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Le marché immobilier canadien: un phénomène paradoxal

Le courrier des lecteurs|Publié le 17 août 2022

Le marché immobilier canadien: un phénomène paradoxal

(Photo: 123RF)

Un texte d’André Gerges, B.B.A, MPA, Mini-MBA, Ph.D., coordonnateur scientifique et chercheur associé (York University), professionnel de recherche (Université Laval), consultant en management et gestion de projets


COURRIER DES LECTEURS. Un marché du logement qui contraste avec la réalité est apparu récemment au Canada. Les statistiques recueillies mettent en lumière un phénomène paradoxal. D’une part, les prix et les ventes de logements sont en baisse depuis quelques semaines dans plusieurs villes et, d’autre part, les loyers augmentent, ce qui exerce une pression accrue sur les ménages locataires. Par exemple, les prix moyens des loyers à Montréal ont fortement augmenté en juillet selon le Journal de Montréal, en hausse de 75$ par rapport au mois dernier. Cela contraste avec les tendances récentes à Vancouver et à Toronto, où les loyers moyens sont demeurés relativement stables d’un mois à l’autre. 

En Ontario, des données récemment publiées par le Toronto Regional Real Estate Board (TRREB) ont révélé que le loyer moyen d’un appartement d’une chambre à coucher a augmenté de 20% d’une année sur l’autre au deuxième trimestre de 2022. Les loyers des appartements de deux et trois chambres à coucher ont augmenté de 15,3 et 12,8%, respectivement. En même temps, l’offre se resserre. Les appartements locatifs répertoriés sur la plateforme TRREB ont diminué de 30% au deuxième trimestre par rapport à l’année dernière. Le nombre d’appartements d’une chambre à coucher loués a également diminué, de 16% par an. 

L’augmentation de la demande de location est en partie liée à la reprise des activités économiques, ralenties plus tôt en raison de la COVID-19. Par exemple, les étudiants des collèges et des universités, qui s’étaient principalement retirés chez leurs parents pendant la pandémie, seront de retour sur les campus en septembre. Depuis mai, ils louent activement des résidences près des campus universitaires. 

Un autre facteur est le télétravail, qui a permis à des milliers de personnes de travailler à distance depuis leur domicile pendant la pandémie. En conséquence, certains travailleurs ont renoncé à des loyers relativement petits, coûteux, mais près des pôles d’emploi centraux, pour des logements moins chers et plus grands, dans des villes plus petites. Les employeurs rappelant leurs employés au travail, la demande de biens locatifs à proximité des pôles d’emploi a augmenté, ce qui exerce une pression sur les loyers. 

Mais les loyers ont augmenté dans toute la région, et pas seulement dans les quartiers centraux, avec des conditions de marché serrées. Par exemple, les données du TRREB ont révélé que 76% des appartements inscrits dans la ville de Toronto, ainsi que les banlieues, étaient loués au deuxième trimestre. 

Une perspective similaire s’est dessinée à travers le Canada. La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a signalé un resserrement du marché locatif à Halifax, où le taux d’inoccupation est passé sous la barre du 1%. Même dans les marchés moins peuplés, comme London, en Ontario, les loyers demandés en juin ont augmenté de 28,5% par rapport à l’année précédente, selon les données compilées par Rentals.ca et Bullpen Research and Consulting. 

Les conditions du marché défient parfois ce qui est généralement admis en théorie. Par exemple, la théorie de l’économie urbaine suggère que les prix des logements et les loyers sont intrinsèquement liés. En effet, la valeur d’un logement est censée être la valeur actuelle des flux de trésorerie futurs (loyers) générés par un logement à perpétuité. Par conséquent, lorsque les loyers augmentent, les prix doivent également augmenter. Pourtant, la baisse de la valeur des logements et la hausse des loyers suggèrent que les modèles théoriques ne rendent peut-être pas pleinement compte de la dynamique à court terme. 

Une conséquence involontaire de la baisse des prix est la pression accrue sur les logements locatifs. Une baisse des prix des logements s’accompagne souvent d’une baisse plus prononcée des ventes de logements. Cela est dû au fait que les ménages qui décident de passer d’un logement locatif à un logement en propriété reportent temporairement leur décision, ce qui fait qu’ils restent plus longtemps que prévu en tant que locataires. Ainsi, la pression sur les marchés locatifs augmente parce que les nouveaux locataires doivent se faire concurrence pour le nombre limité de logements locatifs disponibles. 

Les marchés locatifs devraient subir une pression croissante en raison de l’augmentation prévue de la demande de logements locatifs. En outre, l’arrivée prévue de milliers de nouveaux immigrants, qui débutent souvent leur carrière dans les marchés locatifs, l’augmentation de la demande de logements locatifs à proximité des centres de bureaux et des centres-villes en raison du rappel des travailleurs dans les bureaux, et la diminution de l’offre de logements locatifs sont quelques-uns des facteurs contribuant à l’aggravation de l’accessibilité des logements locatifs. 

Une solution durable aux problèmes de location au Canada réside dans une augmentation significative de la construction de nouveaux logements locatifs abordables. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont lancé de nombreux programmes pour encourager la construction de nouveaux logements locatifs sur mesure. Cependant, l’intervention du gouvernement doit être beaucoup plus importante pour inciter les constructeurs et les promoteurs à construire des logements locatifs à la portée de toutes les classes sociales.