(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. J’ai beaucoup hésité avant de choisir le titre de ma chronique de cette semaine. Le sujet, hautement sensible des conditions de vie en CHSLD, est devenu en quelques semaines, une priorité absolue.
C’est en discutant avec mon partenaire des premières heures, Michel Jodoin, qu’est venu mon inspiration pour ma chronique de cette semaine.
Il me racontait que sa Maître de Chai, Laurence, lui avait dit que les CHSLD devraient être soumis aux mêmes règlementations et normes que celles de l’industrie alimentaire.
En effet, les règlementations que doivent suivre, à la lettre, les entreprises agro-alimentaires afin de conserver leur droit de pratique, sont d’une complexité et d’une sévérité rares. Dieu merci, ces normes permettent au client final, nous, que le produit que l’on s’apprête à déguster est préparé en toute sécurité.
Producteurs laitiers, affineurs de fromage, maîtres brasseurs, transformateurs de canneberges, cidriculteurs ou abattoirs, tous doivent respecter un cahier des charges bien détaillé.
Tristement, la crise de la COVID-19 a mis la loupe sur la plus grande faiblesse de notre système de santé, soit les centres d’hébergement de soins de santé de longue durée. Des milliers de morts, des employés qui désertent littéralement leur emploi, des conditions de vie effroyables… les pensionnaires de certains de ces établissements, et ma phrase sera lourde de sens, y sont moins bien traités que les animaux qui finissent dans notre assiette.
L’idée de Laurence est donc excellente. Pourquoi ne pas créer une nouvelle norme «ISO-CHSLD» qui viendrait remplacer tout processus de vérification antérieurement en place? Car on va se le dire, durant la pandémie, certains processus ont totalement failli à leur mission.
Tristement, pour ceux qui connaissent un peu le réseau de la santé ou qui suivent les informations assidument, cette hécatombe était prévisible. Depuis une bonne vingtaine d’années, pas une semaine ne passe sans que l’on entende une histoire d’horreur de couche souillée depuis plusieurs jours, de pensionnaire gavé à la purée, ou de bain soit d’eau bouillante, soit trop rare.
La vérité fait mal à lire, mais elle doit être connue. Il est totalement inacceptable que ne serait-ce qu’un seul de nos aînés soit moins bien traité qu’un porc à l’abattoir.
Plusieurs d’entre nous avions appris lors de cette crise que certains CHSLD étaient gérés par des entreprises privées. Loin de moi l’idée de les mettre tous dans le même panier. Cependant, nous avons pu nous apercevoir l’incompétence crasse, voire même le manque d’humanité que les dirigeants de certains établissements démontrent face à leur «clientèle».
Nos aînés sont importants pour notre société. Ils ne prennent pas de selfies sur les plages de Punta Cana, ne font pas partie des émissions de télé-réalité ou ne sont plus «rentables» pour le mode de consommation dans lequel on vit. Cependant, ils ont bâti le Québec d’aujourd’hui afin que nous ayons le privilège d’avoir une meilleure vie qu’eux.
Quand je pense au métro de Montréal, aux grands barrages d’Hydro-Québec, à Expo 67, aux différentes luttes pour protéger la culture québécoise, la langue française et autres sujets chers à notre société distincte, je ne peux qu’avoir une pensée pour nos aînés.
Savez-vous que ce n’est que depuis 1988, au Québec, que l’avortement n’est plus un crime? Que c’est en 1940 que les Québécoises ont finalement obtenu le droit de vote ou qu’il a fallu attendre 1969 avant que le simple fait d’être homosexuel soit retiré du code criminel? Bien qu’il faille malheureusement encore se battre pour faire valoir certains de ces droits, il faut remercier nos aînés pour tous ces progrès.
Nous vivons dans une société qui n’est pas parfaite, mais qui est à des année lumière de celle dans laquelle nos grands-parents et parents vivaient. Nous la prenons pour acquis car nous n’avons pas dû nous battre pour ce qui est, aujourd’hui à nos yeux, normal.
Au cours des dernières années, nous suivons les pas de nos aînés et revendiquons haut et fort les changements que nous voulons, à notre tour, pour notre société. Les mouvements Idle no more, Black Lives Matter et les manifestations monstres pour l’environnement sont en quelque sorte la suite des luttes de celles de nos aînés.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, ils méritent respect, dignité, sécurité et confort. Un célèbre proverbe Africain dit «qu’il faut un village pour élever un enfant». Et si nous empruntions l’esprit de cette formule afin que l’on puisse dire dans quelques années qu’au Québec «qu’il a fallu toute une province pour sécuriser nos aînés.»
Nous avons tous collectivement le pouvoir de faire changer les choses. Nous pouvons exiger du Gouvernement qu’une nouvelle norme soit obligatoire dans les CHSLD de la province. Un nouveau cahier des charges plus exigeant, un meilleur «recrutement» des entrepreneurs/ gestionnaires, un minimum de deux visites annuelles surprises d’inspecteurs, un audit complet aux 24-36 mois, une ligne confidentielle pour dénonciation, un ombudsman puissant pour s’assurer des droits des pensionnaires, une salubrité exemplaire, un environnement de vie sain, calme et sécuritaire. De la formation continue pour les employés de tous les départements et mille et autres idées.
Cette discussion avec Michel m’a ouvert les yeux sur l’ampleur de la tâche. Ça va être complexe, il y aura des détracteurs et ça va coûter cher. Cependant, comme dirait ma mère, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.