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Tenir avec de la broche

Anne Marcotte|Publié le 03 mars 2021

Tenir avec de la broche

Chose certaine, la broche est maintenant un service devenu essentiel pour tout le monde. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. « Ça tient avec de la broche son affaire… ». Combien de fois avez-vous entendu cela à propos de quelque chose qui ne semble pas solide ? Je suis presque certaine que vous l’avez même déjà dit en parlant d’une personne. On s’entend que cette expression populaire est loin de faire office de compliment. Mais voilà qu’avec la pandémie qui s’éternise en continuant de bouleverser autant nos vies personnelles que professionnelles, la broche est assurément en train de gagner ses lettres de noblesse. 

Ça m’est arrivé par le passé… de tenir juste avec de la broche. Je l’ai vécu lorsque je me suis lancée en affaires le jour de mon congédiement. Je l’ai ressenti à nouveau, quelques années plus tard, lorsque je vivais des problèmes majeurs avec un gros client et qu’au même moment, j’accouchais de mon premier enfant. Puis, ce sentiment de ne pas me sentir pleinement solide est revenu lorsque j’ai quitté mon entreprise après l’avoir vendue. Malgré la conclusion d’une transaction profitable, ça m’avait amenée à faire une dépression.

Dans la vie, on tombe et on se ramasse. Chacun fait comme il peut. Et encore plus depuis le début de la pandémie. Ça va faire un an que je suis pratiquement seule dans mes bureaux situés dans un édifice où j’ai de moins en moins de voisins. De ma fenêtre, j’ai la vue sur une petite artère commerciale inanimée où on ne retrouve presque plus de commerçants. Afin de créer un peu de vie, je ne me surprends même plus à m’entendre parler toute seule. Rien à voir avec la frénésie de l’année dernière où, à pareille date, je revenais de donner une conférence au Salon des entrepreneurs de Paris qui avait accueilli 65 000 participants.

Mon entreprise actuelle œuvre principalement dans l’événementiel. On a réussi à s’adapter et à rester fonctionnel en mode télétravail. Ça roule au ralenti et complètement différemment, mais du moins, ça roule. « Quand on se compare, on se console », disait mon père. Chaque semaine, on finit par recevoir des courriels qui rebondissent. Plusieurs de nos contacts clients ont malheureusement perdu leur poste. Des années de relations d’affaires personnelles sont ainsi perdues. Bien des choses seront à recommencer et à rebâtir.

Et pour tout vous dire, je n’ai pas encore réussi à m’habituer à l’absence de mon plus fidèle collègue de travail des vingt-cinq dernières années, et ce, même si son départ avait été planifié bien avant la pandémie. En plus, je n’ai même pas pu le serrer dans mes bras en le remerciant pour sa loyauté exceptionnelle à mon égard.

J’avoue que depuis la fin de l’automne passé, je garde dans ma poche arrière un vieux mouchoir dans lequel je vais parfois pleurer. N’allez surtout pas croire que je me plains ou que je désire me faire prendre en pitié. Non, pas du tout ! J’ai la chance d’avoir ce qui est présentement considéré comme ce qu’il y a de plus important dans le présent contexte, c’est-à-dire la santé physique. Et lorsqu’il y a des jours où psychologiquement c’est plus difficile, j’ai de la broche.

 

Nouveau service essentiel

La broche, ça aide à tenir bon pendant la panique ou les périodes difficiles et plus sombres. Ça aide à gérer les hauts et les bas de la vie. J’en ai même fourni régulièrement, dans les dernières années, à plusieurs jeunes entrepreneurs qui se retrouvaient, tout à coup, dans une situation plutôt précaire.

Chose certaine, la broche est maintenant un service devenu essentiel pour tout le monde. Personne n’est à l’abri des ravages liés à une pandémie qui s’éternise. Elle peut même s’emparer des gens qui ont toujours eu l’air solides. Car dans le contexte actuel, ceux qui se sentaient forts hier peuvent, à tout moment, se sentir beaucoup moins robustes demain.

 

Nouvelle valeur refuge

La broche, c’est comme l’or et les métaux précieux, c’est une valeur refuge. C’est un parent, un ami, un collègue, un client, un fournisseur, une personne dans notre entourage ou même un inconnu qui, à un moment donné, nous tend la main.

C’est, entre autres, un appel pour prendre des nouvelles, un texto avec des mots réconfortants, une discussion régulière et de qualité, un échange spontané ou un partage approfondi sur les meilleures pratiques d’affaires. C’est aussi quelqu’un qui répond « présent » quand on en a besoin. Bref, c’est quelque chose à laquelle on peut s’accrocher.

La pandémie a le mérite de nous avoir enseigné que nous pouvons tous être, à tout moment, la tige de fer dont quelqu’un a besoin pour continuer de tenir bon.

Ne sous-estimez jamais le pouvoir de la broche.