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Dis moi ce qui te manque, je te dirai quel confiné tu es

AFP|Publié le 24 avril 2020

Dis moi ce qui te manque, je te dirai quel confiné tu es

(Photo: 123RF)

Au gré des superstitions ou des tendances au retour à la terre et aux fourneaux, les magasins du monde se vident différemment. Bières, gousses d’ail ou outils de jardinage: les pénuries racontent comment s’occupent les millions d’êtres humains confinés et comment tournent leurs sociétés.

La palme de la rumeur la plus cocasse revient sans doute à l’Afghanistan, où le prix du thé noir a triplé pendant quelques jours du fait d’une rumeur sur ses vertus curatives impliquant un bébé à moustache et une prédiction non homologuée par les médecins.

«Je suis venu vous dire que le thé noir soigne la COVID-19», voilà en substance ce que racontait ce bébé moustachu, telle que la rumeur a couru sur Facebook sur fond de superstitions tenaces dans le pays.

Si, en Afghanistan, on boit du thé, au Mexique, on ne renoncerait pour rien au monde à sa bière.

Quand début avril, les deux géants nationaux –Heineken et Grupo Modelo qui produit la «Corona»– ont cessé de brasser, les aficionados se sont rués sur les packs en vente et les internautes sur leurs claviers. #ConLaCervezaNo, «La bière on n’y touche pas», ont-ils tweeté par milliers.

Le Sri Lanka, lui, a interdit alcool et cigarettes pendant le confinement.

Depuis le 20 mars, c’est donc le sucre qui est introuvable, parce qu’il a été raflé par des chimistes en herbe ayant transformé leur arrière-cuisine en atelier de distillerie de «kasippu», l’alcool local. Avec de juteux revenus à la clé.

«La demande est telle que l’alcool se vend quatre fois son prix normal», a expliqué à l’AFP un responsable de la police.

 

Snacks ou remèdes de grand-mères

Si dans certains pays c’est la boisson qui manque, ailleurs, ce sont les petits à-côtés qui ont tous été avalés.

En Irak, les graines de tournesol aux coques salées et grillées qui croquent sous la dent sont de plus en plus difficiles à dénicher.

Mais l’alcool, indispensable compagnon des graines de tournesol et autres cacahuètes, lui, est toujours disponible dans les magasins qui entrouvrent un peu leurs rideaux de fer pour satisfaire leurs clients fidèles –en espérant qu’aucun policier ne passera par là.

Les stocks d’alcool –médical celui-là– et de gel hydroalcoolique eux en revanche ont fondu uniformément sur l’ensemble du globe.

Alors, de Sofia à Tunis, en passant par Bucarest et Caracas, les décoctions et autres potions de grand-mères ont fait grimper les prix de l’ail, du citron, du gingembre et autres épices censées être LE remède miracle à la COVID-19.

Les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale se sont elles ruées sur la «harmala», une plante également utilisée dans la ville sainte chiite irakienne de Najaf, dont les fumigations passent pour protéger les foyers et éloigner les maladies.

Pour chacun de ses ingrédients pourtant, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est formelle: aucun effet bénéfique n’est prouvé.

 

Comment faire ses devoirs?

À Tripoli, la capitale de la Libye en guerre, ni l’ail ni le gingembre ne manquent. En revanche, Nadia al-Abed donnerait tout pour des cahiers et des stylos.

Obligée de faire l’école à la maison comme des millions de parents à travers le monde, elle ne sait plus sur quoi faire écrire ses trois jeunes enfants.

«Nous avons utilisé tout le papier de l’imprimante et épuisé tous les agendas de bureau que mon mari n’avait pas remplis», raconte-t-elle à l’AFP. Et pourtant, «je les ai suppliés d’écrire tout petit et je leur ai même promis des bonbons!».

Lire, écrire ou résoudre des problèmes, c’est une option; mais en Europe, beaucoup ont préféré une école différente: celle des chefs pâtissiers.

Cherchez en France, en Espagne ou en Grèce, vous trouverez difficilement farine et levure dans les supermarchés. Reste bien sûr l’option du boulanger, qui vous vendra –plus cher– ces poudres blanches si précieuses en ces temps de confinement.

 

Dealers de levure ou de couscous

En Roumanie, les internautes s’en donnent à coeur joie sur les «dealers de levure» qui amassent des fortunes sur le marché noir des gâteaux et autres viennoiseries avec des parodies d’annonce proposant «un appartement en centre-ville contre 500 grammes de levure».

Au Maghreb, c’est une autre poudre, dorée celle-là, qui est reine: le couscous à base de semoule, particulièrement prisé lors du mois de jeûne du ramadan avec ses dîners gargantuesques, vaut désormais son pesant d’or ou presque.

«Il faut un sérieux coup de piston pour obtenir des quotas de semoule régulièrement», confie à l’AFP le propriétaire d’une supérette d’Alger. «Les petites quantités qui me sont livrées au compte-gouttes, je les réserve à mes clients habituels».

Et si partout c’est la cuisine qui engloutit les stocks, en Australie et en Nouvelle-Zélande, où le nombre d’espaces verts par habitant est l’un des plus élevé au monde, c’est dans le jardin qu’on tente de mettre à profit son confinement.

«Toutes nos plantes ont connu une hausse de leur popularité ce mois-ci», témoigne Alex Newman, de la section jardinage de l’enseigne Bunnings. «La demande de semis et de graines est énorme et nous tentons de réapprovisionner nos stocks avec nos fournisseurs», dit-il à l’AFP.