Dans le cas de Credit Suisse, le plongeon du titre a d’abord été provoqué par le refus de son actionnaire principal, la Banque nationale saoudienne, d’injecter de nouvelles liquidités dans l’entreprise. (Photo: 123RF)
EN ACTION. Le secteur bancaire a été secoué durement en mars, avec les faillites de banques régionales américaines et de Credit Suisse. Cette dernière, rachetée au tiers de sa valeur boursière par sa compatriote UBS, était sur la liste des 30 banques mondiales «trop grosses pour faire faillite». Les banques centrales mondiales sont intervenues rapidement pour freiner l’hémorragie et s’assurer que les clients des institutions financières affectées ne perdent pas leur argent.
Il est difficile d’être contre la vertu. Pour éviter une deuxième crise financière en 15 ans, les autorités n’avaient pas vraiment d’autre option que de venir en aide au secteur bancaire en allongeant les dollars nécessaires pour couvrir les retraits effectués dans des moments de panique.
Dans le cas de la Silicon Valley Bank (SVB), premier domino à tomber, l’entreprise avait des dépôts de 175,4 milliards de dollars américains (G$US) au 31 décembre dernier, selon la Société fédérale d’assurance-dépôts des États-Unis (FDIC). Heureusement, la société fédérale a annoncé que ces dépôts allaient être assurés dans leur totalité, même ceux qui dépassaient le seuil maximal habituel de 250 000$aux États-Unis, ce qui vaut pour les clients des autres banques qui ont subi le même sort par la suite.
C’est une bonne chose en soi que de redonner confiance dans un système financier qui aurait autrement pu plonger l’économie américaine dans le chaos. Mais il reste que les actionnaires sont les grands oubliés dans toute cette histoire.
Dans le cas de la SVB, l’entreprise avait une capitalisation boursière d’environ 15 G$US à la fermeture des marchés, le jeudi 9 mars. Deux jours plus tard, tout cela était parti en fumée, lorsque la FDIC a pris le contrôle de ses activités.
Une première poursuite judiciaire contre la banque et ses dirigeants a été déposée le 13 mars par l’actionnaire Chandra Vanipenta, qui aurait perdu 12 000 $US dans la déconfiture de l’entreprise californienne. Selon Forbes, la poursuite tente d’obtenir l’autorisation de déposer une action collective contre SVB. Traduction libre: les actionnaires se lancent dans un conflit juridique qui va s’étirer sur plusieurs années pour obtenir au mieux quelques cents par dollar de créance après que les avocats auront empoché leurs honoraires, le tout pour le moment sans aide de l’État.
Une chute provoquée par le premier actionnaire
Dans le cas de Credit Suisse, l’ironie est que le plongeon du titre qui a mené à la vente forcée de l’entreprise à UBS a d’abord été provoqué par le refus de son actionnaire principal, la Banque nationale saoudienne, d’injecter de nouvelles liquidités dans l’entreprise pour ne pas détenir plus de 10 % des actions, ce qui aurait ajouté à ses obligations de divulgation pour toute transaction subséquente.
Quelques jours plus tard, le dimanche 19 mars, après s’être fait tordre un bras (ou peut-être les deux) par les autorités suisses, UBS acceptait d’acheter Credit Suisse pour un montant trois fois inférieur à la valeur boursière de cette dernière deux jours plus tôt ! Résultat, le titre s’est effondré de 55 % durant la séance du 20 mars et vivote à peu près au même niveau depuis.
Le parquet fédéral suisse a bien annoncé son intention d’enquêter sur les circonstances ayant mené à la transaction, mais pour les actionnaires, le mal est fait. On a déjà vu des actionnaires institutionnels mieux mesurer les conséquences de leurs actes… et le PDG de la banque saoudienne en a payé le prix en devant quitter son poste.
Mince consolation
La seule consolation pour les investisseurs canadiens détenant des titres financiers, c’est que le secteur a été moins secoué ici qu’aux États-Unis. Selon des chiffres de S&P Dow Jones, le sous-indice des financières de l’indice canadien S&P/TSX a reculé de près de 6% en mars, comparativement à une baisse de 9,6% pour son équivalent au S&P 500.
En un mois, de tels reculs ne sont pas banals pour un secteur réputé «défensif». Les investisseurs à la recherche de titres à dividende et qui pensent les conserver sur de très longues périodes ont pu profiter de cette faiblesse passagère pour augmenter leurs participations.
Or, pour le moment, il semble que les vendeurs à découvert soient sortis grands gagnants de ces reculs, du moins à court terme.
Les vendeurs à découvert, dont le modèle est d’emprunter des actions pour les vendre en misant sur le fait qu’ils pourront les racheter plus tard à moindre coût, s’en sont donné à coeur joie durant le mois de mars.
D’après des données de la société S3 Partners, les vendeurs à découvert ont réalisé, dans le monde entier, des bénéfices de 14,3 G $US sur papier en mars, uniquement dans le secteur bancaire.
Malgré ces gains mirobolants, je ne serais pas à l’aise de miser sur la baisse d’un titre avec mes propres économies. À ce sujet, Philippe Leblanc, président du conseil d’administration et gestionnaire en chef à Cote 100, chroniqueur à Les Affaires et auteur, décrit bien la situation au chapitre 21 de son livre Avantage Bourse, expliquant que le gain maximal que l’on peut obtenir d’une vente à découvert est de 100 % (si le titre tombe à zéro), alors que le potentiel de perte si le titre contre lequel on mise part à la hausse est infini.
Je préfère garder les probabilités de mon côté… surtout qu’en cas de pépin, la protection de l’avoir des actionnaires est le dernier des soucis des autorités.