sais que penser», a confié un employé de 38 ans au journal économique Nikkei. «Cela arrive au pire moment», dit-il, alors que Nissan a été touché par deux scandales successifs causés par des lacunes dans l'inspection des véhicules au Japon.

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