Sally Armstrong, militante canadienne des droits de la personne, journaliste et auteure de cinq livres (Photo: courtoisie)
BLOGUE INVITÉ. Sally Armstrong, militante canadienne des droits de la personne, journaliste et auteure de cinq livres, a consacré sa carrière à témoigner de l’expérience des femmes et des filles en zones de conflit. Dans sa série de cinq conférences Massey de 2019 intitulée Power Shift : The Longest Revolution, elle se penche sur les racines et l’évolution des inégalités entre les sexes dans le monde entier.
Ses propos, qui ont été diffusés à l’émission Ideas de CBC Radio One au début du mois de novembre et qui sont toujours disponibles sous forme de balados, sont également compilés et développés dans un livre publié par House of Anansi Press. Ils ont aussi été transmis aux États-Unis sur la chaîne NPR, ainsi qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande, et devraient potentiellement être entendus au Royaume-Uni d’ici la fin de 2019.
Chaque année, à l’automne, CBC/Radio-Canada nomme un conférencier Massey et lui propose un sujet qui, selon l’avis du diffuseur public, interpelle la population canadienne. Il est habituellement axé sur la politique et l’économie. Pour la série de conférences de 2019, CBC/Radio-Canada a demandé à Mme Armstrong d’enquêter sur les origines de l’oppression des femmes et sur la façon de mettre un terme à des milliers d’années d’inégalité.
« J’étais très excité quand ils ont décidé qu’ils voulaient que je le fasse sur les femmes, dit Mme Armstrong. Ça veut dire que les femmes sont vraiment dans l’air du temps pour la CBC. »
La nomination de Mme Armstrong ne lui a laissé que quelques mois pour faire ses recherches et rédiger une première ébauche du livre. Au début du projet, elle appréhendait les difficultés liées à la collecte de données inédites pour un nouvel ouvrage. Son bouquin précédent, intitulé Ascent of Women (publié aux États-Unis sous le titre Uprising), né de sa prise de conscience que face à l’inégalité, les femmes choisissaient de changer le monde pour elles-mêmes, était encore un succès commercial et elle ne savait pas quelle direction prendre pour entamer cette étude.
« C’est un grand honneur, mais c’est aussi une tâche extrêmement difficile que d’écrire un livre en sept mois avec que de la recherche originale, a déclaré Mme Armstrong. »
Au cours de la phase de conception, Mme Armstrong a tenu compte du fait que la majorité des données sur l’évolution humaine ont été recueillies par des hommes et sur les hommes. Cette exclusion de la gent féminine de la recherche scientifique a des conséquences plus larges sur notre culture et sur la vie quotidienne des femmes. Dans Power Shift, Mme Armstrong espérait donner la parole à de nouvelles voix féminines qui contribuent à diversifier la recherche universitaire sur ce problème.
« Aujourd’hui, les femmes sont anthropologues et archéologues, et avec les chercheurs masculins, elles sont impatientes de rouvrir les dossiers, dit-elle. Et c’est là que je suis arrivée. Ces femmes m’ont soutenue et m’ont mise en contact avec d’autres femmes anthropologues et archéologues à travers le monde entier. Et j’ai reçu d’elles de nouvelles données étincelantes. »
L’engagement de Mme Armstrong auprès des femmes chercheuses souligne la thèse centrale de sa série de conférences : un monde qui propose des chances égales aux femmes est à l’avantage de tous. Avec cet ouvrage, Armstrong peint ce monde comme un univers qui est à notre portée.
« Mon point de vue et ma conclusion dans le livre sont que les femmes n’ont jamais eu une meilleure chance qu’aujourd’hui et que nous sommes très près de la ligne d’arrivée de l’égalité, rien que parce que nous ne pouvons nous permettre de continuer à permettre ces inégalités, dit Mme Armstrong. Nous manquons d’idées et nous perdons tant sans l’égalité des sexes. »
Selon la journaliste acclamée, la dernière étape vers l’égalité des sexes est la collaboration entre hommes et femmes. Tout au long de sa carrière d’écrivaine, Mme Armstrong est entrée en contact avec des groupes qui font avancer l’égalité en encourageant les hommes et les femmes à travailler ensemble. Des groupes comme l’organisation caritative afghane Young Women for Change, qui accueille de jeunes militants et militantes, donnent à Mme Armstrong l’espoir que la parité mondiale entre les sexes est réalisable.
« Ce sont des enfants défavorisés qui ont dû se battre pour entrer à l’école élémentaire, et encore plus pour pouvoir aller à l’université, et ensuite encore pour être en mesure d’établir des politiques, dit-elle. Nous devons tirer des leçons de leurs initiatives. C’est le défi que je lance aux hommes d’ici : venez marcher aux côtés de vos femmes et trouvez un moyen d’en finir avec ça. »
Le livre de Mme Armstrong est rempli d’anecdotes fascinantes qui racontent l’histoire de la plus longue révolution—celle des femmes qui tentent de retrouver une capacité d’agir et une représentation égale dans la société.
« Je pense que raconter les faits sous forme d’histoires est l’un des meilleurs moyens d’apprendre, dit Mme Armstrong. Les conférences Massey doivent être denses ; elles sont pleines de données, mais je pense qu’il faut façonner ces données pour pouvoir raconter une histoire dont les gens se souviendront. »
Les récits personnels que Mme Armstrong a recueillis dans le cadre de son projet témoignent de la volonté des femmes de lutter contre la discrimination fondée sur le sexe. Elle espère que des histoires comme celle d’Eva Penavic, victime de la guerre en Bosnie et survivante d’agression sexuelle, et de Malala Yousafzai inciteront son auditoire à agir en fonction de leurs expériences de l’inégalité des sexes.
« Notre monde a changé et il y a maintenant beaucoup de voix qui disent : «ce que vous faites ne me convient pas,» dit Mme Armstrong. C’est l’émergence d’une nouvelle volonté personnelle qui est plus efficace que les volontés politiques et publiques auxquelles nous avons toujours eu recours. »
Lien vers le balado (en anglais seulement)
Le présent article est une transcription condensée et modifiée d’une entrevue animée par Karl Moore, professeur agrégé à l’Université McGill, dans le cadre de l’émission The CEO Series, présentée sur les ondes de CJAD et produite par Marie Labrosse, étudiante à la maîtrise en langue et littérature anglaises à l’Université McGill. L’entrevue intégrale fait partie de la plus récente saison de The CEO Series et est disponible en baladodiffusion.