Contrats publics : stopper les entreprises délinquantes
Événements Les Affaires|Publié le 25 mars 2019À partir du 25 janvier, les entreprises désireuses de faire affaire avec les ministères et les organismes publics devront montrer patte blanche à l’Autorité des marchés publics (AMP). Denis Gallant, qui s’est fait connaître comme procureur en chef adjoint de la commission Charbonneau puis comme inspecteur général de la Ville de Montréal, en est le premier président-directeur général. Il participera à la conférence Contrats publics, présentée le 10 juin à Montréal par les Événements Les Affaires.
Quel est le rôle principal de l’AMP ?
Denis Gallant : L’AMP a été créée pour faire suite à la recommandation principale de la commission Charbonneau et elle a un rôle de surveillance des contrats publics. On récupère de l’Autorité des marchés financiers le processus d’autorisation des entreprises qui traitent avec l’État. On reprend aussi le Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA), géré par le Conseil du Trésor. Les entreprises qui se retrouvent sur cette liste ne peuvent même pas faire un contrat de 50 cennes avec le gouvernement! De plus, on va surveiller l’attribution des contrats publics pour s’assurer que les donneurs d’ouvrages respectent le cadre normatif.
Justement, c’est cet aspect de surveillance des contrats qui est nouveau ?
D.G. : Entre autres, oui. J’ai une équipe qui fera une veille des pratiques contractuelles et qui apportera de l’eau au moulin. Si on constate des irrégularités ou qu’on reçoit une plainte, on pourra mener une vérification auprès de l’organisme concerné et exiger qu’il nous transmette des renseignements et des documents. On a le pouvoir d’annuler des appels d’offres et de résilier des contrats. Mais comme l’AMP est une entité provinciale, on a un pouvoir coercitif seulement sur les ministères et organismes du gouvernement du Québec. Pour les organismes municipaux, on fera des recommandations. Il y aura quand même une certaine pression pour que les municipalités y donnent suite, car nos rapports seront publics.
Vous pouvez aussi examiner la gestion contractuelle d’un organisme sur une longue période ?
D.G. : Si on constate des manquements à répétition, oui. On va commencer par le ministère des Transports parce qu’il est désigné dans la Loi à cet effet. On a alors des pouvoirs de commissaires-enquêteurs. Par exemple, on peut demander d’approuver la composition des comités de sélection, déléguer un observateur au sein de ces comités ou encore convoquer certaines personnes.
Quelle nouveauté concerne les contrats de gré à gré ?
D.G. : Il faut maintenant publier un avis dans le Système électronique d’appels d’offres (SEAO) pour annoncer son intention d’attribuer un contrat de gré à gré. Si une entreprise pense être en mesure de faire le contrat, elle peut manifester son intérêt et le donneur d’ouvrage doit alors aller en appel d’offres.
Comment fonctionnera le système de traitement des plaintes ?
D.G. : Par exemple, si une entreprise considère qu’elle est lésée parce que les conditions d’un appel d’offres sont trop restrictives et l’empêchent de faire une soumission, elle pourra porter plainte au donneur d’ouvrage. Si elle est insatisfaite de la réponse, elle pourra ensuite s’adresser à l’AMP. Pour ne pas bloquer les appels d’offres, les délais à respecter seront très courts. Le mécanisme de plaintes sera standardisé et s’appliquera à tous les organismes publics, y compris les municipalités. Tout se fera par Internet. Ce sera en vigueur à partir du 25 mai.
Qu’en est-il de la ligne de dénonciation ?
D.G. : C’est une ligne qui permettra aux gens de nous communiquer des renseignements sur des pratiques non conformes. Par exemple, un hôpital qui fractionne les contrats pour éviter de faire des appels d’offres. Pour protéger les lanceurs d’alerte, leur anonymat sera préservé.
Quelle sera votre priorité pour commencer ?
D.G. : Le 28 janvier, quand on prendra le relais en matière d’autorisation des entreprises, je veux que tout fonctionne, qu’il n’y ait pas d’interruption de service. De façon plus générale, je veux m’assurer qu’il n’y ait pas d’entreprises délinquantes qui passent au travers des mailles du filet. Et que seules les entreprises intègres puissent passer des contrats avec l’État.
Ré-édition de l’article initialement publié le 12 novembre 2018.