Non, ce n’est pas un drame. Il n’y a là rien de comparable aux déboires du système de paie Phénix, ni à l’interminable accouchement des dossiers médicaux numériques au Québec, sinon une forme parente d’incurie administrative et cette conviction que cela vient nourrir: on n’en verra jamais le boutte.
Celui dont je veux vous parler touche la subvention de Québec au Régime enregistré d’épargne études (REEE), l’IQEE, ou l’Incitatif québécois pour l’épargne-études, de son vrai nom. Des lecteurs se plaignent qu’il entre en retard ou qu’il n’est jamais déposé au compte REEE de leurs enfants. Le problème a depuis longtemps été relevé, mais rien ne bouge.
Encore, ce n’est même pas là le point sur lequel je veux m’attarder, car il y a un autre problème avec l’IQEE, qui les collectionne on dirait. Il affecte cette fois les parents qui ont opté pour un REEE familial pour leurs enfants. Ces parents pourraient en effet se voir couper des subventions, ce qui n’aurait pas été le cas s’ils avaient opté pour des REEE individuels pour chacun de leurs flos.
Des préliminaires (malheureusement un peu longs) sont nécessaires avant de plonger au cœur de la question. Ceux qui connaissent bien le fonctionnement du REEE peuvent aller directement au texte sous les trois astérisques, plus bas.
Rappelons d’abord que l’objectif du REEE est d’aider les parents à financer les études postsecondaires de leurs enfants. Son principal avantage est qu’il est subventionné par les deux paliers de gouvernement. Cela en fait même LE compte enregistré à privilégier lorsqu’on est parent.
Le gouvernement fédéral verse l’équivalent de 20% du montant cotisé par les parents pour chaque enfant, et le provincial, de 10%. L’aide gouvernementale est plafonnée à 750$ par année (500$ d’Ottawa, 250$ de Québec) et à 10 800$ sur la durée d’un REEE (7200$ d’Ottawa, 3600$ de Québec). Pour recevoir les subventions maximums au cours d’une année, les parents doivent verser 2500$ au REEE d’un enfant. S’ils sautent une année, ils peuvent récupérer les subventions en doublant leur contribution dans une année subséquente, soit 5000$. Il faut préciser que ce rattrapage n’est possible qu’une année à la fois, des parents ne pourraient donc recouvrer deux ans manqués avec une cotisation de 7500$.
Le capital comme les subventions fructifient à l’abri de l’impôt. Les cotisations des parents appartiennent toujours aux parents tandis que les rendements et la contribution des gouvernements seront versés à l’enfant quand il entamera les études postsecondaires.
***
Des parents de plusieurs enfants peuvent ouvrir un REEE individuel pour chacun ou opter pour un REEE familial pour l’ensemble. Ce dernier comporte certains avantages. Il est plus facile à administrer que plusieurs comptes individuels et permet souvent de limiter les frais.
Le plus intéressant, à mon avis, est qu’il offre la possibilité de faire de l’arbitrage, notamment quand les parents ne contribuent pas au maximum pour chaque bambin. En effet, il est facile avec cette formule de répartir les ressources en fonction du parcours scolaire, plus ou moins onéreux, des membres de la fratrie.
Si les parents contribuent jusqu’au plafond pour chaque enfant, cette marge de manoeuvre disparaît cependant. Un bénéficiaire du REEE ne peut profiter de plus de subventions que la limite autorisée, soit 10 800$. S’il le maximum lui est déjà assuré, un enfant ne peut espérer récolter ce qu’un frère ou une soeur a laissé sur la table.
On me corrigera, mais outre le fait d’éviter les tracasseries associées à la gestion de plusieurs comptes, je ne vois pas d’intérêt à opter pour un seul régime familial si les parents utilisent toute la capacité du compte pour chaque enfant.
On me rétorquera aussi peut-être qu’on peut aisément transférer les deniers de l’ainé vers les plus jeunes si le plus âgé renonçait aux études postsecondaires. Ce transfert est toutefois aussi possible, bien qu’au prix d’une certaine paperasse, avec des REEE individuels.
C’est maintenant que j’arrive avec le problème de l’IQEE et le REEE familial. Il n’est pas trop tôt, me direz-vous. Il a été porté à ma connaissance par Vincent Bouchard, CPA, CMA, M. Fisc. et conseiller en sécurité financière au cabinet Brassard Goulet Yargeau, de Québec.
Alors voilà, si dans la même année, des parents contribuent et retirent de l’argent du REEE familial, l’IQEE sera calculé sur la différence entre la contribution et le retrait. Disons que les parents déposent 2500 $ au compte et qu’ils en soutirent autant durant l’année, eh bien, ils peuvent dire adieu à l’IQEE cette année-là.
Pourquoi des parents feraient-ils ça? Les contributions pour les plus jeunes de la bande servent essentiellement à aller capter les subventions pour lui tandis que le retrait peut être utilisé, on n’a aucune peine à l’imaginer, à payer l’appartement de l’ainé qui étudie à l’extérieur.
C’est ainsi que ça fonctionne sans problèmes avec des comptes séparés. Même que dans ce cas, des parents peuvent retirer l’argent du compte du plus vieux pour contribuer au compte du plus jeune et ramasser deux fois les subventions avec le même capital.
«On ne parle pas de sommes énormes (250$), reconnait le conseiller, mais c’est injuste. C’est une question de principe», dit Vincent Bouchard, qui m’a amené, ma foi, vers des recoins du REEE qui m’étaient encore inconnus, je ne croyais plus ça possible. Pour le principe, on ne peut certainement pas lui donner tort. Les subventions sont précisément la raison qui pousse les parents à favoriser le REEE.
Ce problème potentiel avait déjà été détecté par le Centre québécois de formation en fiscalité. Comme l’IQEE n’existe que depuis 2007, des cas concrets, à ce que je comprends, ont été jusqu’à maintenant assez rares, mais ils se multiplient. De plus en plus de parents dont les enfants entament leurs études secondaires en font aujourd’hui l’expérience, selon l’expert.
Il n’y a pas vraiment moyen de s’en sortir, sinon de retarder les retraits d’une année par rapport à la cotisation, en espérant qu’il n’y ait pas de contribution prévue à la même période.
À moins d’être assuré de ne jamais avoir à toucher le capital à l’intérieur du compte familial pour financer une partie des études des ainés de la fratrie, le REEE familial est donc peu recommandable, et ce, aussi longtemps que Québec ne déboguera pas son IQEE. C’est à se demander pourquoi cette subvention n’est pas automatiquement accordée avec celle du fédéral qui, est déposée sans problème.
Lire aussi: Comment tirer le maximum du REEE quand on a plusieurs enfants
***
Vous avez des questions, votre portefeuille vacille? Écrivez-moi à daniel.germain@tc.tc en inscrivant dans l’objet «Courrier du portefeuille».
Suivez-moi sur Twitter / Pour lire mes autres billets