«Au lieu de célébrer, la journée internationale des droits des femmes devrait être l’occasion idéale pour se remettre en question et poser des actions concrètes et durables au sein de chaque entreprise.» (Photo: 123RF)
Un texte de Jonathan Nicolas, fondateur et stratège numérique, Glo.
COURRIER DES LECTEURS. Le 8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes. Ce n’est pas la journée officielle de l’achat de fleurs à sa partenaire ni celle de l’appel de courtoisie à sa mère ou à sa fille. Et surtout, ce n’est pas la journée internationale des remerciements performatifs sur les réseaux sociaux, afin que le département marketing de chaque entreprise salue publiquement l’existence de femmes au sein de leur rang.
D’ailleurs, fort est à parier que bon nombre d’entre elles préféreraient échanger cette publication Facebook annuelle contre un salaire plus équitable. Puisque bien que cette journée soit dédiée aux droits des femmes, il semble que des organisations d’ici bafouent encore cavalièrement le droit de celles-ci à être payées équitablement.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2021, les Québécoises gagnaient en moyenne 91% de la rémunération horaire de leurs collègues masculins, selon des données de l’Institut de la statistique du Québec. C’est d’ailleurs 1% de moins que l’année précédente. Et quoiqu’en pense la ministre responsable de la Condition féminine, qui a récemment refusé de reconnaître le féminisme intersectionnel, l’écart salarial est encore plus grand pour les femmes racisées. Même avec un diplôme similaire et un nombre d’années d’expérience comparable, les données de Statistiques Canada démontrent qu’elles sont payées 16% de moins que les hommes non racisés et non autochtones. Bref, on devrait peut-être ranger les appareils photo et déposer les bouquets de fleurs, puisqu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir!
Au lieu de célébrer, cette période devrait être l’occasion idéale pour se remettre en question et poser des actions concrètes et durables au sein de chaque entreprise. Les possibilités d’améliorations ne manquent assurément pas! L’analyse des salaires selon les genres, la révision de politiques internes, l’inclusion au sein de postes décisionnels et les congés menstruels ne sont que quelques demandes fréquemment formulées par les personnes concernées. D’ailleurs, je ne suis évidemment pas la bonne personne pour dresser ici un quelconque plan d’action. Bien que je tente d’utiliser mon privilège pour amplifier leur voix, ce sont ces femmes au sein de chaque entreprise qu’il faudrait peut-être écouter davantage (sans leur couper la parole), afin de mieux comprendre leur expérience, en reconnaître la validité et améliorer leurs conditions.
Devenir visible par l’écriture inclusive
En tant que publicitaire, je me permets toutefois de souligner une piste qui résonne particulièrement avec mon métier. En fait, je crois qu’une analogie toute banale suffira à vous mettre également au diapason. Avez-vous déjà participé à une discussion de groupe où personne ne vous adressait la parole? Le sujet était intéressant, les idées pertinentes et les échanges animés, mais pour une raison quelconque tout le monde semblait faire abstraction de votre présence. Comme si vous étiez invisible. C’est enrageant, n’est-ce pas? Et pourtant, c’est ce que fait chaque jour la majorité des entreprises québécoises par leurs départements de communication et de ressources humaines.
Ces entreprises investissent beaucoup de temps et d’argent pour tenter de fidéliser leurs clients, améliorer l’expérience web des utilisateurs, féliciter leurs employés et recruter des experts, mais elles n’adressent même pas la parole à 50% de la population. Voyez-vous ce que je veux dire? Et si je disais plutôt que ces entreprises tentent de fidéliser leurs clientes, améliorer l’expérience web des utilisatrices, féliciter leurs employées et recruter des expertes, serait-ce plus évident?
Alors que le manque de personnel est à son comble et que l’inflation freine les ventes, communiquer comme si les femmes étaient invisibles me semble un choix bien mal avisé. Il tomberait donc sous le sens que l’adoption de l’écriture inclusive se taille une place parmi la liste d’actions concrètes à poser par les entreprises. Avec ses principes et procédés favorisant le respect de la diversité, l’approche permet d’offrir une représentation égale des genres. Ce n’est ni plus cher ni complexe de fidéliser la clientèle, améliorer l’expérience web des internautes, féliciter les équipes et recruter des spécialistes.
En octobre dernier, le gouvernement du Canada a publié des lignes directrices et des ressources sur l’écriture inclusive en français. Avec ce sceau d’approbation on ne peut plus officiel, il me semble n’y avoir tout simplement plus de raison valable pour continuer à discriminer, et s’entêter à suivre des règles linguistiques dictées par un boys club d’une autre époque.
En tant que publicitaire, mon souhait est que cette journée internationale des droits des femmes puisse avoir été autre chose qu’une autre tempête éphémère sur les médias sociaux. J’ai espoir qu’elle pourra faire évoluer les pratiques de mon métier.