Il faut construire toutes sortes de logements, mais particulièrement pour les personnes les plus vulnérables. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Les mesures du projet de loi 31 sont des pas dans la bonne direction. Mais il est impératif de régler le véritable défi, la pénurie de logements. Est-ce que les villes et Québec vont s’entendre sur un tracé et atteindre un sommet de quantité de construction?
Construire prend du temps et tous doivent y contribuer, les promoteurs à but lucratif et ceux à but non lucratif. Il faut construire toutes sortes de logements, mais particulièrement pour les personnes les plus vulnérables. On doit aussi aider la classe moyenne à accéder à la propriété. Construire des logements plus chers aide indirectement l’ensemble du marché.
Endiguer les rénovictions
Les changements ont pour but de mieux protéger les locataires et de réduire les rénovictions frauduleuses. Ce sera le propriétaire qui aura le fardeau de la preuve.
Les locataires évincés recevront une indemnité d’un mois de loyer par année d’habitation, avec un minimum de 3 mois et un maximum de 24 mois.
Sans la section F, la construction chuterait
Un logement neuf n’a aucune limite de hausse de loyers pour les 5 premières années. La section F du bail permet de louer des logements moins chers lorsque la construction est à son début et les environs sont moins intéressants. Le locataire profite alors d’un rabais et il paie le plein prix vers la fin du projet.
Il faut éviter toute mesure qui découragerait encore plus les mises en chantier.
Les locataires auront plus de prévisibilité, car les promoteurs devront publier une hausse maximale annuelle.
Obsession
Pour les cessions de baux, il y a une faille entre les associations de locataires et des propriétaires. On ne peut les rassembler.
Les associations de locataires sont obsédées par les cessions. C’est effectivement une façon de lutter contre des hausses élevées lors des changements de locataires. Mais c’est à la section G du bail que revient le rôle d’éviter que la hausse pour un nouveau locataire soit excessive. Si la section G ne remplit pas pleinement son mandat, c’est dû à la rareté des logements. La meilleure stratégie est de régler la source du problème.
Pour un locataire qui veut casser son bail en cours d’année, ce lui sera plus facile si le propriétaire décide de trouver lui-même un nouveau locataire. C’est une occasion de rénover le logement avant de louer.
Je peux comprendre la fierté du locataire de céder son bail. Mais c’est une générosité avec le chéquier d’autrui. C’est le locataire qui veut vendre son bail qui sera le plus pénalisé.
Encourageons les rénovations
Les trois quarts des logements sont âgés d’au moins 40 ans. On se doit d’encourager les propriétaires à mieux restaurer les appartements.
La formule utilisée pour ajuster le loyer lorsque le propriétaire fait des travaux majeurs donne un faible retour sur leur investissement. Il faut le bonifier. Je garde espoir quant à la formule qui sera proposée pour 2024.
Les villes veulent se rencontrer à un sommet
Le 14 juin 2023, Montréal, Laval, Longueuil, Gatineau, Trois-Rivières, Québec, Rimouski, ainsi que plusieurs acteurs en habitation, ont réclamé un sommet pour prendre la pleine mesure de la gravité de la situation, identifier les freins et adopter une feuille de route commune incorporant des actions concertées avec des cibles et un échéancier à respecter.
Ils veulent aborder les enjeux suivants :
- le financement du logement social
- l’aide au logement abordable à but non lucratif ou durable
- la capacité de se loger sans aide publique
- la réalisation des travaux d’infrastructures permettant le développement résidentiel en contexte de crise climatique
- la protection et la rénovation du parc locatif actuel
- la mise en place de réglementation municipale incitative aux investissements dans l’immobilier résidentiel
Un sommet de l’habitation n’est pas une fin en soi, mais peut être très bénéfique si les villes se présentent dans un esprit de collaboration.
La crise, on a encore rien vu
Sommet ou non, la crise progressera, tel que j’ai expliqué dans mon récent texte.
Lorsque les taux d’intérêt baisseront, les mises en chantier augmenteront, mais pas à un niveau suffisant. Les villes doivent mettre à jour leur règlement de zonage pour favoriser plus de densité, réduire les délais d’approbation de projets ainsi que réduire leurs frais, taxes et redevances.
Certaines villes ont pris des mesures dans ce sens, mais d’autres semblent peu enclines à utiliser les leviers qu’elles ont. La métropole est la championne des critiques et est celle qui a le plus de freins à la construction par des promoteurs privés.
Les villes ont besoin d’un Sherpa
La pénurie de logements fait grimper les prix. La principale solution est de construire. Je vous invite à consulter les rapports de la CCMM, la FGM, la CORPIQ, l’APCHQ et l’IDU pour un aperçu d’autres solutions souhaitables.
Les villes qui désirent faire leur ascension par la face gauche (en magnifiant les droits des locataires au détriment des droits des propriétaires, en proposant un registre des loyers, en fantasmant sur l’approche de Vienne, etc) ne prennent pas le chemin d’ascension le plus facile et ne suivent pas le tracé proposé par Québec.
Si plusieurs argumentent régulièrement sur le choix du tracé, on n’avance pas vite. L’ascension est complexe et tous devraient mettre leur énergie à la bonne place. On a plus besoin de décisions et d’actions que de discussions.
La ministre de l’Habitation est compétente. Elle se concentre à bien cerner les vrais problèmes et à implanter les solutions les plus pragmatiques. C’est ce qui fait d’elle une cible dans une arène politique où souvent la forme du message a plus d’importance que le contenu.
Remplacer AccèsLogis par de nouveaux programmes ne se fait pas en criant ciseau. L’objectif est d’avoir des programmes plus efficaces et que les délais de construction soient raccourcis.
Le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) sera probablement amélioré. Les ententes avec Desjardins et le Fonds de solidarité FTQ sont une approche porteuse.
Le ministre des Finances a investi dans le dernier budget 1 milliard $ de plus en habitation et a laissé entendre que les prochains budgets auront des sommes plus importantes.
Après des années où Montréal a tourné en rond pour le projet de l’Hippodrome, Québec et d’autres acteurs se sont impliqués récemment. Le Groupe d’accélération pour l’optimisation du projet de l’Hippodrome (GALOPH) devrait enfin établir une vision commune.
La ministre aurait d’autres projets dans les cartons. J’ai hâte de publier une chronique sur les entrepreneurs privés à but non lucratif. C’est un secteur dynamique et créatif.
Une fois que l’on s’éloigne du sommet des blâmes de juin, l’ascension va reprendre. Le rythme de progression est malheureusement trop lent, mais va, espérons-le, s’accélérer.
La ministre se doit d’être de plus en plus un sherpa aidant les villes à atteindre des sommets.
Je vous invite à consulter mes articles précédents.