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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

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Analyse de la rédaction

Avant la Fed, la Bourse se fige

Dominique Beauchamp|Publié le 15 juin 2019

Avant la Fed, la Bourse se fige

Le rebond de juin se colle au nouvel espoir d'une baisse de taux en juillet par la Fed. (Source: Bloomberg)

À deux jours de la réunion de la Fed et à l’approche du sommet du G20, la Bourse s’est figée cette semaine.

Les échanges boursiers ont nettement ralenti, signe que les investisseurs attendent d’en apprendre plus sur la trajectoire des taux, de l’économie et des profits avant de se repositionner en conséquence.

Les quatre grands indices nord-américains ont gagné 0,4% cette semaine, une performance respectable étant donné les événements qui l’ont marqué: la chute de 5,4% du pétrole le 12 juin, l’attaque de deux pétroliers dans le golfe d’Oman, la possibilité d’aucun entretien entre Donald Trump et Xi Jinping lors du sommet du G20 les 28 et 29 juin ou encore la plus faible croissance de la production industrielle en 17 ans en Chine.

Les investisseurs ne savent pas sur quel pied danser parce que les scénarios dominants se contredisent.

D’un côté, l’économie américaine se porte bien si l’on se fie au plancher du chômage (3,6%) depuis 1969, à la progression annuelle de 3,1% du salaire horaire (qui dépasse celle l’inflation depuis 78 mois) ou encore au rebond de 0,5% des ventes du détail en mai.

Deux modèles de prévision de la Fed de New York et de celle d’Atlanta ont relevé cette semaine le taux estimé pour la croissance économique au deuxième trimestre.

Ce premier portrait semble suggérer qu’il n’y a aucune urgence pour la Fed d’abaisser son taux directeur.

Pourtant, le marché obligataire intègre déjà la possibilité de trois baisses de taux totalisant 0,75%, d’ici la fin de l’année. Les probabilités d’un premier assouplissement en juillet sont de 83%.

Dans ce scénario optimiste, la banque centrale américaine réussit à repousser le risque de récession et prolonge ainsi le mouvement haussier.

Quatre scénarios possibles pour le S&P 500 présentés sous forme de schémas (Source: Bank of America Merrill Lynch)

C’est ce qui tient le S&P 500 tout près (2%) de son sommet d’avril puisque sans récession, les actions regagnent de l’allure par rapport aux rendements affaiblis des obligations.

Le multiple de 16,5 fois les profits prévus du S&P 500 n’est attrayant que si ses bénéfices continuent à croître.

À l’opposée, d’autres observateurs estiment que l’économie ne pourra éviter une récession parce que la Fed hésitera à «corriger» la hausse du taux directeur de décembre 2018 puisque les données économiques, l’indice des obligations à haut rendement des sociétés et la Bourse sont encore solides.

À leurs yeux, ce n’est qu’une question de temps avant que l’impact de la guerre tarifaire apparaisse dans les données économiques (dont l’emploi) et surtout les bénéfices des entreprises.

À ce titre, l’indicateur avancé de l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économique) recule à 99 pour un seizième mois à 99 en avril, ce qui reste en zone de récession, note Martin Roberge, de Canaccord Genuity.

Par contre, l’indicateur économique avancé des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) redresse la tête parce que leurs banques centrales assouplissent déjà leurs politiques monétaire ou fiscale.

Absence de vendeurs et d’acheteurs

La Bourse a l’air suspendue entre deux eaux parce que les investisseurs les plus inquiets ont déjà pris des précautions tandis que les acheteurs potentiels attendent le moment opportun pour réinvestir.

Les investisseurs sont déjà très prudents, note Bank of America Merrill. Ils ont investi 200 milliards de dollars américains dans le refuge des obligations du Trésor et 124 G$US dans celui des titres monétaires, depuis le début de l’année.

Certains experts croient que les marchés trop calmes masquent peut-être un manque inquiétant de «liquidités» qui rend la Bourse plus vulnérable aux chocs qu’on le croit.

Les investisseurs adoptent une «mentalité de troupeau» et sous-estiment le risque en se fiant aux banques centrales pour venir à la rescousse des marchés, a dit Yat Matt King, stratège de Citi au Financial Times.

Ce stratège prévoit que d’autres secousses comme celle du dernier trimestre de 2018 qui a vu le Dow Jones, le S&P 500 et le Nasdaq perdre 11%, 13% et 17% respectivement.

De tels épisodes représentent une réévaluation violente des risques, à son avis.

Le dernier mot à un optimiste

Chez Bank of America Merrill Lynch, l’économiste mondial Ethan Harris fait le pari que les banques centrales réussiront à empêcher que le ralentissement économique ne dégénère en récession.

Les pays où les taux sont déjà négatifs (en Europe et au Japon) pourront envisager des mesures fiscales pour soutenir leur économie, au besoin, dit-il.

D’où lui vient cet optimisme prudent? Dix banques centrales sur 35 ont déjà réduit leur taux (dernière en lice, la Russie le 14 juin) tandis que 14 autres emboiteront le pas, d’ici la fin de l’année.

M. Harris prévoit donc que la croissance mondiale atterrira à 3,3% cette année, comparativement au rythme record de 3,9% atteint en août 2019.

Les marchés émergents devraient bénéficier le plus de l’assouplissement de la Fed parce que leurs banques centrales peuvent alors baisser leur taux sans craindre de fuite des capitaux.

Ces prévisions reposent évidemment sur l’hypothèse que la guerre commerciale ne s’embrasera pas.