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Un concept fondamental de l’investissement de type « valeur » a été développé par Benjamin Graham, le père de l’analyse fondamentale : la marge de sécurité.
Le concept de la marge de sécurité est employé dans bien des domaines, notamment en ingénierie. Ainsi, l’ingénieur qui dessine les plans d’un édifice s’assurera que celui-ci sera en mesure de tolérer des secousses sismiques sensiblement plus élevées que celles qui ont été enregistrées dans la région depuis 100 ans. S’il conçoit un pont, il verra à ce qu’il soit en mesure de supporter sensiblement plus que la charge maximale requise par les autorités.
En investissement, le même principe de prudence devrait s’appliquer. Ainsi, l’investisseur « valeur » n’achètera que lorsque le cours boursier d’un titre sera nettement inférieur à l’estimation qu’il a faite de sa valeur intrinsèque.
Pourquoi? Tout simplement parce que l’évaluation d’un titre boursier relève davantage de l’art que de la science.
Si on ne peut pas évaluer un titre de manière précise, on doit faire comme l’ingénieur et se donner un bon coussin de sécurité.
La marge de sécurité agit de deux façons. D’abord, elle nous protège quelque peu au cas où nous nous serions trompés dans notre évaluation. Ensuite, elle nous procure des rendements élevés si nous avons raison.
Par exemple, on estime la valeur d’une société à 150 $ l’action et on peut acheter son titre à 100 $ (une marge de sécurité de 33 %). Un an plus tard, les résultats financiers de la société sont nettement moins bons que ceux anticipés dans notre estimation de sa valeur intrinsèque. Nous évaluons maintenant cette valeur à seulement 100 $. Le fait d’avoir payé un fort escompte par rapport à notre estimation initiale nous a probablement sauvé beaucoup d’argent.
En revanche, supposons que, un an plus tard, notre évaluation se soit révélée trop prudente et que les résultats financiers de la société soient substantiellement meilleurs que ceux que nous avions anticipés. Nous aurons alors fort probablement réalisé un rendement plus qu’appréciable !
Personnellement, je vois au moins trois manières de tirer profit du concept de la marge de sécurité en investissement :
1. Le prix payé
Si on réussit à dénicher un titre dont l’évaluation est, selon nous, sensiblement inférieure à ce qu’elle devrait être, on limite le risque à la baisse et on augmente le potentiel d’appréciation. On a vu ce concept plus haut.
2. La santé financière d’une entreprise
Une société en excellente santé financière qui possède, par exemple, une généreuse encaisse et n’a pas de dette nous offre aussi une marge de sécurité : le risque est limité par son excellente santé financière (j’ai rarement vu une entreprise sans dette faire faillite), alors que le potentiel d’appréciation augmente en même temps. Il suffit en effet que la direction utilise à bon escient la capacité financière de la société pour qu’elle crée beaucoup de valeur pour ses actionnaires. Couche- Tard et CGI ont à maintes reprises démontré que l’utilisation intelligente d’un bilan surcapitalisé peut créer beaucoup de valeur pour les actionnaires.
3. Des marges bénéficiaires que l’on juge temporairement déprimées
Les marges bénéficiaires des entreprises sont présentement à un sommet historique. Peut-on croire que ces marges augmenteront davantage dans le futur ? Lorsque nous investissons dans un titre, nous préférons une situation où les marges d’une société sont, à notre avis, temporairement déprimées.
Je crois qu’un investisseur qui réussit à réunir ces trois facteurs lorsqu’il achète un titre met de son côté toutes les chances de réaliser de bons rendements. Multipliez ce cas par les quelque 25 titres qu’il possède en portefeuille et la table est mise pour obtenir d’excellents rendements à long terme. Le concept de la marge de sécurité est un outil essentiel que tout investisseur devrait utiliser dans ses décisions.