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Introvertis, voici comment s’adapter à la distanciation sociale

Karl Moore|Publié le 07 avril 2020

Introvertis, voici comment s’adapter à la distanciation sociale

Aussi stressante soit-elle, la distanciation sociale a créé un nouveau mode de communication qui profite aux introvertis. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. La semaine dernière, j’ai écrit sur la façon dont mes camarades extravertis luttent contre le confinement. Ces derniers jours, j’ai pris contact avec un certain nombre d’introvertis pour voir comment ils s’en sortent.

Ils s’accordent pour dire que la distance sociale actuelle à laquelle nous sommes collectivement liés est un défi — peu de gens diraient le contraire — mais, pour les introvertis, le besoin de rester chez eux est probablement plus facile à gérer que pour les extravertis.

Dans un sens, les introvertis sont bien formés pour ce confinement. Ils sont capables d’accomplir leurs tâches avec un minimum de stimulation extérieure et ils se ressourcent en passant du temps seuls.

Le besoin actuel de s’isoler peut être beaucoup plus confortable pour un introverti que la pression habituelle de sortir.

Certains introvertis se réjouissent même de la nécessité de se saluer avec les coudes et de maintenir une distance de sécurité dans les espaces publics. 

Malgré cette disposition à passer du temps seul, les circonstances nous poussant à la distanciation sociale font que l’isolement est aussi éprouvant pour les introvertis que pour les extravertis.

Le barrage constant de gros titres alarmants, les chiffres de contamination croissants et la séparation forcée de ses amis et de ses proches rendent ce confinement au sein de nos demeures stressant, même pour les introvertis qui pourraient autrement savourer cette opportunité.

La solitude liée à l’éloignement social peut avoir des effets mentaux et physiologiques sur chacun d’entre nous, y compris sur les personnes qui ne souffrent généralement pas de passer de longues périodes de temps seules.

De longues périodes d’isolement social peuvent accroître la vulnérabilité d’une personne à la maladie en augmentant la pression sanguine et le rythme cardiaque, les hormones de stress et l’inflammation.

Robin Wright, chroniqueur pour le New Yorker, écrit que «la solitude n’est pas seulement un sentiment. C’est un signal d’alarme biologique qui incite à rechercher d’autres humains, tout comme la faim est un signal qui conduit une personne à rechercher de la nourriture».

Être introverti ne signifie pas que l’on peut exister sans aucun lien humain, surtout quand on est habitué à vivre dans un monde qui encourage l’extraversion et les contacts sociaux à presque chaque instant.

Dans son premier livre, Quiet : The Power of Introverts In a World That Can’t Stop Talking, Susan Cain démontre que le monde est conçu pour les extravertis, de notre système éducatif à la vie professionnelle.

Le changement brutal de cette structure sociale peut être bouleversant pour tout le monde, même pour les plus introvertis d’entre nous qui ne se sont pas toujours sentis à l’aise dans cet environnement.

Aussi stressante soit-elle, la distanciation sociale a créé un nouveau mode de communication et d’existence qui pourrait être mieux adapté aux prédilections des introvertis.

Se connecter avec les autres en ligne est pour l’introverti l’équivalent de discuter avec des collègues à la fontaine d’eau.

Les conversations mêmes les plus banales permettent à notre cerveau de se détendre. Les discussions approfondies nous évitent de nous sentir isolés. Les deux sont importantes et vitales sur le plan émotionnel.

La communication à distance exige également le type de planification que les introvertis apprécient : fini les réunions impromptues avec votre supérieur ou votre équipe, les vidéoconférences et autres communications professionnelles à distance doivent être planifiées et programmées à l’avance.

Alors que les extravertis aiment penser tout haut, les introvertis préfèrent souvent prévoir leur contribution à une conversation ou à une réunion.

La nature très réglementée de la communication pendant cette période de distance sociale et de travail à distance offre aux introvertis le temps et l’espace nécessaires pour réfléchir et se préparer.

En ce qui concerne les interactions personnelles avec les amis et la famille, la distance imposée peut également être une source de soulagement pour les introvertis.

Les plateformes de communication instantanée et même les chats vidéo permettent aux utilisateurs d’avoir un contrôle bien plus important que les conversations en personne.

Pour certains introvertis, ces solutions qui leur permettent de faire partie du monde à distance peuvent déjà être des substituts familiers lorsqu’ils ne se sentent pas capables d’interagir avec les autres en personne.

Aujourd’hui les gens trouvent des remplacements créatifs pour toutes sortes d’activités qui ne peuvent plus se faire en personne, comme les soirées de jeux de société virtuels, les séances de karaoké, les groupes de danse et les 5 à 7.

Limiter la quantité de stimulation en échangeant avec les autres depuis le confort de son canapé permet aux introvertis de se détendre bien plus qu’un bar bruyant ou un événement familial, qui risqueraient de vider leurs batteries sociales.

La communication à distance est également bénéfique pour les ambivertis qui ont des traits à la fois d’introversion et d’extraversion et peuvent donc se sentir tout aussi énergisés par les grands rassemblements sociaux que par les nuits tranquilles à la maison.

La distance imposée permet aux ambivertis de fixer les conditions de leur interaction avec les autres.

Ces personnes pensent souvent qu’elles ne peuvent pas s’épuiser parce qu’elles peuvent passer d’une personnalité extravertie à une personnalité introvertie. En réalité, elles ont elles aussi besoin d’équilibre pour éviter de souffrir de trop de temps passé seul ou de trop de temps passé avec d’autres personnes.

En cette période de distanciation sociale, pendant laquelle nous avons tous envie d’être proches de ceux qui nous sont chers, notre calendrier de rencontres virtuelles peut même nous sembler un peu chargé.

Les introvertis se retrouvent probablement submergés de demandes d’attention par courrier électronique, message et chat vidéo.

Même si communiquer avec d’autres personnes pour faire du travail, partager ses préoccupations sur la pandémie actuelle et même rire un peu pour soulager la pression est une activité puissante et nécessaire, il est également important que les introvertis (et les ambivertis) se souviennent d’honorer leur besoin en matière d’espace.

Et ce, même s’ils passent leurs journées physiquement seuls en confinement. Il est après tout possible de ressentir les mêmes effets d’une socialisation excessive en ne participant qu’à des échanges virtuels.

Marie Labrosse, Lisa Mintzberg, et Karl Moore. Karl est professeur agrégé à l’Université McGill, Marie est étudiante en maîtrise de littérature anglaise aussi à l’Université McGill et Lisa est photographe (introvertie) de portraits et de chiens, vivant à Londres, en Angleterre.