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Pallier le manque de diversification de la Bourse canadienne

Jean Gagnon|Publié le 27 octobre 2023

Pallier le manque de diversification de la Bourse canadienne

(Photo: 123RF)

La BOUSSOLE BOURSIÈRE est une rubrique qui traite d’un événement marquant et de son effet sur le marché boursier en s’appuyant sur l’analyse d’experts. Cette analyse pourra être autant fondamentale que technique.


(Illustration: Camille Charbonneau)


Il n’est pas nouveau que le thème du manque de diversification du marché boursier canadien fasse partie des conversations autant des investisseurs individuels que des grands gestionnaires de fonds.

L’indice principal de la Bourse de Toronto, le S&P/TSX, se retrouve aujourd’hui sensiblement au même niveau qu’il y a deux ans, pendant qu’une combinaison des indices américains S&P500 et Nasdaq a permis de réaliser un gain d’entre 15 % et 20 %. Pas étonnant que la question du manque de diversification soit une fois de plus à l’ordre du jour.

On n’a pas à chercher bien loin pour expliquer cette sous-performance de la Bourse canadienne, explique Philippe Côté, gestionnaire de portefeuille au Groupe Eterna. Plus de 60 % de la composition de l’indice S&P/TSX se retrouve dans trois secteurs, soit les industries de la finance, de l’énergie et des ressources naturelles (voir p. 59). En date du 6 octobre, ces trois secteurs affichaient des reculs depuis le début de l’année, dont 6,4% pour les ressources naturelles et 4,1% pour les financières. «Ces baisses sont principalement attribuables à la hausse des taux d’intérêt et au ralentissement économique en Chine», dit le gestionnaire.

Une image pas trop rassurante

La sous-performance de l’indice canadien pourrait se poursuivre encore quelque temps, s’il faut se fier à l’image que projette la configuration graphique du S&P/TSX, croit Dennis Mark, analyste technique à la Financière Banque Nationale. Depuis l’automne dernier, le cours de l’indice a varié à l’intérieur d’un corridor de fluctuations entre 19 200 et 20 800 points. Le niveau de soutien à 19 200 points semblait vraiment vouloir céder au début du mois d’octobre, laissant craindre que l’indice se dirige vers un nouveau creux que Dennis Mark estime se situer entre 16 000 et 17 000 points.

L’incursion en Israël des troupes du Hamas a toutefois provoqué une petite hausse des prix du pétrole, ce qui a relancé le S&P/TSX vers le haut compte tenu de sa pondération actuelle de près de 19 % dans le secteur énergétique. La suite demeure toutefois incertaine. Il est difficile de prédire combien de temps durera l’effet de cette nouvelle crise israélo-palestinienne sur les prix du pétrole.

Le contexte économique actuel marqué par des craintes de ralentissement économique, si ce n’est de récession en Amérique du Nord, n’est certes pas favorable à la Bourse canadienne, dont la plus forte pondération se trouve dans le secteur des financières à hauteur d’un peu plus de 30 %, dont près de 20 % au sein des six plus grandes banques du pays. Les prix des actions de ces grandes banques sont en baisse de 9 % en moyenne depuis le début de l’année.

 

Peut-on espérer mieux de nos banques?

Doug Young, analyste à Valeurs mobilières Desjardins, semble croire à une amélioration des rendements boursiers du secteur bancaire à la suite de la divulgation de leurs plus récents résultats trimestriels le mois dernier. Il suggère de conserver une surpondération en actions de banques canadiennes, estimant que les cours boursiers de ces titres incluent déjà, en grande partie, les mauvaises nouvelles actuelles et à venir.

Selon lui, les marges nettes d’intérêt se révèlent résilientes, la qualité du crédit se normalise et les ratios de capitaux de premier rang se maintiennent à des niveaux très confortables.

L’acharnement des dirigeants des banques centrales, autant canadienne qu’américaine, à poursuivre la lutte contre l’inflation, a par contre affecté le secteur récemment. Les propos de Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, et de Jerome Powell, président de la Réserve fédérale américaine, ont été sans équivoque au cours des dernières semaines quant au maintien de taux d’intérêt élevés pour encore un bon moment, tout en n’excluant pas la possibilité de hausses additionnelles d’ici la fin de l’année. En conséquence, les deux dernières semaines de septembre se sont révélées désastreuses pour les titres des banques canadiennes.

Que faire ? Le risque que fait courir la concentration de la Bourse canadienne dans trois secteurs fait en sorte qu’une surpondération des portefeuilles dans l’indice canadien doit être évitée. «La Bourse canadienne ne nous offre pas toutes les occasions d’investissement», résume Philippe Côté. Pour une solution diversifiée, les investisseurs peuvent certes regarder du côté de nos voisins américains. Par exemple, nul doute que l’intelligence artificielle est un secteur très porteur et doit faire partie des portefeuilles diversifiés. Mais force est de constater que la Bourse canadienne offre peu de titres pouvant satisfaire l’appétit des investisseurs dans ce domaine.

 

50-50

Pour atteindre un bon niveau de diversification, la proportion des investissements entre le Canada et les États-Unis doit être d’environ 50-50, explique Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale. Jusqu’à récemment, la portion américaine pouvait même être plus importante, mais certaines choses ont changé, selon lui. À la suite des hausses des taux d’intérêt, les placements dans les titres à revenu fixe (surtout des obligations) ont retrouvé un certain attrait au Canada. De plus, les perspectives pas trop négatives sur le dollar canadien actuellement pourraient ajouter au risque de détenir un poids trop important de titres en devises américaines.

Les secteurs de l’énergie, industriel et des ressources naturelles offrent à présent des occasions intéressantes au Canada, selon Cimon Plante. Mais pour les banques, «il n’y a pas encore lieu de s’empresser de les acheter», dit-il.