Le droit de l’environnement est lui aussi en effervescence. (Photo: 123RF)
GRANDS DU DROIT. L’intelligence artificielle, les efforts de réconciliation avec les Premiers Peuples et la crise climatique poussent à l’avant-scène certains domaines de pratique dans lesquels les avocats sont de plus en plus sollicités. Ce volume alimente la croissance des cabinets.
L’essor de l’intelligence artificielle (IA) soulève plusieurs enjeux dans le domaine du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle (PI). Par exemple, le cœur des nouveaux outils basés sur l’IA que les entreprises élaborent est souvent sous licence open source. « Les entreprises doivent bien maîtriser l’impact de certaines licences open source sur le développement d’un produit privé », prévient Me Vincent Bergeron, associé, avocat et agent de marque au cabinet Robic, spécialisé en PI.
Certaines licences permettent de créer des produits privés, d’autres non. Dans le pire des cas, une entreprise pourrait devoir transformer son outil privé en logiciel libre. « II y a beaucoup d’incompréhension quant à l’impact de la gestion des licences open source sur la valorisation de ces technologies, pour éviter des catastrophes, comme la dévaluation des actifs en raison de risques liés à ces licences », déplore l’avocat.
Par ailleurs, il existe aussi un droit d’auteur sur les jeux de données qui sont utilisés pour entraîner les modèles d’IA, sur les jeux de données modifiés, sur les logiciels propriétaires développés pour le projet, ainsi que sur les résultats à la sortie. Les partenariats doivent donc reposer sur des ententes négociées au préalable et qui règlent les questions de PI et de droit d’auteur.
Les outils d’IA les plus récents posent en outre de nouvelles questions quant au droit d’auteur. ChatGPT peut-il être l’auteur d’une œuvre ? « La position des offices nationaux en matière de PI est généralement qu’il faut un humain dans le processus de création pour déterminer qu’il y a droit d’auteur, répond Me Bergeron. Un algorithme ne peut donc pas être retenu comme auteur. »
Le droit au cœur de la réconciliation
Si le droit autochtone n’est pas nouveau, il a grandement évolué depuis quelques années. « Quand on parle de droit autochtone, les gens pensent souvent à de gros litiges liés, par exemple, à des revendications territoriales, mais cette vision est un peu dépassée », estime Me Caroline Briand, avocate associée chez Langlois Avocats.
Récemment, la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (commission Viens), l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées et la Commission de vérité et réconciliation du Canada ont accru la sensibilité des entreprises et des organismes publics quant à la nature de leurs relations avec les Premiers Peuples.
« Les entreprises et organismes qui mènent des projets sur des territoires occupés ou fréquentés par les peuples autochtones souhaitent d’entrée de jeu discuter et s’entendre avec eux, affirme l’avocate. C’est différent par rapport à il y a une quinzaine d’années. » Le cabinet représente souvent des communautés autochtones dans ce type de négociations, mais aussi parfois des entreprises allochtones ou des organismes publics.
La volonté de s’assurer que les Premiers Peuples reçoivent des retombées positives de ces projets est devenue plus fréquente. L’élan vers la diversité et l’inclusion amène en outre certaines entreprises à mettre sur pied des politiques pour mieux représenter ces peuples dans leurs équipes de travail ou leur gouvernance. « Quand des entreprises allochtones me parlent de cela, c’est de la musique à mes oreilles, confie l’avocate. Ça fait partie de la réconciliation. »
Développer l’économie verte
Le droit de l’environnement est lui aussi en effervescence. « Les exigences gouvernementales augmentent, ce qui pose des défis de conformité aux entreprises, note Me Karine Boies, avocate associée chez Cain Lamarre. Le plus intéressant, toutefois, c’est de constater que plusieurs entreprises voient également la montée de l’économie verte et de l’économie circulaire comme des occasions d’affaires. »
Cain Lamarre désire agir comme un moteur dans le développement de cette nouvelle économie. Me Boies et quelques-uns de ses collègues portent d’ailleurs un projet au Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC), en collaboration avec des chercheurs universitaires et des entreprises.
« Le secteur de la construction produit une grande quantité de déchets et certaines entreprises souhaitent réutiliser des matériaux, mais se heurtent à des lois et des règlements mal adaptés à cela, explique l’avocate. Nous tentons de trouver des solutions légales à ce problème, que nous pourrons par la suite recommander au gouvernement. »
L’environnement n’est donc plus perçu comme un élément qui peut ralentir, bloquer ou compliquer des projets, mais comme un pan de l’économie à explorer. Les avocats agissent donc de plus en plus comme conseillers stratégiques et non comme simple ressource légale. « On veut aider à construire des projets d’économie verte qui créent de la valeur », conclut Me Boies.