Sécurité alimentaire : comment se rapprocher du risque zéro ?
Événements Les Affaires|Publié le 11 février 2019Quand il est question de sécurité alimentaire, le risque zéro n’existe pas. Mais on peut s’en rapprocher le plus possible. Pour vous inspirer, voici des conseils et des bonnes pratiques entendus lors de la conférence Sécurité alimentaire, présentée par les Événements Les Affaires le 6 février dernier.
Le contrôle, ça regarde tout le monde
Souvent, les gens du contrôle de la qualité sont perçus comme des « matadors avec des matraques», a fait remarquer Didier Leroux, directeur Sécurité alimentaire et affaires réglementaires chez Produits alimentaires Viau, un fabricant de viandes transformées. L’entreprise a opté pour une autre approche : inclure le contrôle de la qualité dans les tâches des employés des opérations tout en conservant une équipe dédiée à cet aspect.
« Il y a des résistances au début, a convenu M. Leroux, mais il faut s’armer de patience et y consacrer les ressources nécessaires. Aujourd’hui, ça fonctionne. Le contrôle de la qualité fait partie des opérations. C’est même une responsabilité valorisante pour les employés. »
L’entreprise, qui fabrique la gamme de charcuteries Fantino & Mondello, procède même à des audits chez certains fournisseurs. « Les statistiques le prouvent, les fournisseurs sont souvent associés aux écarts de qualité, a indiqué le conférencier. Se fier aux lettres de garanties, c’est faire l’autruche. »
Pour les matières premières qui comportent des risques, il estime essentiel de demander des comptes aux fournisseurs.
Ne pas avoir peur de creuser
Creuser pour trouver ce qui ne fonctionne pas dans le système. C’est le rôle de l’équipe d’assurance-qualité de Viau, une équipe distincte de celle du contrôle de la qualité. Comment trouver les failles ? En auditant tous les départements, y compris ceux qui n’ont pas l’habitude de l’être : informatique, achats, ressources humaines, contrôle de la qualité, etc.
Cette même équipe a aussi comme responsabilité d’identifier la cause des problèmes et de trouver des solutions. « Ce qui fonctionne le mieux, c’est toujours de parler avec les gens du secteur où s’est produite la non-conformité », a insisté Didier Leroux.
Il a raconté la fois où un produit n’avait pas atteint les limites critiques de cuisson, malgré les validations indiquant que tout était normal. La cause ? Un employé avait mis un chariot de trop dans le four pour éviter qu’un produit non cuit reste trop longtemps à la température de la pièce. Toutefois, un seul critère change et les paramètres établis ne fonctionnent plus.
Le geste de l’employé a eu un impact négatif, mais il découlait d’une mauvaise planification du travail, a expliqué M. Leroux. « Il faut voir les non-conformités comme une chance de s’améliorer. »
Faire une veille
« La veille réglementaire, c’est la base pour assurer l’intégrité d’une entreprise, a affirmé Didier Leroux. Sinon, c’est impossible de connaître tout ce qui s’en vient. Et il ne suffit pas de s’abonner aux courriels de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. On fouille partout. Et on consulte aussi les grilles des auditeurs pour s’assurer qu’on fait tout ce qu’il faut faire. »
Par ailleurs, Viau dispose de son propre laboratoire. Elle analyse un échantillon de tous ses produits avant qu’ils sortent de l’usine. « Ça ne donne pas un risque zéro, mais c’est une précaution de plus », a dit M. Leroux.
Trouver l’erreur
Quelle est la principale cause de rappel d’aliments au pays ? La présence d’allergènes non déclarés. Or, la contamination croisée représente environ le quart des non-conformités. « Les entreprises mettent beaucoup d’efforts à prévenir la contamination croisée, mais il ne faut pas oublier que la plupart des problèmes sont dus à l’erreur humaine », a constaté Éric Marceau, spécialiste scientifique à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).
Des erreurs d’ingrédients dans une recette, d’étiquetage, d’emballage ou d’impression en sont des exemples. « Quand vous recevez un nouveau lot, vérifiez-vous systématiquement que les spécifications sont bonnes ? Vous assurez-vous toujours que l’emballage comporte bien les mentions nécessaires sur la présence d’allergènes ? »
Ce n’est pas moi, c’est toi
En matière de sécurité alimentaire, la formation du personnel est cruciale. Éric Marceau a suggéré d’aller au-delà des tâches et responsabilités propres à chacun pour informer également les employés sur les précautions prises à toutes les étapes de la chaîne de production. Une mesure qui sensibilise le personnel au fait que la gestion des allergènes est une responsabilité partagée.
On veut le voir ! Des signaux visuels peuvent aussi prévenir les erreurs. Des pelles et des seaux de couleurs différentes, jaunes pour les arachides par exemple. « Si on fabrique un produit sans noix et sans arachides et qu’on voit de l’équipement jaune, il y a un problème, a illustré Éric Marceau. Certaines entreprises ont recours aussi au code de couleur pour les habits des travailleurs. »
Gérer les fournisseurs
« Le plus grand risque, c’est ce qui est hors de notre contrôle, a poursuivi la spécialiste de l’ACIA. C’est pourquoi il faut porter une attention particulière aux fournisseurs. »
Parmi les mesures à prendre : exiger que les fournisseurs remettent une liste détaillée des ingrédients plutôt que d’utiliser des termes génériques comme épices ou huile végétale. Qu’ils indiquent aussi la concentration des allergènes.
Faire passer chaque fournisseur à travers un processus d’approbation et de vérification est incontournable. A-t-il déjà eu des rappels ? A-t-il un enregistrement pour chaque lot pour assurer la traçabilité ? À quelle fréquence analyse-t-il ses ingrédients ? A-t-il un plan de communication pour rapporter les problèmes éventuels ? Quelles méthodes analytiques utilise-t-il ?
Choisir la bonne méthode
Aucune méthode analytique ne fonctionne dans tous les cas, selon Éric Marceau. Pour chaque nouveau produit, chaque nouvel ingrédient, il faut s’assurer que la méthode utilisée détecte l’allergène. Même chose pour les versions crues et cuites d’un produit et pour chaque type de transformation, car un allergène transformé est parfois indétectable avec certaines méthodes.
« Un résultat négatif ne signifie pas l’absence d’un allergène, mais plutôt un allergène non détecté », a rappelé le conférencier.