(Photo: 123RF)
Le vaccin russe Spoutnik V est efficace contre la COVID-19, selon de très bons résultats publiés mardi par la revue médicale The Lancet, salués comme un triomphe à Moscou et qui posent la question de son utilisation en Europe.
Selon l’étude publiée par The Lancet et validée par des experts indépendants, le Spoutnik V est efficace à 91,6 % contre les formes symptomatiques de la COVID-19.
Son développement « a été critiqué pour sa précipitation, le fait qu’il ait brûlé des étapes et une absence de transparence. Mais les résultats rapportés ici sont clairs et le principe scientifique de cette vaccination est démontré », ont estimé les professeurs britanniques, Ian Jones et Polly Roy, dans un commentaire joint aux résultats.
Ces premiers résultats vérifiés d’efficacité corroborent les affirmations initiales de la Russie, d’abord accueillies avec une grande méfiance à l’automne par la communauté scientifique internationale.
Ils semblent classer à ce stade le Spoutnik V parmi les vaccins les plus performants, avec ceux du duo américano-allemand Pfizer/BioNTech et de l’américain Moderna (autour de 95 %), qui utilisent pourtant une technologie différente (l’ARN messager).
Un succès scientifique et politique pour le Kremlin, qui voyait dans ce vaccin au nom hautement symbolique l’excellence d’une Russie vilipendée par l’Occident, et qui avait commencé dès décembre 2020 la vaccination de sa population.
« Échec et Mat »
Avec la publication du Lancet, « c’est une grande victoire non seulement pour la Russie, mais pour le monde entier », s’est enflammé mardi Kirill Dmitriev, patron du Fond souverain russe qui a assuré son développement.
« C’est à notre avis le meilleur vaccin du monde, au niveau efficacité, sécurité, prix et logistique (…) il est abordable et peut être stocké entre +2 et +8 degrés Celsius », a-t-il indiqué. Pour lui, l’article du Lancet « est un échec et mat » contre toutes les critiques.
Alors que Moscou affiche sa volonté de le distribuer largement, le Spoutnik V a été homologué dans seize pays (ex-républiques soviétiques, alliés comme le Venezuela et l’Iran, mais aussi Corée du Sud, Argentine, Algérie, Tunisie ou Pakistan).
Le Fonds souverain russe a par ailleurs annoncé le 20 janvier avoir entamé la procédure d’homologation auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA). La Hongrie de Viktor Orban a déjà donné son feu vert, séparément.
Pour autant, le Spoutnik V n’est pas inclus dans les contrats de précommande signés par la Commission européenne, qui négocie au nom des Vingt-Sept.
Production dans l’UE
« Parmi les critères de sélection », le fabricant du vaccin « doit avoir une capacité de production dans l’UE: le but est de s’assurer qu’on peut passer à des livraisons rapides le jour où le vaccin reçoit le feu vert de l’EMA », a souligné mardi un porte-parole de la Commission.
Un problème épineux pour le Spoutnik V, aux capacités de production déjà sous pression en Russie.
Selon Kirill Dmitriev, un partenariat pourrait être envisagé avec d’autres laboratoires. La chancelière Angela Merkel a, elle, proposé une aide allemande pour une éventuelle « production commune ».
Les résultats dévoilés par le Lancet émanent de l’équipe qui a élaboré le vaccin puis mené les essais, avant d’être soumis à d’autres scientifiques indépendants pour publication.
Ils proviennent du dernier stade des essais cliniques, la phase 3, qui porte sur près de 20 000 participants. Entre septembre et novembre, ils ont tous reçu deux doses de vaccin ou de placebo, à trois semaines d’intervalle.
Néanmoins, dans la mesure où des tests PCR n’ont été réalisés « que quand les participants ont déclaré être atteints de symptômes de la Covid », l’analyse de l’efficacité ne porte « que sur les cas symptomatiques ».
En se basant sur quelque 2 000 cas de personnes de plus de 60 ans, l’étude juge que le vaccin semble efficace dans cette classe d’âge. Enfin, des données partielles semblent montrer qu’il protège extrêmement bien contre les formes modérées à sévères de la maladie.
Le Spoutnik V russe est un vaccin « à vecteur viral »: on prend pour base d’autres virus, rendus inoffensifs et adaptés pour combattre la COVID-19.
C’est également la technique utilisée par le vaccin d’AstraZeneca/Oxford, efficace à 60 % selon l’EMA.
Mais alors que le vaccin d’AstraZeneca est basé sur un unique adénovirus de chimpanzé, le Spoutnik V russe utilise deux adénovirus humains différents pour chacune des deux injections dans le but, selon ses concepteurs, de provoquer une meilleure réponse immunitaire.