Des erreurs coûteuses à court terme, mais payantes à long terme
Philippe Leblanc|Édition de la mi‑mars 2023La majorité des investisseurs se souviennent vivement de leurs décisions gagnantes, mais ils ont tendance à oublier leurs erreurs. (Photo: Adam Nowakowski pour Unsplash)
EXPERT INVITÉ. Un investisseur ne peut pas avoir raison à tout coup. Même Warren Buffett, que je considère comme le plus grand investisseur de l’ère moderne, a commis des fautes coûteuses.
Je pense notamment à sa décision d’investir dans l’industrie du transport aérien il y a quelques années, en prenant position dans la plupart des grandes sociétés américaines du secteur. Il a revendu tous ces placements quelque temps plus tard, lorsque la pandémie s’est déclarée, encaissant de bonnes pertes.
J’ai toujours cru que, pour réussir à la Bourse, il «suffisait»d’avoir un peu plus souvent raison que tort pendant de nombreuses années. Warren Buffett a commis des erreurs, certes, mais moins que la plupart des investisseurs.
Un autre objectif serait de ne pas tout perdre lorsqu’on a tort, ce qu’on peut réaliser d’au moins trois façons:1.en évitant l’effet de levier de la marge pour investir; 2.en diversifiant bien son portefeuille parmi des titres de sociétés de qualité présentes dans diverses industries et 3.en s’assurant de ne pas payer trop cher chacun de ses titres.
Apprendre de ses erreurs
Une autre façon de réduire ses erreurs avec le temps est de tenter d’apprendre de celles-ci. Commettre des erreurs est certainement la façon la plus efficace d’apprendre, à condition, bien sûr, de les accepter, puis de les étudier.
Je préconise de documenter ses décisions d’investissement, tant les achats que les ventes de titres, au moment où on les exécute. Quels sont les motifs qui sous-tendent votre décision ? En décrivant clairement et brièvement votre démarche, vous pourrez subséquemment analyser une décision qui a mal «tourné»et espérer comprendre les erreurs que vous avez commises.
La majorité des investisseurs se souviennent vivement de leurs décisions gagnantes (peut-être les embellissent-ils même quelque peu avec les années), mais ils ont tendance à oublier leurs erreurs. C’est un réflexe normal d’autoprotection. En documentant vos décisions en temps réel, il devient plus difficile de déformer la réalité.
Je ne suis certainement pas à l’abri des erreurs, loin de là ! La première (et c’est plus une série d’erreurs qu’une en particulier) s’est produite à la fin des années 1990. À cette époque de spéculation assez débridée entourant les titres technologiques, mais aussi la majorité des sociétés de croissance, nous avions beaucoup de difficulté à dénicher des titres de qualité à bon prix. Nous nous sommes donc tournés vers des titres dont l’évaluation paraissait peu chère. Le hic est qu’il s’agissait pour la plupart de sociétés de piètre qualité.
Il nous aura fallu bien du temps (et des pertes non négligeables) avant de réaliser à la dure ce que bien d’autres investisseurs avaient compris avant nous, dont Warren Buffett, qui a dit ceci:«Il vaut mieux payer un prix ordinaire pour une société extraordinaire qu’un prix extraordinaire pour une société ordinaire.»
Une autre erreur coûteuse a été de ne pas conserver certains titres de grande qualité dans nos portefeuilles parce que nous les jugions trop chers. Les années m’ont appris que les sociétés de grande qualité sont très rares — c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles méritent généralement des évaluations élevées ! Si l’on vend systématiquement ces titres, il y a peu de chances qu’on obtienne ces fameux titres qui ont le potentiel de voir leur valeur multipliée par dix (les «10-baggers») et plus durant son parcours d’investisseur. C’est ce qui m’a enseigné la nécessité d’une patience à deux vitesses en Bourse:être très patient avec les titres de sociétés de grande qualité et être impatient envers celles qui se révèlent de qualité douteuse.
Et vous, quelles sont les erreurs qui vous ont le plus appris en Bourse?