Sam Watts, PDG de la Mission Bon Accueil (Photo: courtoisie)
BLOGUE INVITÉ. Mettre fin à l’itinérance et à la faim à Montréal est un objectif audacieux. Il s’agit dans les deux cas de questions sociales complexes qui n’ont pas de solution unique. L’itinérance, en particulier, est exacerbée par l’isolement social qui contraint certaines personnes à se retrouver dans une situation d’itinérance et rend difficile de mettre un terme résolu au problème.
«Ce que nous pouvons faire, c’est lutter contre l’itinérance chronique et éviter que les gens prennent l’habitude d’être en situation d’itinérance, explique Sam Watts, PDG de la Mission Bon Accueil. Nous pouvons les rencontrer très rapidement une fois qu’ils se retrouvent en situation d’itinérance et nous devrions être en mesure de les aider à trouver le bon chemin vers un logement permanent.»
La voie à suivre pour soulager la faim est elle un peu plus simple aux yeux de M. Watts. Il y a assez de nourriture pour nourrir l’ensemble de la population montréalaise, mais aucun système adéquat pour distribuer les surplus de nourriture à ceux qui en ont besoin.
«Il est possible de mettre un terme à la faim en construisant le bon modèle d’affaires qui est centré sur le client plutôt que sur le donateur, affirme M. Watts. Si vous avez des surplus de nourriture du côté du producteur ou dans les épiceries, les restaurants et les hôtels, vous voulez les récupérer rapidement avant qu’ils ne se gâtent, puis avoir un système qui les trie et les remet entre les mains des gens qui en ont besoin le plus rapidement possible.»
Actuellement, peu de services sont en mesure d’offrir des aliments frais dans des délais aussi courts.
«Ce qu’il faut, c’est de la capacité, dit-il. Vous n’y arriverez pas avec 300 très petits points de vente qui n’ouvrent qu’une poignée d’heures par semaine et qui ne distribuent que de la nourriture non périssable.»
Le Marché Bon Accueil, un programme d’aide alimentaire que la Mission Bon Accueil organise à Saint-Henri et Montréal-Nord vise à offrir choix et dignité aux personnes dans le besoin en leur offrant une expérience semblable à celle d’une épicerie. Les magasins distribuent plus d’un million de kilogrammes d’aliments, y compris des fruits et légumes frais, des produits laitiers, de la viande congelée et plus chaque année à plusieurs milliers de Montréalais en fonction de leur revenu familial.
Au-delà de la capacité, M. Watts estime que la construction d’un système viable de lutte contre la faim dans les centres urbains manque de financement et d’engagement de la part des organismes gouvernementaux. Les différents paliers de gouvernement s’entendent pour dire que l’itinérance et la faim sont un problème, mais ils échouent souvent quand il s’agit de coordonner la planification des solutions. Les finances et les ressources matérielles du Marché Bon Accueil proviennent presque exclusivement de dons de particuliers, de fondations et d’entreprises.
En demandant aux gouvernements d’aligner leurs réponses, M. Watts et d’autres responsables des fournisseurs de services de Montréal ont réalisé qu’ils devaient eux aussi aligner leurs approches sur le terrain pour mieux desservir leur clientèle. Dans le cas des services de santé dans les refuges, par exemple, la Mission Bon Accueil et ses collaborateurs ont constaté que le refuge d’urgence de la Mission Bon Accueil avait un centre de santé mentale, tandis que la Maison du Père possède une unité de soins palliatifs. Plutôt que de se faire concurrence pour créer des services identiques et gaspiller des ressources, la Mission et d’autres installations collaborent et dirigent les clients vers le service approprié—qu’il soit logé chez eux ou non.
«Cela permet de développer ces couloirs de référence, où vous êtes toujours en contact et où les personnes qui ont des besoins divers peuvent être dirigées vers l’espace où elles sont le mieux servies, plutôt que d’avoir un seul fournisseur qui essaie de garder ce client, dit M. Watts. En fait, nous partageons nos services et dirigeons les clients là où ils seront le mieux servis.»
La normalisation des services et des ressources que M. Watts a encouragée à la Mission Bon Accueil est essentielle à sa vision de la stratégie à long terme. S’appuyant sur son expérience dans le secteur des entreprises, le PDG insiste pour que la Mission reconnaisse l’importance des principaux outils de gestion, tels que les objectifs et les produits livrables, au profit de ses clients.
«Même si vous travaillez dans le secteur des services sociaux, vous devez être en mesure d’intégrer les disciplines du monde des affaires parce que cela favorise l’efficacité, ce qui permet de mieux servir nos clients, dit-il. Les organisations à but non lucratif qui ne sont pas efficaces ne servent pas bien leurs clients.»
Pour soutenir l’efficacité de la Mission Bon Accueil, M. Watts et son équipe de 140 employés à temps plein comptent sur l’appui des bénévoles aux deux établissements du Marché Bon Accueil et dans plusieurs de ses autres services. La période des Fêtes et celle de la nouvelle année sont souvent attrayantes pour les bénévoles qui veulent soutenir ceux qui ont moins de chance qu’eux, mais M. Watts souligne que la meilleure façon de le faire est par le biais des opérations de la Mission ou d’autres fournisseurs établis.
« Au cœur des choses, les gens se soucient des autres. Quand vous voyez quelqu’un dans la rue ou quelqu’un qui éprouve des difficultés, la réaction humaine que nous devrions tous avoir en est une de sympathie ou d’empathie, explique M. Watts. Et ce que je dis aux membres du grand public, c’est que la meilleure chose qu’ils puissent faire, c’est de soutenir les gens qui sont déjà sur le terrain et qui font le travail plutôt que de tenter d’intervenir pour faire le travail eux-mêmes. »
Karl Moore et Marie Labrosse. Karl est professeur agrégé à la Faculté de gestion Desautels, et Marie est étudiante à la maîtrise en langue et littératures anglaises, tous deux à l’université McGill.