(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. On se rappelle tous d’une année dans notre vie qui nous a marquée. Pour mille et une raisons, positives ou négatives, la plupart d’entre nous avons, ancré dans notre mémoire, un souvenir bien précis de celle-ci. Pour moi, c’est l’année 1997 qui changea ma vie à tout jamais.
Je sortais alors de quelques années assez «complexes» d’un point de vue scolaire, où j’avais doublé mon secondaire 4 et miraculeusement passé mon secondaire 5, j’avais pris la décision de tout parier sur ma carrière de joueur de basketball. En effet, depuis quelques années, je cumulais beaucoup plus de succès sur le terrain qu’en classe et, grâce à ce sport, au grand plaisir de ma mère, j’avais de grandes ambitions qui me forçaient à garder le droit chemin.
Quelques mois plus tôt, j’avais eu la chance d’avoir été sélectionné par l’équipe de basketball de l’organisme Jeunesse au Soleil. Pour ce faire, la tâche avait été complexe! La réputation et les exploits de cette équipe étaient légendaires et seuls les meilleurs des meilleurs avaient l’honneur de porter cet uniforme très fortement convoité. C’est après plusieurs jours de camp d’essai et plusieurs nuits d’insomnie que j’ai été appelé par l’entraîneur dans son bureau.
Quoique j’étais satisfait de mes performances des derniers jours, j’avais du mal à décoder mon nouvel environnement, et pour cause. Tel un cheveu sur la soupe, je sortais un peu de nulle part. Seul joueur francophone, seul joueur issu d’une école privée, seul joueur ayant suivi un programme scolaire différent, ayant fait mes études au Lycée français Stanislas, je me démarquais sur le terrain, mais allait-il parier sur un inconnu?
La discussion fut brève (et mes battements cardiaques au maximum!). J’étais sélectionné. J’étais fier, très fier de faire partie de l’une des meilleures équipes au pays. Bien que je commençais une grande aventure dans ma vie sportive, cette sélection, sans que je le sache, allait aussi me faire découvrir la vie… la vraie vie.
Avec rétrospection, c’est en 1997 que je suis devenu un homme. Un homme qui a découvert un nouveau monde, un homme qui a réalisé la chance qu’il avait, mais aussi un homme qui a commencé à se poser beaucoup de questions sur notre société.
Tous les jours, je me présentais à Jeunesse au Soleil, rue Saint-Urbain. Afin de me rendre dans le gymnase, il fallait que je passe devant l’entrepôt de denrées alimentaires, ce qui me permettait de voir, jour après jour, les personnes qui attendaient en ligne pour le comptoir alimentaire, pour recevoir quelques sacs d’épicerie, de vêtements ou autres.
Jeunesse au Soleil, étant avant tout un organisme communautaire venant en aide aux personnes dans le besoin, je découvrais ainsi un univers dont je connaissais l’existence, mais dont j’ignorais totalement l’amplitude, la gravité et le visage.
Du haut de mes 17 ans, deux constats m’étonnaient particulièrement. Le premier était à quel point les bénévoles se dévouaient littéralement corps et âme afin de tout faire pour venir en aide à ceux qui en ont besoin. Deuxièmement, j’étais surpris du portrait de la pauvreté que j’avais devant moi. Il était très différent que celui que j’avais en tête.
C’est à ce moment bien précis que j’ai découvert que la pauvreté ne faisait aucune discrimination. Homme ou femme, jeune ou plus âgé, de Westmount ou d’Hochelaga, diplômé ou non, avec ou sans emploi, débordant de santé ou malade, immigrant ou de souche, famille nombreuse ou seul au monde, la pauvreté avait mille et un visages, tous plus différents les uns des autres.
Pour tout vous dire, les premières semaines, je passais très vite devant cette file qui me rendait mal à l’aise. Moi qui n’avais jamais manqué de rien dans ma vie, je ne savais pas comment agir face à des personnes qui, visiblement, vivaient des moments difficiles. Au fil des mois, un peu comme «habitué», j’humanisais de plus en plus les personnes qui faisaient la file.
À mes yeux, ce n’était plus qu’une autre personne pauvre qui avait besoin d’aide. Je voyais des mères de famille monoparentales qui venaient chercher des fournitures scolaires pour leurs enfants. Je voyais des pères de famille qui, ayant perdu leur emploi, devaient venir chercher quelques sacs d’épicerie afin de boucler le mois en espérant trouver un nouveau travail. Je voyais des personnes souffrant de maladies mentales, totalement abandonnées par un système ne sachant plus quoi faire d’eux. Je voyais des familles immigrantes ayant fui la violence ou la pauvreté extrême, et qui, à des dizaines de milliers de kilomètres de leur terre natale, essayaient de repartir à neuf. Je voyais des êtres humains, comme moi, comme vous.
C’est pour toutes ces raisons et bien plus que j’ai accepté cette année d’être l’un des porte-parole de la Guignolée des médias. J’ai accepté, car bien que très conscient de la complexité de la situation, j’ai la profonde conviction que, tous ensemble, nous pouvons contribuer à ce que le portrait de la pauvreté change.
Dans une société aussi riche que la nôtre, je n’arrive tout simplement pas à concevoir qu’il y ait encore besoin d’autant d’organismes comme Jeunesse au Soleil, Moisson Montréal ou la Société Saint-Vincent de Paul, qu’il ne suffit plus d’un emploi à temps plein pour s’assurer de ne pas avoir recours à l’aide alimentaire ou que c’est en raison d’un cancer que plusieurs, en plus de tomber gravement malades, soient obligés de cogner aux portes de l’un de ces organismes.
Cette année nous soulignons les 20 ans de la Guignolée des médias. Malheureusement, cette année est également celle où les besoins sont les plus importants. La pandémie ayant fait des ravages humainement et économiquement, les organismes communautaires ont été inondés de demandes toute l’année. Afin de compliquer encore plus la situation, la traditionnelle collecte de rue annuelle ne pourra se faire nous laissant craindre de ne pas pouvoir venir en aide à tous.
Dans une société aussi développée que la nôtre, ne pas recevoir ne serait-ce qu’un seul cadeau à Noël pour un enfant, ne pas pouvoir nourrir sa famille ou ne pas pouvoir passer la période des Fêtes dans la dignité ne devrait pas être acceptable.
«Nous vivons au milieu d’une mer de pauvreté. Néanmoins on peut réduire cette mer. Notre travail n’est qu’une goutte dans un seau, mais cette goutte est nécessaire», disait Mère Teresa. Tristement, pour mille et une raisons, nous ne viendrons jamais à bout de la pauvreté. Cependant, je crois fermement que c’est de notre responsabilité de tout faire afin d’en limiter la portée.
Pour conclure, je profite de ma tribune afin de vous inviter à vous rendre sur guignolée.ca afin de tout savoir sur La Guignolée des médias ou tout simplement, de déposer vos dons en argent, en denrées alimentaires non périssables et en produits d’hygiène personnelle dans toutes les succursales Jean Coutu, Maxi, Provigo et Via Capitale de la province!
Merci du fond du cœur.