Drones de mystère, drones d'affaires

Offert par Les Affaires


Édition du 17 Juin 2017

Drones de mystère, drones d'affaires

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Édition du 17 Juin 2017

Tandis que les autorités gouvernementales tentent d'encadrer - tant bien que mal - la prolifération (ou l'intrusion, diraient certains) des drones dans notre quotidien, l'industrie aéronautique québécoise cherche, elle, le moyen de se positionner afin de tirer profit au maximum de ce marché en pleine ébullition. Les perspectives de croissance de l'industrie paraissent ainsi exponentielles. Selon Teal Group, la production mondiale de drones représentait en 2015 des ventes de 4 milliards de dollars américains (G$ US), un chiffre qui devrait quintupler pour atteindre les 25 G$ US en 2025.

Plus prudent dans ses prévisions de croissance, le non moins respecté groupe français Thales estime que le marché du drone atteindra les 23 G€ (33 G$) en 2030, pour une croissance annuelle composée de 7 %. D'ici là, le militaire (plus de 80 % du marché actuel) continuera de dominer le marché avec pas moins de la moitié des dépenses de l'industrie mondiale en 2030.

Et même si le drone de loisir est encore appelé à quintupler en importance d'ici 15 ans, on estime que c'est le drone utilisé à des fins professionnelles qui connaîtra la plus forte croissance. De fait, selon Thales, ce segment devrait connaître une croissance annuelle composée de 22 % au cours des prochaines années, pour atteindre à lui seul des ventes de 8,8 G$ en 2030.

Des perspectives encourageantes

«Tout le monde en parle. Et il y a un engouement certain, dit Suzanne Benoît, PDG d'Aéro Montréal, le secrétariat québécois de la grappe aérospatiale. Les perspectives de croissance sont telles que nous voudrions devenir une référence mondiale dans le domaine.» Il faut dire que ces engins volants, d'abord développés pour des fins militaires (surveillance et combat), semblent aujourd'hui trouver chaque jour une nouvelle utilité civile. De la simple prise de photos de famille à l'occasion d'un mariage à la livraison d'une commande passée sur Amazon, en passant par l'inspection de bâtiments ou d'une terre cultivée au service d'une agriculture de précision, ou encore une opération de sauvetage de navire coincé dans les glaces, il semble ne pas y avoir encore de limites à leur polyvalence.

Déjà, Hydro-Québec a intégré une panoplie de drones, conçus par l'Institut de recherche d'Hydro-Québec, qui contribuent à l'inspection de son immense réseau de transport et de distribution d'électricité. Et ils en ont long à parcourir : le réseau fait 144 000 km de longueur, l'équivalent de trois fois la circonférence de la Terre.

Pendant ce temps, Gaz Métro, principal distributeur de gaz naturel au Québec, observe la tendance et réfléchit à la possibilité d'intégrer, comme chez Hydro-Québec, de tels engins aux routines de surveillance de ses installations. Selon sa porte-parole, Catherine Houde, une telle décision pourrait lui permettre d'épargner sur les quelque 170 000 $ qu'elle consacre annuellement à ses patrouilles aériennes, principalement en hélicoptère.

Et ce n'est que le début. Les services de police, de surveillance maritime ou de lutte contre les feux de forêt, pour ne mentionner que quelques exemples, bavent déjà d'envie de pouvoir aussi s'équiper. Il en va de même pour les autorités carcérales, les services douaniers et de surveillance des côtes.

Un écosystème à organiser

Étrangement, par contre, on ne dispose encore au Québec que de bien peu de données sur cette industrie. «La réalité, dit Mme Benoît, est que l'industrie québécoise est encore éclatée. Malgré son historique et l'intérêt qu'elle représente, il nous faut encore l'aider à s'organiser, à constituer un écosystème».

Pourtant, l'industrie du drone n'est pas nouvelle à Montréal. De fait, dès la fin des années 1950, Canadair, puis Bombardier par la suite, furent parmi les premiers à concevoir de tels engins. Les plus vieux se souviendront des CL-89, CL-289 et CL-327, ce dernier surnommé le flying peanut en raison de sa vague ressemblance avec une arachide.

Peu de gens savent que Bombardier aura ainsi vendu plus de 500 drones aux pays membres de l'OTAN pendant ces années, avant qu'elle finisse par céder ses activités de défense, en 2003, à la société L3-MAS, de Mirabel.

Mais l'espoir est là. Reconnaissant l'importance du potentiel de développement de cette industrie, le gouvernement du Québec a décidé de s'appuyer sur les expertises du Centre d'excellence sur les drones (CED), fondé en 2008 à Alma, au Lac-Saint-Jean, pour créer un tout nouveau créneau d'excellence consacré expressément à ce secteur. Si tout va bien, cette désignation pourrait permettre la naissance au Québec du plus important centre d'essai et de qualification de drones (avec et hors vue) au Canada.

L'industrie s'éveille au Québec

Tranquillement, on assiste aussi ces dernières années à la naissance de dizaines de petites entreprises dans le secteur. Des PME comme Drones Falcon Bleu, spécialisée dans les images d'architecture (celles récemment de l'illumination du pont Jacques-Cartier), comme KoptR Image, qui offre des formations de pilotage en plus d'autres services de prise d'images aériennes, ou encore comme SlidX, une start-up montréalaise qui, dans l'attente d'une première commande ferme en aide humanitaire, envisage une traversée de l'Atlantique à l'aide d'un drone alimenté par des panneaux solaires.

Dans son tout dernier rapport, daté de mai 2017, le Comité sectoriel de main-d'oeuvre en aérospatiale (CAMAQ) fait état de 45 entreprises d'exploitation de drones au Québec, comparativement à seulement 7 l'année précédente.

