Comment optimiser un lieu de travail dans lequel une entreprise vient à peine d’emménager ? Pour être plus précis, comment trouver de la place pour 150 employés de plus quand l’aire ouverte était prévue pour n’en accueillir que 550 ? « Essayez l’approche ABW », avance Martyne St-Germain, chef de projet du Hub Rio Tinto, à Montréal.
Invitée lors de la conférence Gestion des espaces de travail présentée par les Événements Les Affaires, le 30 avril dernier, à Montréal, Mme St-Germain et son collègue Marc-André Labelle, principal Real Estate chez Rio Tinto, sont venus partager les éléments qui ont marqué la transformation du siège social montréalais de l’entreprise. Au cours de la dernière année, ce dernier est un centre mondial de collaboration.
Déménagée depuis 2016 dans la Tour Deloitte, l’entreprise Rio Tinto a dû complètement réaménager les six étages qu’elle occupe pour faire place à l’ajout de nouveaux employés et adopter un mode de bureaux non attitrés. Pour solutionner ce problème, Rio Tinto a misé sur l’approche activity based-working (ABW) ou l’espace de travail par activité.
Des postes pas si occupés que ça
D’abord, des mesures réalisées avec l’aide de capteurs ont démontré que le taux d’utilisation des postes de travail était de 33 %, a indiqué Mme St-Germain. La majorité des employés se retrouvaient régulièrement dans les salles de conférence ou autres espaces collaboratifs.
« Pour mettre en place l’approche ABW, nous avons impliqué les employés dans le processus dès le départ », a raconté Mme St-Germain. Certes, il y a eu des sondages pour connaître l’avis des travailleurs, mais aussi plusieurs drumbeat, soit des rencontres courtes et efficaces quotidiennes pour indiquer aux leaders de chaque département où en étaient les étapes d’aménagement, et recueillir leurs suggestions. Des visites d’entreprises notamment chez Deloitte, Desjardins et Banque Nationale ont également été organisées pour permettre à certains employés d’aller constater sur place les avantages de l’approche ABW.
Autre élément non négligeable qui a favorisé la mobilisation des employés : le chef de la direction de Rio Tinto Aluminium, lui-même, a délaissé son bureau, soit un des rares 10 espaces fermés qui restaient au sein de l’entreprise depuis le déménagement, a tenu à souligner Marc-André Labelle.
Remarquez, le réaménagement s’est fait étape par étape. Un étage à la fois. « Et nous avons pris soin de ne pas compléter chaque étage à 100 % avant d’en commencer un autre. Ce qui nous a permis de pouvoir s’ajuster aux besoins des employés », a mentionné Marc-André Labelle. Un exemple ? L’équipe de réaménagement croyait bien faire en éliminant les bancs munis d’un tiroir. Non seulement ces bancs sont revenus sur les étages, l’entreprise en a ajouté quelques dizaines à divers endroits.
Ne sous-estimez pas le mobilier
« Les entreprises parlent beaucoup d’une meilleure gestion des espaces, mais elles ne doivent pas sous-estimer le mobilier », a indiqué, pour sa part, Jean Barbeau, directeur de la recherche et du développement chez Artopex. Depuis cinq ans, l’entreprise de Granby multiplie les stratégies pour faire connaître ses divers produits conçus exprès pour favoriser les nouveaux espaces collaboratifs. Des chaises et des tables flexibles et ajustables, mais aussi des bulles d’intimité, des murs architecturaux et plusieurs autres produits qui favorisent les réunions formelles et informelles sont présentés au siège social de Granby devenu un laboratoire, a souligné M. Barbeau. L’entreprise dispose également de salles d’exposition à Montréal, Québec, ainsi qu’à Calgary, Toronto, et depuis quelques semaines à New York. Ces mesures de visibilité se sont traduites par une hausse de près de 40 % des ventes de mobilier.
Détectez les menaces pour mieux les désamorcer
« Le cerveau réagit en situation de transformation, notamment lors des réaménagements d’espaces, de l’avènement du télétravail et des bureaux non attitrés. Comme à l’époque de la chasse aux mammouths, il détecte les menaces », a averti Solime Gaboriault, cofondateur de Boostalab, lors d’une séance interactive sur le cerveau.
Selon David Rock, un expert en neuroleadership, le cerveau humain réagit, plus ou moins consciemment, à cinq principales menaces : le statut, la certitude, l’autonomie, les relations et l’équité, a expliqué le conférencier Solime Gaboriault. « Des menaces que peuvent aisément activer les nouvelles gestions des espaces. Et ces cinq menaces, a-t-il ajouté, sont universelles. Elles peuvent être ressenties par n’importe qui, peu importe l’âge et l’origine ethnique des personnes. »
D’où l’intérêt, a-t-il soutenu, que les responsables de projet, y compris les employés qui tentent de convaincre leur direction de pouvoir travailler de la maison, soient en mesure de détecter et de désamorcer les menaces que peuvent ressentir le cerveau des personnes concernées.