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Nicolas Duvernois

Chronique d'un entrepreneur

Nicolas Duvernois

Expert(e) invité(e)

J’ai mal à Montréal

Nicolas Duvernois|Publié le 01 septembre 2020

J’ai mal à Montréal

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. C’est en 1535, mandaté par le Roi François 1er, que l’explorateur Jacques Cartier découvre en premier ce «nouveau territoire» et décide d’y baptiser «Mont Royal» la montagne qui y surplombait le paysage.

Une centaine d’années plus tard, en mai 1642, menés par Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, et Jeanne Mance, une poignée de colons débarquèrent sur les berges du territoire Mohawk qu’ils désignaient comme étant «là où les courants se rencontrent» afin d’y bâtir une ville, un rêve.

En s’y installant, les premiers colons, déterminés à bâtir un Nouveau Monde, donnèrent naissance à ce qui deviendra officiellement le 31 mars 1831 la Ville de Montréal.

Aujourd’hui, et depuis quelques décennies déjà, Montréal n’est plus l’ombre de ce qu’elle a été. J’écris ces mots avec beaucoup d’émotions, car cette ville a accueilli, il y a 55 ans, un jeune immigrant âgé d’une vingtaine d’années, mon père. 

L’année de son arrivée coïncide avec une période importante qui a vu le Québec entrer dans la modernité. En 1965, le chantier du métro de Montréal tirait sur sa fin, il y eut la création de la Caisse de dépôt et placement et de la Régie des rentes, la fondation de la Fédération des femmes du Québec, l’inauguration de la nouvelle bourse de Montréal et, entre autres, la toute première entente internationale de coopération dans l’histoire du Québec avec la France.

C’est deux ans plus tard, en 1967, que Montréal connût son heure de gloire la faisant entrer dans le club très sélect des grandes métropoles du monde au même titre que Paris, New York ou Tokyo. Nous étions alors en plein milieu de la Révolution tranquille, mais il n’y avait rien de tranquille dans cette ville. Les grands projets fusaient de toute part. Expo 67, Jeux olympiques, nouvelle équipe de baseball, nouveau tunnel reliant la métropole à la Rive-Sud… la ville connaissait un essor économique, culturel et humain sans précédent.

Tristement, au fil des décennies, Montréal a perdu de son lustre, de son identité, de sa fierté. Il serait trop facile pour moi de pointer du doigt l’un ou l’autre des dirigeants politiques qui, au fil des ans, se sont succédé à la mairie de notre ville. Certes, la responsabilité de sa vitalité revient au poste de maire. Cependant, plusieurs facteurs ont fait en sorte que nous nous réveillons aujourd’hui avec une ville à la recherche de son âme et de son identité. 

Exode des sièges sociaux, crise économique, délocalisation d’entreprises et d’usines offrant de bons emplois, sous-investissement chronique, corruption endémique, fuite des familles, problèmes de congestions, guéguerre politique, fusion/ défusion et manque de leadership sont toutes des raisons derrière ce déclin.

L’avenir de la ville, du moins pour les 24 prochains mois, n’est guère plus prometteur. Bien que je trouve parfois que la pandémie a le dos large, on ne peut ignorer les effets catastrophiques de celle-ci sur la santé de notre ville.

Analysons la situation d’un point de vue d’affaires. Imaginons que Montréal est un produit qui, par le passé, a connu énormément de succès. Des ventes records, une approche innovatrice, un rôle de leader sur le marché. Au fil du temps cependant, les dirigeants se sont assis sur leurs lauriers, les consommateurs ont commencé à le tenir pour acquis et la concurrence est devenue omniprésente. 

Maintenant que faire? Comment réagir avant que Montréal n’atteigne le point de non-retour telle la ville de Detroit? En tant qu’entrepreneur, face à un produit en difficulté, mon premier réflexe est de faire une analyse complète de la situation afin de voir ce qui été fait de bien et de mal au fil des ans.

Je m’attaquerais premièrement à comprendre la perception de la ville par ses citoyens, ses visiteurs et ses compétiteurs. Quels sont ses forces, ses faiblesses, ses points de différenciation? Se poser des questions, beaucoup de questions. Les résultats de cette analyse me permettront de cerner le ou les problèmes qui nous ont menés dans cette fâcheuse situation.

Par la suite, une fois le diagnostic en poche, c’est l’heure du traitement. Avons-nous besoin de nous réinventer totalement? De revenir aux sources? De modifier la recette légèrement ou de faire table rase et repartir avec une toute nouvelle approche, de nouvelles idées et une nouvelle vision?

Finalement, une fois le traitement approprié choisi, on se prépare afin de reconquérir le terrain perdu en choisissant méticuleusement son équipe, ses partenaires et ses stratégies. Il est très important de définir clairement sa vision, les manières d’atteindre nos objectifs et, surtout, de mettre en place des mesures de contrôle et de performance afin de surveiller étroitement les résultats de nos efforts. 

Trop longtemps avons-nous géré Montréal en tirant la couverture d’un côté ou de l’autre tel un couple en dispute. Trop souvent les intérêts ou passions personnels des uns sont devenus tout d’un coup des projets communs. 

Montréal est une grande ville, elle a besoin de grands projets. Montréal est une ville qui a besoin d’amour et de respect. Au fil des années, nous l’avons tenu pour acquis et nous nous en sommes désintéressés d’un point de vue global. 

L’obsession de la microgestion partisane a ralenti l’élan de cette belle métropole endormie. Il est maintenant grand temps de s’ouvrir les yeux, de se retrousser les manches et de mettre nos intérêts personnels de côté et de travailler d’arrache-pied afin de redonner à Montréal le lustre dont elle est digne!