(Photo: 123RF)
En charge des stocks dans un supermarché Walmart près de Chicago, Wando Evans a succombé de la COVID-19 le 25 mars à l’âge de 51 ans. Affirmant qu’il a été contaminé sur le lieu de travail, sa famille a porté plainte une dizaine de jours plus tard contre l’enseigne pour «négligence».
Deux jours avant son décès, M. Evans avait fait part de ses symptômes à son supérieur, lequel l’avait ensuite renvoyé chez lui.
L’un de ses collègues, Phillip Thomas, 48 ans, est également mort de la COVID-19 le 29 mars, d’après la plainte de la famille Evans, qui accuse Walmart de ne pas avoir suffisamment nettoyé et désinfecté le magasin, ni fait respecter la distanciation sociale et distribué des masques et des gants aux employés.
«S’il est difficile de déterminer où et comment quelqu’un a contracté le virus, nous avons (depuis) pris des mesures à travers le pays pour protéger nos employés et clients», répond un porte-parole de Walmart, égrenant une liste comprenant la prise de température des employés, des écrans de plexiglas aux caisses et le marquage au sol.
Pluie de plaintes?
Première action judiciaire contre un employeur pour exposition supposée au Covid-19, le recours de la famille Evans a refroidi de nombreuses entreprises, qui pressent désormais l’administration Trump et le Congrès de limiter leur responsabilité pénale au moment où des États relancent l’activité économique dans l’espoir de stabiliser la flambée du chômage.
Les employeurs veulent «avoir des conseils sur la façon de se protéger au cas où un employé tomberait malade», raconte l’avocate Lindsay Burke, dont le cabinet Covington & Burling est sollicité par des sociétés partagées entre la volonté d’un retour à la normale et la peur des poursuites.
«Nous leur conseillons de reprendre leurs opérations sur site sur la base du volontariat et de façon progressive en mettant en place de nouveaux protocoles de santé et d’hygiène», ajoute Me Burke.
Outre des plaintes pour «négligence», les entreprises redoutent un afflux de recours pour discrimination venant d’employés âgés, de salariés vulnérables, dont ils retarderaient le retour au bureau.
«Il serait judicieux d’exempter les entreprises qui appliquent les consignes» sanitaires fédérales ou locales, «notamment si leurs actions ne relèvent pas de la grosse négligence, de l’imprudence ou de la faute délibérée», plaide la Chambre de commerce.
Cette protection juridique serait temporaire, insiste Linda Kelly, directrice juridique de la National association of Manufacturers, le groupe de pression des manufacturiers.
Elle «devrait disparaître petit à petit après la fin de l’état d’urgence» sanitaire, avance Mme Kelly, tout en soulignant que les lois actuelles sont en décalage avec l’environnement sans précédent causé par la pandémie.
«Se défiler»
Les entreprises font par exemple remarquer que la législation veut que l’employeur garde confidentielle toute information médicale d’un employé, ce qui se heurte à la nécessité d’informer sur des cas positifs de COVID-19 diagnostiqués en interne afin de garantir la sécurité des autres salariés.
Ces arguments sont jugés convaincants par l’administration Trump et le chef de file de la majorité républicaine au Sénat, qui jugent « urgent » de limiter la responsabilité pénale des entreprises, ce qui promet une bataille avec les démocrates désireux de renforcer davantage les droits des salariés.
«Les avocats procéduriers sont déjà en train de tailler leurs crayons pour aller après les groupes de santé et les entreprises au prétexte que leur décision de reprendre l’activité a affecté négativement la santé de quelqu’un», a déclaré le 27 avril le sénateur républicain Mitch McConnell sur la radio Fox.
«C’est absolument scandaleux que les employeurs et les entreprises essaient de se défiler devant leur responsabilité légale alors qu’ils refusent de fournir des équipements de protection et des jours de congés maladie à leurs employés», fustige Mary Kay Henry, présidente du syndicat Service Employees International Union (SEIU).
Pour la professeure de droit Angela Cornell, les entreprises devraient simplement mettre en place de «bonnes pratiques» pour éviter les poursuites pénales et les mauvais élèves doivent être sanctionnés.
«Il n’y a pas de risque pour les entreprises qui appliquent la distanciation sociale; fournissent des masques à leurs employés; nettoient et désinfectent les bureaux; ont en place des procédures pour les employés contaminés; prennent en compte les vulnérabilités des employés», estime cette enseignante à l’université Cornell à New York.
Il n’est pas certain que des plaintes aboutissent à des procès car la loi américaine préconise qu’un différend portant sur une maladie ou un accident survenu sur le lieu du travail soit réglé hors des tribunaux, sauf s’il y a eu négligence ou faute délibérée de l’employeur.