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BLOGUE INVITÉ. Pour concevoir ou améliorer l’expérience client, il importe de bien connaitre le client. Cela semble évident, mais plusieurs entreprises savent peu de choses de l’humain qui achète leurs produits ou leurs services.
Au mieux, les compagnies détiennent des données sociodémographiques : le sexe, l’âge, la région, et le revenu. Si l’on est chanceux, l’historique des interactions est compilé et conservé, incluant les transactions d’achat et de retour. Je dis chanceux parce qu’au Québec, seuls 50% des fournisseurs sont dotés d’un système de gestion de la relation client, communément appelé «CRM».
Comme concepteur ou responsable de l’expérience client, on possède peu d’informations utiles pour penser ou améliorer la prestation de services aux ventes, à la livraison, à l’installation, au soutien et au retour.
Pire, plusieurs basent leurs décisions sur de fausses perceptions, des préjugés, des suppositions, ou des données de qualité douteuse datant d’il y a 10 ans — les clients ont changé! Bien connaitre le client est essentiel, sinon, le risque de travailler sur une mauvaise solution est élevé.
Il faut donc étudier le client sous quatre dimensions: 1. physique, 2. rationnelle, 3. relationnelle et 4. émotionnelle.
La dimension physique comprend bien entendu l’âge et le sexe, mais aussi la nationalité, la culture, parfois le poids, la taille, les maladies, les allergies, les handicaps, ainsi que le lieu et la météo. Certes, toutes ces données ne sont pas toujours requises. Si vous oeuvrez dans le domaine alimentaire ou en restauration, les allergies au gluten, aux noix, au lactose, etc. peuvent être importantes. Si vous êtes dans le domaine vestimentaire, le poids et la taille ont assurément leur utilité.
La dimension rationnelle inclut les principales raisons d’interaction, l’objectif, le degré de connaissance de votre produit ou service, les incompréhensions, les questions fréquemment posées, ainsi que le comportement.
Semblable à un Mini-Wheats, l’objectif du client possède deux faces. La première — représentant le côté nutritif — touche le rationnel. Par exemple, un client peut se procurer un téléphone intelligent pour être connecté en tout temps (courriel, médias sociaux, textos). C’est cartésien, logique, pragmatique.
La deuxième face — représentant le côté givré — véhicule l’émotion. L’achat d’une marque ou d’un modèle de téléphone intelligent peut être motivé par plusieurs raisons: faire partie d’un groupe, exposer son statut social ou technologique, affirmer une idéologie, etc.
Le degré de connaissance est important. Par exemple, si j’étais conseiller en vins à la SAQ, j’adapterais mon vocabulaire selon le client. Les mots pour décrire le vin comme doux, rond, souple, sec, beurré, etc. n’ont pas la même résonance chez une sommelière que chez un client désirant simplement un bon vin pour accompagner une grillade.
La dimension relationnelle concerne les tribus auxquelles un client appartient… ou aimerait appartenir. Qu’est-ce qu’une tribu? C’est un regroupement d’individus partageant un ou plusieurs attributs. Par exemple, les fans de Game of Thrones, les gens habitant la Gaspésie, les parents de jeunes enfants, les marathoniens, etc. Connaitre la ou les tribus d’un client permet d’identifier les codes qui les régissent et d’ajuster l’approche client en conséquence. La famille, les collègues, et les amis des multiples communautés — réelles ou virtuelles — sont aussi des éléments relationnels à considérer.
La dernière dimension — l’émotionnelle — est importante puisque les clients sont humains après tout! Je rappelle que l’expérience client est l’émotion ressentie lors d’une interaction avec une marque, que ce soit en personne, au téléphone, sur le web ou ailleurs. Il est donc important de faire la lumière sur ce volet. Les valeurs personnelles, les motivations, les aspirations, les craintes et les préoccupations, l’attitude et le comportement, l’état émotionnel, le vécu et les attentes sont autant de questions auxquelles il faut trouver réponse.
Comment recueillir ces données?
Plusieurs techniques existent. Lorsqu’on a facilement accès aux clients, on peut les observer, puis les interviewer pour comprendre leur réalité. Les entretiens doivent être réalisés individuellement pour éviter tout effet de polarisation — l’influence de la «grande gueule» — qu’on peut retrouver dans les groupes de discussions. L’enjeu cependant est d’avoir un nombre suffisant de clients pour assurer une validité des données recueillies.
On peut aussi utiliser un sondage. Cela permet de recueillir des données auprès d’un large échantillon de clients. Cette approche permet aussi de sonder les «non-clients», notamment pour connaitre les freins à l’adoption de nos produits.
Afin de gagner en efficacité, je privilégie l’entrevue de tiers, c’est-à-dire d’employés de première ligne qui parlent quotidiennement aux clients. Les conseillers, les agents du service à la clientèle, les techniciens et les installateurs sont des choix naturels.
En les interviewant — encore une fois individuellement —, on obtient un concentré de savoir inégalable. Imaginez parler à une personne qui interagit avec des dizaines, voire des centaines de clients par semaine, depuis des mois, des années. Lorsque vous posez une question, la réponse vient rapidement.
Règle générale, après cinq ou six entretiens, vous serez en mesure de deviner les réponses des participants à vos questions, ce qui confirmera que vous aurez recueilli l’information nécessaire.
La recherche permet d’éviter les biais causés par de fausses perceptions ou une méconnaissance que les entreprises pourraient avoir de leurs clients. En se basant sur des faits, on prévient le design égocentrique — le design fait pour soi — et parfois d’interminables discussions.
Une fois qu’on détient cette masse de données, que fait-on? La réponse courte: on l’analyse, puis on la présente à l’aide de personas. On s’en reparle dans un prochain billet.