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EXPERT INVITÉ. Près d’un mois après Halloween, il n’y a aucune raison d’avoir peur!
Je me permets de citer un passage de mon livre Avantage Bourse concernant l’instinct de la peur, un biais psychologique qui affecte régulièrement notre jugement d’investisseur : « Il est difficile de penser clairement dans les meilleures conditions; imaginez lorsqu’on a peur. Comme le dit l’auteur [Hans Rosling, dans son livre « Factfulness »] : “Il n’y a pas de place pour les faits lorsque notre cerveau est occupé par la peur.” Surtout que la peur est précisément ce qui attire notre attention et ce que les médias nous servent sans arrêt. Or, “si nous ne sommes pas extrêmement prudents, nous en venons à croire que ce qui est anormal est normal, que c’est ce à quoi le monde ressemble”. Le paradoxe est intéressant : nous sommes constamment bombardés d’images de violence, de désastres naturels et de maladies, alors que le monde n’a jamais été aussi sécuritaire. »
J’avoue que les nouvelles dont nous sommes bombardés depuis des mois sont plutôt noires et anxiogènes. Sur le plan géopolitique, la guerre en Ukraine se poursuit; une guerre entre Israël et le Hamas vient de s’amorcer et nombre d’observateurs craignent qu’elle ne se répande au Moyen-Orient; les États-Unis et la Chine se lancent sans cesse des flèches dans leur guerre commerciale, et j’en passe. Quant à l’économie, l’inflation et les taux d’intérêt élevés touchent un nombre croissant de consommateurs, à commencer par les moins nantis, qui peinent à joindre les deux bouts. Il y a toujours pénurie de main-d’œuvre et de logements à prix abordables. Enfin, politiquement, il semble que de nombreux pays n’aient jamais été aussi divisés entre la gauche et la droite. Aux États-Unis, on peut craindre une campagne présidentielle clivante où tous les coups bas seront permis. Les nouvelles climatiques ne sont guère plus encourageantes alors que les désastres naturels se succèdent un peu partout dans le monde.
J’aimerais toutefois souligner que les actualités sont rarement favorables. De plus, nous avons tous tendance à voir les événements actuels comme étant pires qu’ils ne le sont en réalité et que dans le passé. De fait, la nostalgie du passé, cette tendance à croire que « c’était tellement mieux dans le bon vieux temps », est selon moi un autre biais psychologique dont souffrent la plupart d’entre nous. Mais était-ce réellement mieux avant?
J’ai pensé qu’il pourrait être intéressant de revenir en arrière pour voir quelles étaient les principales préoccupations de l’heure, les grandes inquiétudes qui nous rongeaient, il y a 10, 20 et 30 ans. Voici donc ce que j’ai colligé pour les années 1993, 2003 et 2013 :
1993 : taux d’intérêt à la hausse, craintes face à l’inflation, déficits budgétaires gouvernementaux, tensions au Moyen-Orient (accords d’Oslo, conflit entre Israël et le monde arabe), conflit des Balkans, génocide rwandais, fin de la guerre froide et démantèlement de la Russie soviétique, tensions entre la Chine et Taiwan, etc.
2003 : guerre en Irak, guerre contre le terrorisme, conflit israélo-palestinien, épidémie de SRAS, programme nucléaire iranien, conflit au Darfour, craintes face aux perspectives du secteur technologique (au lendemain de l’éclatement de la bulle techno), scandales financiers (Enron, WorldCom), etc.
2013 : disputes à l’intérieur du gouvernement américain concernant le relèvement du plafond de la dette, la Fed continue d’intervenir massivement pour injecter des capitaux dans l’économie, la crise de la dette européenne, dette élevée des gouvernements, le printemps arabe (guerre civile en Syrie, manifestations monstres en Égypte, Tunisie et Libye), programme nucléaire iranien, tensions en Ukraine, conflit israélo-palestinien.
Les choses étaient-elles vraiment moins anxiogènes pendant ces années-là? Un investisseur pouvait-il vraiment investir sans se poser de questions quant aux perspectives des marchés boursiers? Permettez-moi d’en douter sérieusement.
Il y a toujours eu et il y aura toujours d’excellentes raisons de ne pas investir en Bourse.
Le ciel n’est jamais complètement dégagé. De fait, lorsque tout semble bien aller et que les perspectives sont favorables, les évaluations des marchés auront tendance à devenir trop élevées; je pense à la fin des années 1990, par exemple.
Malgré toutes les sources d’inquiétude et les nombreux événements traumatisants, la Bourse a enregistré d’excellents rendements au cours des 100 dernières années et plus. Le graphique présente les rendements qu’aurait obtenus un investisseur qui aurait investi dans l’indice S&P 500 en 1993, 2003 et 2013.
Je ne connais pas l’avenir. Je suis toutefois convaincu que les marchés boursiers devraient continuer d’enrichir les investisseurs au cours des 10, 20 ou 30 prochaines années. Encore faut-il ne pas se laisser guider par la peur.