Ces entrepreneurs orphelins: nos précieux intrapreneurs
Le courrier des lecteurs|Mis à jour le 18 juin 2024Il y a de l’espoir pour tous ces entrepreneurs orphelins, parce que le Québec s’ouvre graduellement à l’intrapreneuriat. (Photo: 123RF)
Un texte de Jean-Philippe Lécuyer, expert-conseil en intrapreneuriat et fondateur d’ENOV
COURRIER DES LECTEURS. Environ un québécois sur cinq souhaite se lancer en affaires un jour. Par contre, moins d’un Québécois sur vingt accomplira ce grand projet de fonder sa propre entreprise1. Qu’advient-il donc de tous ces entrepreneurs dans l’âme, qui ne feront jamais le grand saut?
Ces entrepreneurs, orphelins de projet d’affaires, se retrouvent sur le marché du travail. Bien qu’ils soient des employés, ils conservent leur fibre entrepreneuriale. Ensemble, ils forment un bassin d’intrapreneurs potentiels, c’est-à-dire des employés motivés à conduire des projets à caractère entrepreneurial au sein de leur milieu de travail. Ils sont de véritables forces vives d’amélioration continue et d’innovation. On les retrouve dans tous les secteurs d’affaires, y compris dans le secteur public.2
Les plus chanceux d’entre eux évolueront dans un milieu de travail qui favorise les nouvelles idées et les projets novateurs. D’autres, moins chanceux, encaisseront de nombreuses frustrations au cours de leur carrière, constamment rebutés dans leurs élans entrepreneuriaux. En effet, certains milieux de travail sont plutôt réfractaires à l’intrapreneuriat.
Un retard en innovation qui ouvre la voie intrapreneuriale
Il y a de l’espoir pour tous ces entrepreneurs orphelins, parce que le Québec s’ouvre graduellement à l’intrapreneuriat. Étant un puissant levier d’innovation, l’intrapreneuriat se positionne en tant que solution-pilier au retard québécois en matière d’innovation.
Récemment, la grande enquête sur l’innovation des entreprises a révélé que les activités d’innovation ont reculé de 25% au Québec, sur vingt ans. Pour la même période, elles ont grimpé de 32% dans l’ensemble des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)3. Il en ressort qu’une série de mesures doivent être prises de façon urgente, afin de développer et soutenir l’innovation au Québec.
L’intrapreneuriat fait incontestablement partie des mesures-phares à mettre de l’avant. En effet, on observe que les pays dont l’économie est centrée sur l’innovation ont un taux intrapreneurial nettement supérieur aux autres, frôlant même 20% de la population d’employés, pour certains d’entre eux4.
Animé d’une volonté d’améliorer ses performances en innovation, le Québec s’intéresse de plus en plus à ses intrapreneurs. Leurs idées novatrices, leur fougue d’agir et leur agilité sont précieuses, dans notre quête collective d’innovation.
Mais concrètement, qu’est-ce que ça signifie de s’ouvrir à l’intrapreneuriat?
Une philosophie nouvelle, des valeurs nouvelles
L’intrapreneuriat est à la fois une pratique et une philosophie managériales. Le succès d’un virage intrapreneurial au sein d’une organisation est tributaire de l’adhésion des gestionnaires aux valeurs entrepreneuriales. Une adhésion sincère, articulée et engagée, qui dépasse le simple discours et qui se mesure en prise de risques, bien réels.
Intimement lié aux principes de l’innovation, l’intrapreneuriat impose un changement dans la mesure et la gestion de la performance. Orienté vers l’exploration de nouvelles avenues, l’intrapreneuriat rompt avec les paradigmes d’une gestion opérationnelle à court terme. Il s’agit d’une approche qui rapporte sur le moyen et sur le long terme, dans une optique de transformation, d’adaptation ou d’amélioration du modèle d’affaires de l’entreprise.
Savoir prendre soin des entrepreneurs orphelins
Il n’y a pas de recette miracle pour implanter une approche intrapreneuriale au sein de son organisation. Quiconque s’intéresse à l’intrapreneuriat doit d’abord s’intéresser aux intrapreneurs eux-mêmes.
Ces entrepreneurs orphelins ont besoin d’être outillés, légitimés et dégagés des opérations courantes. Les intrapreneurs ont besoin de temps, de ressources, d’autonomie et surtout, de parrainage. Les gestionnaires qui arrivent à fournir ces éléments clés à leurs intrapreneurs potentiels outillent, par la même occasion, leur organisation sur le plan de l’innovation.
L’intrapreneuriat est sans aucun doute la modalité d’innovation la plus simple et la plus accessible. Elle mise sur les employés pour faire émerger les solutions les mieux adaptées aux besoins des clients, des usagers, des patients ou même, des étudiants. Étant en contact direct avec la création de valeur de l’entreprise ou de l’organisation, les employés sont les mieux placés pour identifier des avenues pertinentes d’amélioration et d’innovation. Alors, pourquoi ne pas leur donner les rênes de leurs propres projets ? Pourquoi ne pas les laisser intraprendre, s’ils le souhaitent sincèrement ? Avez-vous des entrepreneurs orphelins, au sein de vos équipes? Êtes-vous un.e entrepreneur orphelin.e, vous-mêmes?
Ouvrez l’œil, les entrepreneurs orphelins sont partout!
1 IEQ 2022 : https://indiceentrepreneurialqc.com/wp-content/uploads/2023/05/IEQ22_vFINAL.pdf
2 Tiré d’études de cas sur le terrain et du Séminaire du CIUSS Centre-Sud à HEC Montréal
3 Grande enquête sur l’innovation des entreprises du Québec, Conseil de l’innovation du Québec (https://conseilinnovation.quebec/grande-enquete-sur-linnovation-dans-les-entreprises-au- quebec-2024/)
4 Selon l’étude Global Entrepreneurship Monitor : Special Report on Entrepreneurial Employee Activity, 2011