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Mise à jour économique: nuages gris à l’horizon

Raphaël Melançon|Publié le 09 Décembre 2022

Mise à jour économique: nuages gris à l’horizon

Alors que le tonnerre gronde au loin, il subsiste un certain espoir de pouvoir éviter le pire de la tempête chez nous. (Photo: La Presse Canadienne)

BLOGUE INVITÉ. Pour la première fois depuis 2008, l’économie du Québec pourrait plonger en récession dans les prochains mois.

C’est du moins ce qui ressort de la mise à jour économique présentée par le ministre des Finances Eric Girard, jeudi. Entre ralentissement et récession, deux scénarios sont désormais envisagés par le ministère des Finances, le plus pessimiste faisant état d’une possible contraction du PIB de l’ordre de -1% en 2023.

Une situation qui devrait toutefois être de courte durée puisque Québec anticipe que l’économie devrait rapidement rebondir et retrouver le chemin de la croissance dès l’année 2024.

 

Un gros cadeau pour les aînés

Le père Noël est passé avec quelques semaines d’avance pour les Québécois de 70 ans et plus. Ceux-ci récoltent la part du lion des nouvelles mesures annoncées par le ministre Girard, qui a confirmé jeudi un important rehaussement du crédit d’impôt pour le soutien aux aînés, passant de 411 $ à un montant pouvant atteindre jusqu’à 2000 $ dès cette année.

Ils seront également plus nombreux à y avoir accès, alors que les critères d’admissibilité ont été élargis afin de permettre à près de 400 000 personnes âgées supplémentaires de bénéficier de ce coup de pouce financier.

Cette mesure, l’une des dernières du fameux «bouclier anti-inflation» promis par la Coalition Avenir Québec lors des dernières élections à être mises en œuvre, s’ajoute aux chèques de 400 à 600 dollars que des millions de Québécois ont déjà commencé à recevoir dans les dernières semaines. Elle coûtera au bas mot 8 milliards de dollars sur cinq ans au Trésor public — on est donc bien loin des simples oranges dans le bon vieux bas de laine d’antan.

 

Des baisses d’impôts en vue ?

S’il espère que les mesures annoncées dans les dernières semaines permettront au Québec d’éviter le pire, le ministre des Finances garde tout de même quelques cartes dans sa manche advenant que le scénario d’une récession ne finisse par se concrétiser.

Parmi celles-ci, Québec pourrait injecter des sommes supplémentaires dans le Plan québécois des infrastructures (PQI) afin de stimuler l’économie. En conférence de presse, jeudi, Eric Girard a notamment évoqué un possible rehaussement de 10% des investissements prévus en infrastructure, ce qui représenterait 1,4 milliard de dollars de plus sur un an.

Une autre avenue possible en cas de récession serait de réduire l’impôt sur le revenu des particuliers, une option que le ministre Girard garde sur la table à l’heure actuelle. Alors que les familles de la classe moyenne voient leur pouvoir d’achat s’éroder plus que jamais avec la hausse du coût de la vie, gageons qu’une telle mesure, qui aurait pour effet de réduire leur fardeau financier de manière plus durable que les aides ponctuelles mises en place jusqu’ici, serait accueillie favorablement par grand nombre d’entre elles.

Le gouvernement ayant vu ses recettes fiscales augmenter considérablement dans les derniers mois en raison de l’inflation, il dispose maintenant d’une certaine marge de manœuvre qui lui permettrait d’aller vers des baisses d’impôts pour remettre de l’argent dans le portefeuille des contribuables québécois — qui figurent année après année parmi les plus taxés en Amérique du Nord — dans l’espoir de redynamiser l’économie dans l’éventualité d’une récession.

 

L’immobilier résidentiel à haut risque

Eric Girard a voulu se faire plutôt rassurant quant aux impacts potentiels d’une éventuelle récession sur le marché de l’emploi. Selon lui, le Québec étant en situation de pénurie de main-d’œuvre, ce n’est pas tant au niveau du taux de chômage que les effets d’une hypothétique récession se feraient le plus ressentir cette fois-ci.

En réponse aux questions des médias, le grand argentier du Québec a admis que le secteur de l’immobilier résidentiel était beaucoup plus vulnérable en ce moment en raison de sa forte sensibilité aux hausses consécutives des taux d’intérêt décrétées par la Banque du Canada dans les derniers mois. Encore cette semaine, la banque centrale annonçait un nouveau resserrement de 0,5% — le 7e d’affilée en 2022 seulement — portant son taux directeur à 4,25%, et ce, alors que le marché immobilier est déjà en chute libre partout au pays.

Sachant que de plus en plus de familles de la classe moyenne se retrouvent aux prises avec une forte pression sur leur budget et qu’elles peinent à payer et à renouveler leur hypothèque, plusieurs craignent une possible réaction en chaîne qui mettrait à mal leur capacité à s’acquitter de leurs dettes et ainsi, risquerait d’en pousser plus d’une vers la faillite. Avec des dépenses en hausse et un accès au crédit plus limité, le Québec et le Canada ne sont donc pas à l’abri d’une possible crise immobilière si la Banque du Canada continue de serrer ainsi la vis avec ses taux.

 

Le Québec en bonne position

La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que malgré les nouvelles mesures annoncées depuis l’élection du 3 octobre et un déficit plus important qu’initialement anticipé, Québec maintient le cap vers un retour à l’équilibre budgétaire dès l’année financière 2027-2028.

Le mauvais temps a beau se pointer le bout du nez à l’horizon, le Québec reste tout de même dans une position avantageuse par rapport aux autres provinces canadiennes, ce qui pourrait lui permettre de mieux tirer son épingle du jeu dans les mois à venir.

Même si un certain rattrapage s’est opéré dans les dernières années, le prix moyen des propriétés résidentielles étant plus bas que dans le reste du pays, le taux d’endettement des ménages québécois reste en deçà de la moyenne canadienne. Sans compter qu’avec la pandémie, le taux d’épargne des Québécois a augmenté, ce qui a pour effet que les familles d’ici disposent actuellement d’un petit coussin supplémentaire pour faire face aux imprévus en cas de ralentissement économique. Moins de dettes et plus d’épargne: les Québécois sont donc dans une situation financière plutôt enviable malgré tout.

Alors que le tonnerre gronde au loin, il subsiste un certain espoir de pouvoir éviter le pire de la tempête chez nous. Néanmoins, la prudence reste de mise et en ce sens, Québec fait bien de se préparer à toute éventualité si jamais le vent se mettait à souffler plus fort que prévu.