Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
  • Accueil
  • |
  • Non, les entrepreneurs ne sont pas des superhéros
Nicolas Duvernois

Chronique d'un entrepreneur

Nicolas Duvernois

Expert(e) invité(e)

Non, les entrepreneurs ne sont pas des superhéros

Nicolas Duvernois|Publié le 16 février 2021

Non, les entrepreneurs ne sont pas des superhéros

Un entrepreneur, c’est une personne qui accepte en silence que pour atteindre son objectif, il lui faudra accepter les défis de la vie. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. C’est en lisant la réponse d’Elon Musk à la question «Quels mots d’encouragement donneriez-vous à un entrepreneur?» que j’ai eu l’idée d’écrire cette chronique. Sa réponse: «Si vous avez besoin de mots d’encouragement, ne devenez pas un entrepreneur».

Pour tout vous dire, j’ai trouvé sa réponse totalement ridicule. Certes, la réponse est parfaite pour faire la «une», ma chronique en est la preuve, mais personnellement, je la trouve malsaine. Non seulement sa réponse détournait la véritable signification de la question, elle continuait à faire vivre cette malheureuse image de l’entrepreneur superhéros!

Je trouve dommage que nous attribuions encore aux entrepreneurs des pouvoirs surhumains. Combien de fois ai-je entendu un entrepreneur se vanter de ne pas avoir besoin de dormir plus de 2-3 heures par nuit, d’être totalement blindé envers les commentaires négatifs sur ses produits ou de ne pas avoir besoin, contrairement à l’entièreté de l’humanité, de recevoir des encouragements ou des conseils de son entourage ou d’une personne plus aguerrie en affaires.

Que c’est facile de se montrer meilleur que tous en public quand personne ne nous connaît réellement en privé. Bien que je respecte énormément le génie d’Elon Musk, je ne suis pas le plus grand admirateur de la personne qu’il est devenu.

Mais il n’est pas le seul! Les différents réseaux sociaux sont inondés «d’entrepreneurs» et de «coachs en affaires» qui partagent ce même type de croyance, souvent, en ignorant tout du sujet n’étant eux-mêmes aucunement entrepreneur. En «superhéroïsant» l’entrepreneur, ils contribuent à perpétuer des mensonges.

Je me suis lancé en affaires avec ma femme il y a une quinzaine d’années. J’avais 25 ans, elle 21. Nous avions gagné la loterie de l’entrepreneur: se lancer avec absolument rien à perdre et tout à gagner!

Au fil des années, nous avons appris à la dure ce qu’était d’être entrepreneur. Dollar par dollar, journée par journée, «over time» par «over time», nous avons absolument tout fait afin d’avoir une microscopique chance de vendre ne serait-ce qu’une seule et unique bouteille de Pur Vodka.

Vous dire que pendant ces années, et même encore aujourd’hui, nous n’avions pas besoin de mots d’encouragements de temps à autre serait vous mentir. Vous dire que nous avions toujours le sourire aux lèvres malgré les sacrifices crève-cœur que nous étions obligés de faire serait vous mentir. Vous dire que nous étions toujours aussi motivés à continuer malgré les multiples échecs et refus de toutes sortes serait vous mentir.

Avant tout, un entrepreneur c’est une personne qui pleure assise dans le salon de ses parents, car il vient de tout perdre. C’est une personne qui fait la «marche de la honte» vers l’appartement de sa sœur afin de lui demander 20 dollars pour faire son épicerie. C’est le chum ou la blonde qui se fait vivre par son chum ou sa blonde pendant des années, parcce qu’il ou elle a un rêve.

C’est la personne qui fonce, qui risque, qui tombe et se relève sans se vanter de quoi que ce soit. C’est une personne qui accepte en silence que pour atteindre son objectif, il lui faudra accepter les défis de la vie. Être un entrepreneur ce n’est pas être un superhéros, c’est tout simplement d’accepter, plus que d’autres, l’inconfort.

Personne n’aime pleurer dans l’autobus, car une dixième banque vient de refuser de lui ouvrir un compte. Personne n’aime quêter à droite et à gauche pour pouvoir manger jusqu’à la fin du mois. Personne n’aime travailler sur un projet dont personne ne croit. Personne n’aime voir les autres bâtir leur carrière, se marier, avoir des enfants, acheter leur première maison pendant que tu laves, encore, des planchers la nuit…

Pour moi, être un entrepreneur c’est avant tout un sacrifice de soi. À bien y penser, il ne peut en être autrement, car trop souvent, nous sommes les seuls à croire en nous, en notre projet.

La prochaine fois que vous lirez ou entendrez un propos qui héroïse les entrepreneurs, merci d’avoir une pensée pour les dizaines de milliers d’entrepreneurs, aux quatre coins de la province, qui ont vraiment besoin d’encouragements en ce moment.

Car contrairement à Elon Musk, certainement trop occupé à bâtir des lance-flammes, à explorer l’espace ou à tout faire pour gonfler artificiellement la valeur de Tesla en Bourse, l’immense majorité des entrepreneurs ont besoin, surtout en ces temps-ci, de mots d’encouragements.