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Chaîne de blocs et cryptomonnaie: une industrie trop énergivore?

Événements Les Affaires|Publié le 31 janvier 2019

Chaîne de blocs et cryptomonnaie: une industrie trop énergivore?

L’hiver québécois et le coût relativement bas de l’électricité font du Québec un emplacement de choix pour l’industrie du minage de cryptomonnaie appliqué aux chaînes de blocs. Hydro-Québec a d’ailleurs reçu plusieurs demandes d’entreprises désireuses de se brancher à son réseau. Comment se positionner face à une industrie aussi énergivore ? C’est l’un des sujets qui était au programme du Sommet Énergie, présenté par les Événements Les Affaires le 29 janvier dernier.

Comme la demande en électricité de ces nouveaux joueurs risque de dépasser sa capacité de production, Hydro-Québec souhaite leur imposer des tarifs plus élevés. Une mesure qui va à l’encontre de la mission de service public d’Hydro-Québec, selon Sylvain M. Audette, professeur et membre associé de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal.

« L’électricité est un service public et elle doit être vendue à un tarif juste et raisonnable », a-t-il soutenu.

De son côté, André Turmel, avocat associé chez Fasken, s’est fait le porte-parole de sa cliente, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui est en faveur d’un tarif particulier à l’industrie du minage de cryptomonnaie. « Il y a un an, Hydro-Québec était débordée par les demandes de minage. La FCEI est prodéveloppement, mais de manière mesurée. C’est pour diminuer le risque que nous avons plaidé pour l’instauration d’un tarif spécifique. »

Me Turmel est cependant d’avis que le souhait d’Hydro-Québec d’augmenter son tarif actuel d’au moins un cent le kilowattheure pour les mineurs de cryptomonnaies est exagéré.

« Il faut faire attention avec les hausses de tarifs, a averti Sylvain M. Audette. Les tarifs du Québec sont compétitifs, mais pas tant que ça si on les compare à ceux de l’électricité produite avec le gaz naturel, par exemple. Déjà, des investisseurs vont voir ailleurs. Ce sont des clients qui pourraient payer des millions de dollars par année en électricité. Mais des prix trop élevés peuvent briser leur modèle d’affaires. »

Miser sur les surplus

Pour le moment, Hydro-Québec a suspendu le traitement des nouvelles demandes de branchement provenant de l’industrie de la cryptomonnaie. Elle a toutefois demandé à la Régie de l’énergie l’autorisation de lui dédier un bloc de 500 mégawatts (MW) avec la possibilité d’interrompre l’alimentation lors des grands froids pour éviter de surcharger le réseau.

« Au tarif existant, ces 500 MW par année peuvent générer 54 millions de dollars, a affirmé Sylvain M. Audette. Mais il y aura encore des mégawatts inutilisés. Même si Hydro veut garder des réserves pour d’autres industries, elle pourrait en offrir 700 ou 800 MW à la cryptomonnaie. »

Jason Lesiege, président et cofondateur de la mine de cryptomonnaie Floxis, estime pour sa part qu’il pourrait être plus avantageux d’utiliser les surplus d’électricité pour combler une demande au Québec plutôt que d’essayer de les exporter comme le fait Hydro-Québec. « Utiliser les surplus sur place, ça ne nécessite pas d’infrastructures supplémentaires de transport », a souligné celui qui voit la croissance de son entreprise retardée dans l’attente des décisions de la Régie concernant son industrie.

Tiens-moi au chaud !

Le minage de cryptomonnaie produit d’énormes quantités de chaleur. De l’énergie qui pourrait être valorisée, selon François Dussault, vice-président infrastructures énergétiques de l’entreprise de services écoénergétiques Énergère, qui assistait au Sommet Énergie. Il a profité de la période de questions pour faire savoir que sa firme cherche à établir des partenariats entre des projets de développement immobilier et des installations de minage à des fins de chauffage des bâtiments.

Jason Lesiege, qui récupère déjà la chaleur de ses activités de minage pour chauffer ses bureaux, s’est montré enthousiaste. « La chaleur est un déchet pour notre industrie, mais elle peut servir non seulement à chauffer des maisons et des serres, mais aussi à sécher du bois et des céréales. On peut même l’utiliser dans des procédés industriels, comme la pasteurisation du lait. » Preuve que l’industrie du minage peut être un acteur de développement durable, a-t-il fait valoir.

bannière présentation conférence objectif nord

Mission décarbonisation pour la Suède

D’ici 2045, la Suède entend atteindre la neutralité carbone. « Nous sommes la première nation au monde à viser une décarbonisation complète », a indiqué Rémy Kolessar, directeur de la recherche et de l’innovation de l’Agence suédoise de l’énergie, lui aussi conférencier au Sommet Énergie.

Signe du consensus social, tous les partis politiques du pays, sauf celui de l’extrême droite, ont signé un accord sur la transition énergétique. En plus de la décarbonisation, l’accord comprend deux autres objectifs : une réduction de 50 % de la consommation énergétique de la Suède d’ici 2030 et une production d’énergie en totalité renouvelable d’ici 2040. Une loi climatique oblige d’ailleurs le gouvernement à mener une politique en accord avec ces objectifs.

Outre la sphère politique, la Suède mise sur les partenariats et l’innovation pour réussir sa transition. Rémy Kolessar a notamment présenté le projet Hybrit qui vise à produire de l’acier sans combustible fossile en remplaçant le coke (charbon) par de l’hydrogène. Il s’agit d’un partenariat entre l’aciérie SSAB, la minière LKAB et Vattenfall, la société d’État suédoise de production et de distribution d’électricité.

« À elle seule, SSAB est responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre de toute la Suède, a indiqué M. Kolessar. Si l’initiative Hybrit a du succès et que la solution est adoptée par d’autres entreprises, l’impact peut être planétaire.»