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Jean-Sébastien Daigle: mettre l’humain au coeur de l’entreprise

Camille Robillard|Édition de la mi‑Décembre 2022

Jean-Sébastien Daigle: mettre l’humain au coeur de l’entreprise

(Photo: courtoisie)

Qui: Jean- Sébastien Daigle, PDG

Entreprise: Société VIA

Industrie: Tri des matières recyclables

 

Siège social: Lévis

Date de fondation: 1977

Nombre d’employés: 300

 

TROIS QUESTION À UN PDG INSPIRANT. Dans les usines de tri de Société VIA, la majorité des travailleuses et des travailleurs vivent avec une limitation fonctionnelle. La réussite et le bien-être de ces personnes sont fondamentaux pour le PDG de l’entreprise, Jean-Sébastien Daigle, autant sur plan professionnel que personnel. Voici trois questions à un PDG qui inspire par sa volonté d’améliorer la qualité de vie de personnes généralement exclues du marché du travail et par son désir d’offrir plus d’autonomie à tous ses membres du personnel.

 

Société VIA est une entreprise d’économie sociale. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste sa mission?

Notre objectif, c’est de développer les personnes ayant une limitation fonctionnelle et de leur offrir un travail, de l’accompagnement et un milieu de vie intéressant. Le tri de matière, c’est une tâche qui est relativement simple (et qui s’apprend bien). De plus, nous offrons des horaires qui sont stables et flexibles, donc ça leur enlève une couche de stress et ça leur permet de se développer dans l’organisation. Ce sont des personnes qui sont capables de travailler, c’est-à-dire qu’elles vont être productives, mais non compétitives sur le marché régulier. Certaines vont travailler à temps plein, tandis que d’autres vont choisir deux demi-journées par semaine. Nous avons également des éducatrices spécialisées dans l’ensemble de nos usines, qui accompagnent les employés dans leur travail et soutiennent les superviseurs. Dans certaines usines, comme celle de Lévis, nous avons une professeure présente à temps plein. Les volontaires peuvent suivre des cours avec nous — durant leurs heures de travail rémunérées — qui leur permettent de se développer comme personne. Il y a des formations sur la gestion d’un budget, sur les saines alimentations, sur comment interagir avec un collègue quand tu as vécu une situation que tu n’as pas aimée, etc. L’objectif, c’est d’outiller la personne à avoir une meilleure hygiène de vie, un meilleur contrôle de ses finances, une meilleure gestion de ses émotions.

 

Vous êtes inspiré par le principe des entreprises libérées. De quelle manière cela influence-t-il votre leadership?

L’idée derrière les entreprises libérées, c’est d’avoir un meilleur partage de pouvoir dans l’organisation. Ça peut se traduire par une hiérarchie qui est beaucoup plus aplanie ou qui est pratiquement inexistante. Un employé doit être capable de travailler en harmonie avec ses valeurs et celles de l’organisation. Il n’y a pas de règles à suivre. C’est plus dans la philosophie. Donc, au lieu d’exiger des résultats et de mettre de la pression, nous faisons confiance aux gens en leur donnant une latitude.

L’approche CAC, c’est un des éléments qu’on a mis en place. Ainsi, au lieu que ce soit moi qui évalue chaque personne séparément, c’est une évaluation 360. Les employés s’évaluent à partir de trois questions, soit: «Qu’ est-ce que je veux continuer de faire? Qu’est-ce que je veux arrêter de faire ? Qu’ est-ce que je veux commencer à faire?» En faisant cette tournée de table, c’est fou comment on apprend à se connaître et à se dépasser.

Nous avons aussi modifié nos titres. Nous n’avons pas de directeur d’usine, de surintendant ou de contremaître. Tout le monde a un peu le même titre, tout le monde est gestionnaire. Nous voulions minimiser la hiérarchie. Nous fonctionnons donc par tâche et par projet plutôt que par poste.

Également, tout le monde peut prendre n’importe quelle décision, basée sur le principe de sollicitation d’avis. Donc, au lieu de devoir avoir l’approbation de ton patron, tu dois solliciter soit les utilisateurs finaux ou les experts dans le domaine. C’est vraiment sur ce principe que les gens se responsabilisent davantage. On donne du pouvoir, mais en même temps, tu es responsable de ton environnement.

 

Vous avez été nommé président du conseil d’administration du Conseil québécois des entreprises adaptées en juin. Quel est votre plan de match?

 

La première chose que nous avons faite, c’est une planification stratégique claire. Nous avons beaucoup de pain sur la planche. Les entreprises adaptées vivent la même chose que les entreprises privées, soit de la pénurie de main-d’oeuvre. Nous restons des entreprises privées qui doivent être rentables et livrer la marchandise. Donc, il y a un défi d’accompagnement dans ce secteur pour faciliter l’embauche. Je souhaite également contribuer à faire évoluer le programme. Il existe depuis plus de 30 ans, donc les limitations fonctionnelles, les besoins et le marché du travail ont évolué dans le temps. Nous allons mettre beaucoup d’efforts pour collaborer avec le gouvernement pour que le programme soit plus utile pour les employés avec des limitations fonctionnelles. Oui, on dit que le taux de chômage est bas, mais il y a encore beaucoup d’employés qui sont éloignés du marché du travail. On peut encore changer beaucoup de vies.