Le nombre de pilotes de drones professionnels au Québec, qui était de 88 en janvier, devrait croître rapidement pour atteindre 146 d'ici la fin de l'année, et 220 à la fin de 2018.

Même si ces chiffres peuvent paraître modestes, ils confirment néanmoins que le Québec s'éveille à cette nouvelle industrie. «C'est un marché en pleine explosion. Et le fait que cela soit vrai ici aussi a quelque chose d'absolument rassurant», résume la directrice générale du CAMAQ, Nathalie Paré.

Une grappe qui travaille dans le mystère

Si l'écosystème du drone reste encore à être organisé, c'est aussi beaucoup parce que les grandes organisations québécoises travaillent généralement dans le mystère.

On sait par exemple que Héroux Devtek fournit les trains d'atterrissage du RQ Global Hawk, utilisé notamment par les armées américaine, allemande et sud-coréenne. Fabriqué par l'américaine Northrup Grumman,ce drone de surveillance de 14,5 mètres de longueur est capable de voler à des vitesses de croisière de 575 km/h. «Ce ne sont pas toujours des grands volumes ; environ cinq par année dans ce cas-ci. Mais chaque contrat compte et vaut son pesant d'or», dit Rémy Langelier, directeur du développement des affaires chez Héroux-Devtek. L'entreprise de Longueuil, qui s'est fait connaître en fabriquant le train d'atterrissage du module qui a déposé Neil Armstrong sur la lune en 1969, travaille bien sûr à d'autres programmes de drones. Mais sur ces derniers, pas un mot. «C'est top secret, strictement confidentiel», répond M. Langelier.

Du bout des lèvres, Marc Duchesne, porte-parole de Pratt & Whitney Canada, reconnaît aussi que l'entreprise de Longueuil fournit le moteur du Predator C Avenger, un drone furtif de reconnaissance armé.


Source : Thales

Il en va de même pour CAE, aussi impliquée dans l'industrie du drone, à titre surtout de formatrice des Forces armées américaines pour l'utilisation de deux drones de surveillance et de combat. Sa porte-parole, Pascale Alpha, explique que CAE forme quelque 1 500 pilotes américains par année. L'entreprise montréalaise fabrique également des simulateurs d'entraînement de pilotes pour aéronefs télépilotés (UAS) qui seront livrés prochainement aux Forces armées italiennes. Et tout récemment, les Forces armées des Émirats arabes unis annonçaient avoir conclu avec l'entreprise un contrat de 56 M$ pour qu'elle fournisse, comme en Italie, une solution complète d'entraînement sur aéronef télépiloté à la Force aérienne des Émirats arabes unis, à Abu Dhabi.

Extrêmement discrète à ce propos, Bell Helicopter Textron, de Mirabel, travaillerait aussi activement à de tels projets avec sa maison mère américaine. L'entreprise n'a cependant pas donné suite à nos demandes d'entrevue. Ce que l'on sait par contre, c'est qu'en mars, l'entreprise a dévoilé à Dallas, au Texas, le Bell FCX-001, un appareil hybride pouvant être piloté de façon traditionnelle (avec pilote à son bord) ou encore à distance (sans pilote).

JUSTAS fait saliver les étrangères

Malgré nombre de reports, l'important projet d'acquisition de drones du gouvernement canadien semble toujours susciter de l'intérêt. Du moins chez certaines sociétés étrangères. Connu sous le nom de JUSTAS (Système interarmées de surveillance et d'acquisition d'objectifs au moyen de véhicules aériens sans pilote), le programme doit faciliter l'acquisition par le Canada de véhicules aériens sans pilote.

L'an dernier, le gouvernement Trudeau publiait une lettre d'intention destinée aux fournisseurs intéressés, qui avaient jusqu'à la mi-avril 2016 pour se manifester. L'appel de candidatures parle de drones capables de voler sur 1 852 km, disposant d'une autonomie de 18 heures, capables de mener des opérations terrestres et maritimes, et de transporter de multiples charges, de surveillance ou de frappe. Le drone désiré devrait en outre pouvoir tirer un missile Hellfire ou larguer deux bombes de 113 kilos.

Le programme JUSTAS serait aujourd'hui évalué à 1,5 G$, dans une industrie mondiale du drone qui, rappelons-le, n'atteint actuellement que 4,5 G$ US.

Au cours des derniers mois, plusieurs entreprises étrangères se sont montrées particulièrement présentes au Québec. C'est le cas, entre autres, du groupe Thales. Au cours de la Semaine internationale de l'aérospatiale, en avril, l'entreprise a été commanditaire principal d'un séminaire d'une journée consacré à l'industrie du drone. Pendant l'événement, la direction a pris le micro pour inviter les entreprises québécoises à se manifester pour participer à un programme de fabrication de drones de 700 à 1 700 kilos destinés à la surveillance. Mais la multinationale de l'aéronautique demeure discrète, si ce n'est carrément secrète. Malgré sa main tendue à l'industrie locale, nos demandes répétées d'entrevue ou d'information auprès des dirigeants de l'entreprise, tant à Montréal qu'à Ottawa, se sont heurtées à un mur.

Nos demandes sont également restées lettre morte chez Airbus, qui serait en campagne pour établir des liens avec des partenaires du Québec. Une rencontre à ce propos aurait même eu lieu entre la direction d'Airbus et les dirigeants du ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation (MESI) l'automne dernier. Tant chez Aéro Montréal qu'au ministère, nos coups de sonde se sont soldés par des fins de non-recevoir. Officiellement, personne n'a eu vent d'une telle rencontre. Ce qui fait dire à un observateur de longue date de l'industrie que, dans ce domaine plus que dans nul autre, «le silence est d'or et se mesure en milliards de dollars».

 

 

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