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Un pour tous, tous pour un

Anne Marcotte|Publié le 12 novembre 2020

Un pour tous, tous pour un

(Photo: courtoisie)

BLOGUE INVITÉ. «J’aimerais commander des pappardelles aux champignons sauvages sans ail, sans oignons et sans échalotes svp». Au bout du fil, il y a un temps mort. J’ai le sentiment que l’interlocuteur reconnaît mes demandes particulières. « Dans combien de temps tu veux passer Anne?», me lance le restaurateur.

Trente minutes plus tard, me voilà dans le stationnement du Il Matto, situé sur la rue Myrand à Québec. De toute évidence, la pandémie a complètement chamboulé le décor habituel du restaurant. L’ambiance tamisée a laissé place à un plein éclairage, les chaises et les tables sont empilées sur le bord des murs et plusieurs bouteilles de vin ont quitté le cellier pour atterrir, avec un prix maintenant escompté, dans le hall d’entrée de l’établissement.

Rapidement, le grincement des portes de la cuisine brise le silence. Faisant fi de son visage masqué, le proprio, fidèle au poste, m’accueille avec sa cordialité habituelle. Toujours aussi courtois, il se place en retrait du comptoir question de prendre de mes nouvelles pendant que le seul serveur sur le plancher termine de préparer ma commande. Puis à mon tour, je m’informe de sa situation.

 

Avant et après

Rocco, qui a fait sa marque en offrant un des meilleurs rapports qualité-prix dans sa catégorie et dont l’équipe dévouée a la réputation de faire vivre une expérience client hors du commun, a perdu gros. «Avant la pandémie, ça roulait ici le midi avec les lunchs d’affaires. On avait aussi le va-et-vient des gens de Montréal et des autres régions qui en profitaient pour venir prendre une bouchée. Le soir, les gens arrivaient avec leurs familles, leurs amis, leurs clients ou du moins, ils venaient en couple. Un client fidèle finit toujours par en amener d’autres. On appelle ça l’effet multiplicateur. Les gens appréciaient leur sortie et ils aimaient faire durer le moment. Ils commençaient l’expérience par l’apéro puis du vin en mangeant et ça se terminait souvent par un digestif. La facture moyenne était très bonne!», me raconte le restaurateur visiblement nostalgique.

La fermeture actuelle des salles à manger a fait disparaître 93% de son chiffre d’affaires. La première vague a emporté avec elle 35% de ses effectifs et là, c’est un autre 10% qui vient de s’envoler. Certains de ses employés sont devenus préposés aux bénéficiaires, d’autres travaillent maintenant dans le domaine de la construction.

En pleine zone rouge, l’expérience actuelle continue de se résumer à des plats pour emporter. Et comme me l’explique Rocco, même si son restaurant est ouvert en soirée, du mercredi au dimanche, ce sont les vendredis et samedis qui demeurent les plus populaires.

 

«Le 7 chanceux»

 

Au fil de la conversation, j’apprends que les commandes pour emporter ne génèrent peut-être que 7% de son chiffre d’affaires habituel, mais, c’est cet apport qui, une fois jumelé aux subventions et à son fonds personnel pour les urgences, lui permet de garder son équipe en cuisine. «Je ne peux pas et je ne veux pas les perdre, je vais avoir besoin d’eux quand ça va repartir à la normale et aussi, c’est important que nos cuisines continuent d’encourager les producteurs locaux», me lance-t-il d’un ton déterminé.

J’ai demandé à Rocco d’où venait ce précieux 7% nécessaire à la situation de survie actuelle. «Ce sont 60 clients fidèles qui, semaine après semaine, viennent et reviennent pour nous encourager», me dit-il avec un trémolo dans la voix. Et il termine en me confiant que ce qui contribue le plus à sa santé mentale présentement, c’est de garder le contact avec ses clients.

 

La solidarité, ça goûte bon!

À chaque fois que je me suis attablée dans le restaurant de Rocco, j’ai toujours senti que ma clientèle était importante pour lui. Mais curieusement, c’est en mangeant toute seule ses pâtes dans mon salon que j’en ai compris toute la portée.

La pandémie actuelle apporte son lot d’épreuves et de combats pour nos restaurateurs qui vivent présentement des rebondissements hors du commun, il est primordial de comprendre et surtout de maintenir les liens qui nous unissent à eux.

Face à cette crise, il faut être solidaire et ne faire qu’un, une commande à la fois, le plus souvent possible et pas juste les vendredis et samedis.

Bon appétit!