(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Tandis qu’un grand nombre de personnes au Canada, aux États-Unis et en Europe se réfugient dans le confort de leur foyer pour ralentir la transmission du nouveau coronavirus, les personnes en situation d’itinérance et celles qui sont logées dans la précarité restent particulièrement vulnérables à la propagation de la COVID-19.
En moyenne, Montréal compte par nuit entre 3 000 et 5 000 personnes en situation d’itinérance, ce qui est assez peu par rapport aux normes métropolitaines nord-américaines. En 2019, Néanmoins, Sam Watts, PDG de la Mission Bon Accueil, craint que l’information et les instructions concernant le nouveau coronavirus ne tiennent pas suffisamment compte des salariés précaires et des personnes sans domicile fixe, dont beaucoup sont immunodéprimées.
«Nous ne devrions pas seulement être concernés pour notre propre sécurité et celle de notre famille, aussi important cela soit-il, dit M. Watts. Il s’agit aussi de nous demander ce que nous faisons pour les personnes les plus vulnérables de notre société.»
En début de semaine, le premier ministre Legault a signalé que la transmission du virus devenait de plus en plus communautaire. D’après une analyse des 337 premiers cas signalés au gouvernement canadien, 20 % d’entre eux seraient issus d’une contamination communautaire, soit une contamination qui n’est pas liée au voyage ou à la fréquentation d’une personne revenant d’un voyage.
Les refuges et autres établissements offrant des services aux Montréalais vivant dans la précarité ont ajusté leurs prestations pour tenter de limiter la propagation du virus. La Mission Bon Accueil maintient ses services d’hébergement d’urgence au refuge Macaulay et les individus qui font usage du refuge d’urgence situé dans l’hôpital Royal Victoria seront transférés vers d’autres sites, pour que l’hôpital puisse devenir une cellule d’isolation pour les personnes en situation d’itinérance qui présentent des symptômes et qui attendent les résultats d’un test de dépistage. D’autres services importants, mais non urgents, comme la clinique dentaire et la boutique de vêtements de la Mission, sont temporairement suspendus.
La Mission Bon Accueil a également interrompu le fonctionnement de son épicerie, le Marché Bon Accueil, pendant une semaine afin d’établir un modèle de livraison plus sécuritaire. Habituellement, le Marché dessert plusieurs milliers de Montréalais chaque année, mais M. Watts et son équipe ont jugé que la proximité des clients et des bénévoles n’était pas viable pendant une pandémie mondiale.
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«Tout le monde était coude à coude pour faire ses courses et choisir ses produits, explique M. Watts. Nous avions des bénévoles qui étaient en première ligne. C’est un environnement dans lequel nous sentions que, sur la base des informations que nous obtenions des autorités sanitaires, nous ne pouvions pas continuer à fonctionner comme nous le faisons normalement.»
M. Watts et son équipe ont rouvert le Marché au public le 24 mars avec de nouvelles mesures qui réduiront le contact physique entre les clients et l’équipe de la Mission. Le modèle temporaire sera moins centré sur le bénévolat et verra le personnel de première ligne distribuer des paquets de nourriture préfabriqués à ceux qui en ont besoin, au lieu d’imiter une expérience d’épicerie où les clients parcourent librement les rayons. Les distributions auront seulement lieu à l’une des deux succursales du Marché afin de réduire le risque de contamination.
Les services destinés aux personnes en situation d’itinérance et aux personnes en situation financière précaire à travers Montréal sont en contact régulier. Comme ceux-ci orientent fréquemment leurs clients vers différents établissements, M. Watts estime qu’il est essentiel que les services ayant des domaines d’intervention distincts communiquent sur les mesures qu’ils prennent pour lutter contre la propagation de la COVID-19.
«Il est important que ceux d’entre nous qui sont sur le terrain travaillent ensemble et que nous sachions tous ce que font les autres, dit M. Watts.»
Fournir des services aux personnes en situation d’itinérance et de précarité financière à Montréal s’avère particulièrement éprouvant pour la Mission Bon Accueil pendant la pandémie mondiale. La combinaison de la fin de la saison hivernale et des mesures de prévention sanitaire nécessaires pour limiter la propagation de la COVID-19 rend l’environnement de travail de la Mission éprouvant pour le personnel qui y travaille à temps plein et les bénévoles.
«Nous sommes à la fin de la saison d’hiver, et nous devons donc faire face à l’attrition et à la maladie des employés et à toutes les choses normales que nous verrons avec notre cohorte régulière d’employés, dit M. Watts. Et puis nous devons ajouter le fait que nous devons faire du travail supplémentaire pour nous assurer que nos locaux restent propres et désinfectés, ce qui met une pression supplémentaire sur nos installations.»
M. Watts se méfie également de l’effet à long terme que le nouveau coronavirus pourrait avoir sur les opérations de la Mission Bon Accueil. Alors que le risque de récession est imminent, il est probable que la demande pour les services offerts par la Mission augmentera également. Un ralentissement de l’économie nationale et mondiale pourrait également avoir de graves répercussions sur les revenus de la Mission, qui dépend largement de ses donateurs.
«Nous devons nous appuyer sur tous nos partenaires car nous ne sommes pas seuls dans ce combat, déclare M. Watts. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de la Santé et des Services sociaux de la province de Québec et avec la ville de Montréal. Nous comptons sur eux pour nous apporter le soutien nécessaire à la poursuite de nos activités.»
L’évolution rapide des réponses à la COVID-19 au Canada et dans le monde entier a également permis à M. Watts de se développer en tant que dirigeant. Durant cette période d’incertitude, il a trouvé important d’être agile dans sa communication avec son personnel et ses clients en cette période d’incertitude.
«Je pense que diriger en temps de crise consiste en partie à admettre que dans ce genre de situation, tout plan que l’on élabore doit être modifié, et dans certains cas de manière assez radicale, a déclaré M. Watts. Il y a une semaine, nous étions très pointilleux sur les protocoles de lavage et de nettoyage des mains et personne ne parlait de quarantaine ou de fermeture de nos frontières. L’une des principales leçons à tirer pour un cadre supérieur est de reconnaître que parfois, lorsque les plans évoluent, il faut communiquer encore plus rapidement.»
Lien vers le balado (en anglais seulement)
Le présent article est une transcription condensée et modifiée d’une entrevue animée par Karl Moore, professeur agrégé à l’Université McGill, dans le cadre de l’émission The CEO Series, présentée sur les ondes de CJAD et produite par Marie Labrosse, étudiante à la maîtrise en langue et littérature anglaises à l’Université McGill. L’entrevue intégrale fait partie de la plus récente saison de The CEO Series et est disponible en baladodiffusion. Léo Gelfand est un étudiant dans le programme BComm à McGill.