Roku dans l’oeil d’un cyclone nommé Disney, Apple et… Vidéotron
Alain McKenna|Publié le 24 septembre 2019(Photo: courtoisie)
L’automne est la saison chaude des produits électroniques, et Roku n’échappe pas à cette tendance. Le fabricant de récepteurs Internet pour la télé, qui tente de plus en plus de se définir plutôt comme la principale plateforme de services vidéo en tout genre sur le marché, espère sans doute faire oublier les quelques mauvaises nouvelles qui ont gâché une année 2019 jusqu’ici bien au-dessus des attentes, pour les spéculateurs du moins : après un pic atteint au début du mois tout près des 170$US, son titre a dégringolé un poil au-dessus des 108$US à New York.
Malgré cette déculottée, le titre de Roku se négocie encore quelque 250% au-dessus de la valeur qu’il avait au début de l’année.
Commençons par la mauvaise nouvelle
À la fin de la semaine dernière, un analyste suggérait fortement à un peu tout le monde de vendre, fixant son cours cible à 60 dollars. Le raisonnement de cet analyste de la firme Pivotal Research est à la fois sensé et complètement hors-champ.
C’est inspiré par un geste posé par Comcast, le plus gros fournisseur de télé câblée aux États-Unis, qui fournira désormais tout à fait gratuitement son récepteur numérique aux clients de son service Internet qui ne sont pas déjà abonnés à son volet télévisuel. Ce récepteur est le Xfinity Flex, un petit boîtier tout en angles qui se branche à un téléviseur via HDMI et à un routeur Internet via WiFi.
En un mot, c’est le même terminal qu’on connaît chez nous sous le nom de Helix, puisque Vidéotron ne fait qu’apposer son logo sur la quincaillerie que lui fournit justement Comcast.
Ce terminal agit comme un concentrateur pour les services vidéo en ligne, en plus des services télé câblés du distributeur. En d’autres mots, Comcast et Vidéotron, des poids lourds de la distribution télévisuelle dans leur marché respectif, peinturent les terminaux Roku dans un coin, et ce n’est pas le coin télé.
Roku, dont les revenus proviennent à moitié de la vente de ses récepteurs, a donc un problème de taille, car l’autre moitié de ses revenus, l’affichage publicitaire, est aussi largement lié à ses récepteurs.
Et la bonne nouvelle?
Roku ne communique pas ses chiffres de ventes au Canada, encore moins au Québec. En fait, l’entreprise ne semble pas situer le marché francophone très haut dans ses priorités, aucune des nouveautés présentées la semaine dernière aux médias spécialisés ne faisant particulièrement attention à ce détail pourtant important qu’est la langue maternelle de ses clients.
Mais aux États-Unis, on sait que Roku fait très bien du côté des téléviseurs connectés. L’entreprise, issue de la volonté d’employés de Netflix de posséder leur propre récepteur télé, vend sous licence son interface logicielle à une poignée de fabricants de télés, dont RCA, Sharp, Hitachi, TCL et Hisense. Chez l’Oncle Donald, un téléviseur connecté sur trois est animé par le logiciel de Roku.
Parmi ses produits phares cette année se trouve d’ailleurs un téléviseur 4K de 75 pouces signé TCL qui se détaille environ 1200 dollars, et qui en met plein la vue. Il répond aux besoins du débrancheur moderne qui désire troquer le câble d’un Comcast ou d’un Vidéotron par celui d’une antenne HD, puisque tout est intégré dans la même interface. Les autres nouveautés automnales, il y en a trois, sont des adaptateurs HDMI qu’on branche directement à un téléviseur, et qui sont livrés avec une télécommande intégrant la commande vocale (en anglais). À un prix de détail variant de 40 à 90 dollars, ces appareils sont à peu près invisibles, et ne coûtent qu’une fraction d’un Apple TV.
Mais il manque tout de même quelque chose à ces petits appareils pour rivaliser à armes égales avec les câblos : une solution pour capter (et, soyons ambitieux, pour enregistrer aussi, pourquoi pas) les chaînes généralistes qui diffusent encore par ondes hertziennes.
Car comme les disques vinyle, la télé par les ondes, oui, ça existe encore… Et c’est entièrement gratuit. Il suffit d’avoir ce syntoniseur intégré aux téléviseurs qui permet de changer de chaîne. Ce que ne possèdent pas les récepteurs de Roku, malheureusement.
Mais ils ont tout le reste. Ils auront aussi Disney+ dès le mois de novembre prochain, et ils auront même Apple TV+, nous a promis un porte-parole la semaine dernière. «Ils vont avoir besoin de se faire voir partout pour hausser leur abonnement», a-t-il assuré.
Car c’est un peu ça, la bonne nouvelle pour Roku : en se positionnant comme une plateforme agnostique de vidéo par Internet, le fabricant peut se démarquer un peu plus des Apple et Amazon de ce monde. En ajoutant une entrée pour des chaînes locales, peu importe le marché, ce serait le dernier morceau du casse-tête.
Ça permettrait aux Québécois ayant un Roku de passer de Netflix ou DAZN à Radio-Canada, TVA, Télé-Québec ou même V sur leur Roku sans avoir à allumer un autre récepteur et changer d’entrée sur leur téléviseur, chose possible avec un récepteur Helix.
Mais on n’en est pas encore là. Roku continue donc de jouer son rôle de «Suisse de la vidéo en ligne», mais une Suisse qui, comme son fromage, présente quelques trous dans sa stratégie…
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