(Photo Unsplash)
On va se le dire, le Québec est régulièrement envieux des pays scandinaves pour leurs politiques progressistes, certains de leurs gestes environnementaux, et pour une qualité de vie qui, vue d’ici, semble supérieure à la nôtre. Évidemment, ces pays nordiques connaissent eux aussi à peu près les mêmes problèmes que nous : système de santé en péril, écoles bondées, taxes élevées, et des politiques d’immigration qui ne font pas l’unanimité.
Plus on se compare, plus on se ressemble… Mais il y a une autre facette où ces pays, la Suède, à tout le moins, peut inspirer le Québec : son écosystème de start-up est un des plus effervescents sur la planète. Outre Spotify, qui n’a pas manqué de donner un sérieux coup d’accélérateur à l’économie locale des jeunes pousses technos, Stockholm compte des centaines de start-up, la plupart dans les secteurs de croissance clés de l’économie mondiale.
Dans l’édition 2019 de son rapport annuel sur l’écosystème mondial des start-up, l’organisme Startup Genome classe d’ailleurs Stockholm au onzième rang des villes les plus importantes dans le monde. C’est un bond de trois places, en un an. Notez par ailleurs que Toronto suit Stockholm de près, au treizième rang, elle aussi en hausse de trois échelons par rapport à 2018.
Montréal avance, en arrière
Excluant les États-Unis et ses 12 représentantes, le Canada est un des trois pays, avec la Chine et l’Allemagne, à compter deux de ses villes parmi le Top 30 du Startup Genome. Et contrairement à ce qu’on peut croire, il ne s’agit pas de Toronto et Montréal, mais bien de Toronto… et Vancouver.
Les détails de ce rapport, et d’autres indicateurs économiques importants pour Montréal et le secteur québécois de la technologie, seront d’ailleurs présentés officiellement à l’occasion du Startup Festival qui a lieu à Montréal en ce moment même et jusqu’à vendredi.
On discutera d’ailleurs du fait que Montréal a bondi du 44e au 33e échelon, cette année, ce qui en fait un des «challengers» dans l’industrie, au même titre que Melbourne, Moscou, Séoul et Tokyo. La présence de «licornes», ces jeunes pousses valant plus d’un milliard $US, aide. Disons qu’il y a pire groupe de villes avec qui figurer dans un palmarès international…
Une bonne nouvelle qui ne devrait pas cacher le fait que Montréal n’est pas la locomotive canadienne qu’on peut l’imaginer être, elle qui ne figure en tête d’aucun de ses secteurs les plus connus. Tant dans l’intelligence artificielle que dans le jeu vidéo, ou même dans les technologies financières, Montréal traîne la patte derrière une dizaine d’autres villes dans le monde, au minimum.
De 4 à 40 milliards $US
Le rapport de Startup Genome prévoit que d’ici dix ans, 100 villes franchiront le seuil des 4 milliards $US en termes de valeur de leur écosystème de jeunes pousses technologiques. C’est un seuil important, vu de Montréal, puisque c’est justement, à quelques millions de dollars près, la part de son économie qui est composée de start-ups.
Le Satrtup Genome va un peu plus loin, croyant que la robotisation et le secteur de la fabrication automatisée et avancée représenteront, dans les années à venir, le plus important vecteur de croissance pour ces nouvelles entreprises. À ce jeu, Montréal est bien positionnée, puisque c’est justement ce qui la distingue d’autres grandes villes dans le monde.
En revanche, si on compare à d’autres villes, la métropole québécoise souffre d’un manque d’implication d’acteurs importants, qui pourraient faire la différence. D’abord, l’aide du gouvernement à l’écosystème des start-ups, qui se chiffre à quelques centaines de millions de dollars, est loin du milliard et plus qu’investissent annuellement des régions économiques similaires, comme la Suède, ou même Israël.
Ensuite, les grandes entreprises et les grands entrepreneurs d’industries plus traditionnelles ne réinvestissent pas l’écosystème à un niveau comparable à ce qui se fait ailleurs. Un réinvestissement qui peut prendre plusieurs formes.
Par exemple, la Suède a vu de nombreux ingénieurs mis à pied par le géant Ericsson fonder leur propre entreprise, au fil des ans. C’est de là que viennent plusieurs fondateurs de start-ups qui ont ensuite connu un succès international. Puis, la Suède a profité de ce qu’on appelle, là-bas, le phénomène Bjorn Borg. Le succès du joueur de tennis a provoqué un engouement des Suédois envers ce sport. Même chose pour l’entrepreneuriat : Skype, King Digital (Candy Crush) et Mojang ont inspiré une nouvelle génération d’entrepreneurs et de nouvelles entreprises dans des secteurs technologiques prometteurs.
Résultat : avec une économie (PIB de 217G$) et une population (1,5M de personnes) semblables à celles de Montréal, la ville de Stockholm peut se targuer de compter sur des centaines de start-up dont la valeur estimée par le Startup Genome est dix fois supérieure à celle de leurs homologues montréalaises, un peu sous les 40 milliards $US.
Bonjour start-ups
Montréal ne fait pas pitié pour autant. L’organisme Bonjour Startup Montréal dénombre plus de 800 jeunes pousses dans la métropole, et rappelle du même souffle que Lightspeed, qui s’est récemment inscrite en Bourse avec un succès notable, est la première d’une série d’entreprises qui devraient faire grimper la valeur et l’attrait de l’écosystème local auprès des décideurs locaux et internationaux, publics et privés.
Pour faire croître cette portion de l’économie montréalaise, Bonjour Startup estime donc que le principal défi n’est pas de créer de nouvelles entreprises, ni d’attirer des grands joueurs étrangers. C’est plutôt d’aider les entreprises d’ici à s’afficher à l’international. À exporter leurs biens ou services dans les marchés américains, européens et asiatiques.
Bref, à rayonner. «C’est pour ça qu’on souhaite devenir la voix des start-up de Montréal», résume Liette Lamonde, directrice générale de Montréal Inc, qui chapeaute Bonjour Startup Montréal, en collaboration avec la Fondation Osmo, qui gère la Maison Notman, un site populaire auprès des start-ups situé au centre-ville de Montréal.
Dans le meilleur des mondes, Bonjour Startup offrira un répertoire détaillé des start-up locales sur son site web, de l’information sur les ressources existantes pour celles-ci et pour les investisseurs locaux et étrangers, et assurera en prime une présence montréalaise dans les événements majeurs partout dans le monde où les start-up technos gagnent à être représentées.
«On remplit le mandat qu’on a eu du gouvernement l’automne dernier au moment de créer l’organisme, mais on ajoute aussi quelques mandats additionnels, en faisant tout ça», explique Mme Lamonde.
Celle-ci est bien consciente des enjeux rencontrés par les jeunes entreprises de chez nous pour se démarquer de leurs rivales étrangères. Et elle aussi à la Suède à l’œil. Ainsi que Tel-Aviv. Et Houston.
Et, oui, Vancouver. Car l’idée n’est pas de développer un complexe face à d’autres villes connaissant leur propre succès, mais de s’inspirer de leurs bonnes pratiques pour aider à créer de la valeur localement, à Montréal.
Et ça, c’est bon pour l’économie au sens plus large. Surtout à un moment où la pénurie de main-d’œuvre force à réfléchir à la croissance économique en d’autres termes que sous l’angle de la simple création d’emplois…
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