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Jean Sasseville

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Expert(e) invité(e)

Mike Moffatt, l’architecte du plan fédéral du logement

Jean Sasseville|Publié le 27 Décembre 2023

Mike Moffatt, l’architecte du plan fédéral du logement

La crise du logement menace la croissance économique en éloignant les travailleurs des communautés qui ont le plus besoin de leurs compétences. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Le gouvernement fédéral s’est grandement inspiré d’un rapport publié en août 2023. C’est un rapport de grande qualité. Quelques-unes des recommandations ont déjà été annoncées: l’élimination de la TPS et un catalogue de conceptions préapprouvées de plans. Comme Ottawa se sert de ce rapport pour établir sa politique, il est intéressant d’en prendre connaissance. 

Mike Moffatt, directeur principal des politiques et de l’innovation à l’Institut pour l’IntelliProspérité, a organisé des rencontres avec un groupe d’experts du logement issus du secteur privé et à but non lucratif, y compris des investisseurs, des promoteurs immobiliers, des propriétaires et des experts politiques, afin de réfléchir à des solutions visant à résoudre la crise du logement et à rétablir l’accessibilité des logements locatifs. 

Mike Moffatt a présenté les conclusions du rapport à la retraite du cabinet libéral, fin août.

 

Hausse exorbitante des loyers 

Les loyers ont augmenté rapidement dans de nombreuses régions du pays, principalement en raison d’un manque de logements construits pour la location, respectueux du climat, abordables et adaptés au marché pour loger une population croissante. 

L’augmentation des loyers touche surtout les Canadiens aux revenus les plus faibles, notamment les personnes âgées, les personnes à revenu fixe, les ménages monoparentaux, les étudiants, les nouveaux arrivants et les peuples autochtones. 

La hausse des loyers contribue également à une vague d’itinérance: le nombre de personnes qui perdent leur logement pour cause d’inabordabilité au niveau national est du même ordre que celui des personnes qui perdent leur logement à la suite des catastrophes naturelles les plus importantes au Canada. 

Un tiers des Canadiens sont locataires, la proportion étant plus élevée dans les centres urbains qui connaissent les plus grandes difficultés en matière d’accessibilité financière. Disposer d’un nombre suffisant de logements locatifs abordables, sûrs et accessibles est essentiel pour les jeunes, les aînés, les peuples autochtones, les ménages monoparentaux dirigés par des femmes, les nouveaux arrivants, les étudiants, les personnes à faible revenu et celles qui sortent de l’itinérance.

La crise du logement menace la croissance économique en éloignant les travailleurs des communautés qui ont le plus besoin de leurs compétences. 

Dans la loi sur la stratégie nationale sur le logement de 2019, le gouvernement fédéral a fait de la concrétisation progressive du droit au logement une pierre angulaire de sa politique du logement. Dans les conditions actuelles, cet engagement ne sera pas tenu. 

La construction d’un plus grand nombre de logements pour la location exige qu’Ottawa investisse directement dans l’accessibilité, tout en prenant des mesures pour restructurer le secteur du logement locatif au Canada pour les constructeurs et les exploitants privés, non lucratifs et publics.

 

Les dix recommandations 

1. Créer un plan coordonné avec les trois ordres de gouvernement et mettre en place une stratégie industrielle dirigée par une table ronde réunissant les constructeurs publics et privés, le secteur du logement à but non lucratif, les experts en logement pour les autochtones, les investisseurs et les travailleurs.

2. Créer une stratégie nationale en matière de main-d’œuvre et d’immigration dans le domaine du logement, y compris les métiers de la construction et d’autres catégories d’emploi liées à la production de logements.

3. Réformer les frais de la SCHL et du système fiscal fédéral, notamment en modifiant les dispositions relatives au coût du capital et en éliminant la TPS/TVH sur les logements construits pour la location.

4. Fournir un financement à faible coût, à long terme et à taux fixe pour la construction de logements construits pour la location, ainsi qu’un financement pour l’amélioration des logements locatifs existants afin de les rendre plus accessibles, plus respectueux du climat et plus efficaces sur le plan énergétique.

5. Contribuer à l’élaboration d’une stratégie d’innovation solide pour le logement, y compris une politique d’approvisionnement et des centres d’innovation pour la construction de logements.

6. Réformer le Code national du bâtiment afin de stimuler l’innovation dans le secteur de la construction de logements.

7. Rationaliser le processus d’approbation de la SCHL, ce qui peut inclure un code de conduite pour les constructeurs et un catalogue de conceptions préapprouvées pour permettre l’accélération de la construction de logements construits pour la location.

8. Créer des programmes d’acquisition de biens immobiliers pour les fournisseurs de logements à but non lucratif afin de les aider à acheter des projets de logements locatifs et des hôtels existants et de faciliter la conversion de bureaux en logements. Ces programmes pourraient inclure des subventions en capital, la fourniture d’un financement par emprunt préapprouvé, des fonds qui fournissent un financement secondaire par emprunt et par actions, ou d’autres leviers innovants qui aident à couvrir les coûts initiaux sans imposer aux fournisseurs des coûts d’exploitation et un service de la dette important.

9. Créer une prestation de prévention de l’itinérance et de logement (PPIL), qui offrirait une aide immédiate au loyer à 385 000 ménages exposés à un risque imminent d’itinérance, aiderait plus de 50 000 personnes à sortir de l’itinérance et réduirait la pression sur les systèmes de prise en charge de l’itinérance au Canada, qui sont débordés.

10. Réformer l’allocation canadienne de logement afin de mieux cibler les personnes et les familles ayant les besoins les plus importants en matière de logement en la remplaçant par une prestation de logement transférable (PLT).

 

Les principaux défis 

Il faut saluer que des intervenants de tous les secteurs aient réussi à trouver un terrain d’entente. On peut rester en désaccord sur certains points, mais mettre de l’eau dans son vin, laisser de côté tout discours idéologique, et rechercher les meilleures solutions pragmatiques. 

On peut s’attendre à ce que d’autres recommandations fassent partie du budget de 2024. On doit continuer à s’attaquer à six goulets d’étranglement qui empêchent de construire davantage de logements: un manque de coordination, une pénurie de la main-d’œuvre et des matériaux, des coûts élevés, une faible productivité, l’impossibilité d’obtenir des autorisations en temps voulu et la construction insuffisante de logements sociaux. 

La recommandation clé du rapport est que le fédéral collabore avec tous les ordres de gouvernement, ainsi qu’avec les constructeurs, les promoteurs immobiliers et le secteur de l’enseignement supérieur. 

Le fédéral saura-t-il montrer la voie? Est-ce que les provinces feront preuve de flexibilité? Ce sont les grands inconnus.