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Jean Sasseville

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Jean Sasseville

Expert(e) invité(e)

Améliorons le règlement pour une métropole mixte

Jean Sasseville|Publié le 14 Décembre 2023

Améliorons le règlement pour une métropole mixte

Il y a aura peut-être un peu plus de logements sociaux et abordables de construits, mais on le fait au détriment d’une baisse des mises en chantier et d’une hausse du coût des logements des autres unités. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Sauf pour la construction de L’esplanade Cartier, tous les promoteurs sujets au Règlement pour une métropole mixte (RMM) à Montréal ont choisi d’éviter de construire des logements sociaux, abordables ou familiaux. La ville modifie le règlement et cela va réduire les mises en chantier. Pourquoi ne pas reporter ce changement et tenter de trouver une façon d’augmenter la construction de ce type de logements?

Le RMM exige que les constructeurs contribuent d’une de ces trois façons: la construction de logements sociaux, abordables ou familiaux sur le site du projet, la vente de terrain à 60% de sa valeur marchande à la Ville ou acquitter une pénalité financière.

 

Hausse des pénalités

Montréal a présenté des modifications en novembre qui prendront effet le 1er janvier 2024. L’Institut de développement urbain du Québec (IDU) estime que le coût moyen par logement va passer de 4000 à 7000 dollars pour un projet à l’arrondissement Saint-Laurent, là où les hausses proposées sont pourtant les moins élevées.

La ville espère que plus de promoteurs choisissent de construire ces types de logements. Construire plus de logements sociaux, abordables et familiaux est bien sûr très souhaitable.

L’impact de cette hausse de la pénalité est difficile à évaluer. Augmenter cette pénalité va réduire le nombre de mises en chantier. Mais la proportion de ceux qui ne choisiront pas de payer la pénalité va réduire, disons de 96% à 90%.

Il y a aura peut-être un peu plus de ces logements de construits, mais on le fait au détriment d’une baisse des mises en chantier et d’une hausse du coût des logements des autres unités. Des projets seront abandonnés. Ce n’est pas un scénario réjouissant.

 

Réactions

La période de consultation vient de se terminer. La grande majorité des commentaires ont été très critiques. Est-ce que la ville va quand même aller de l’avant?

«En pleine crise de l’habitation, les incitatifs à construire sont inexistants. Avec le RMM, au lieu de favoriser et d’inciter la construction, on décourage en imposant des pénalités. Il faut trouver des façons d’y arriver pour que tout le monde en sorte gagnant parce qu’en ce moment, les besoins sont criants. On pense par exemple à un programme de subvention comme l’a fait la ville de Gatineau en septembre dernier ou à la mise en place d’un zonage incitatif (bonus zoning)», souligne Maxime Rodrigue, PDG de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).

«L’exercice de révision du RMM devrait se faire de façon équitable, en minimisant les impacts négatifs potentiels et en maintenant la compétitivité et l’attractivité de la ville de Montréal, tant par rapport au reste de la RMR qu’aux autres métropoles nord-américaines. Pour le moment, le règlement est l’équivalent d’une taxe indirecte pour les contribuables et un transfert de la responsabilité du financement du logement social et abordable aux nouveaux occupants des unités à la place des gouvernements supérieurs», mentionne Isabelle Melançon, PDG de l’IDU.

Des associations du domaine communautaire souhaitent le maintien du RMM, mais sont aussi insatisfaites des résultats et des changements proposés.

 

Pour stimuler la construction

Dans son mémoire, l’IDU rappelle que pour favoriser la construction, les municipalités se doivent:

• D’adopter dans le secteur concerné un zonage et des normes d’implantation favorables à la densification et à la mixité des fonctions;

• De réduire les délais de traitement des demandes et autorisations;

• D’appliquer une fiscalité incitative au développement et non punitive;

• De réduire au minimum les divers frais et redevances imposés.

 

Zonage inclusif ou incitatif?

C’est au gouvernement provincial de financer la construction de logements sociaux. Si une ville désire que les promoteurs en construisent aussi, le programme se doit de donner des résultats probants. C’est tout un défi.

Avec un zonage inclusif, une municipalité peut exiger un pourcentage de logements abordables, comme le fait le RMM à Montréal.

Si on veut que le lait soit moins cher pour les plus vulnérables, va-t-on demander aux supermarchés de réduire leur prix pour eux seulement? On sait que si les supermarchés sont forcés de le faire, ils augmenteront le prix pour les autres.

En ayant des pertes pour la vente de logements qui ne sont pas sociaux, abordables ou familiaux, les constructeurs augmentent le prix des autres logements.

Avec un zonage incitatif, une municipalité consent à un promoteur immobilier un assouplissement des restrictions de zonage en échange de la réalisation additionnelle d’aménagements ou d’équipements d’intérêt public. Par exemple, une municipalité pourrait offrir quelques étages de plus à un promoteur en échange de l’inclusion d’un certain nombre de logements abordables, sociaux ou familiaux.

Longueuil vient d’annoncer qu’elle va mettre en place du zonage incitatif dans certains secteurs stratégiques selon des critères préétablis et prévisibles. Je m’attends à ce que d’autres villes fassent de même.

L’ajout d’étages est un fort incitatif à construire des logements sociaux, abordables et familiaux. Cela mérite analyse et réflexion. Est-ce qu’une municipalité est prête à accepter l’ajout d’étages? Il y a d’autres mesures incitatives, plutôt que pénalisantes, qui devraient aussi être considérées.

 

Revenons sur la planche à dessin

Une construction avec une superficie résidentielle de plus de 450 m² (équivalant à environ cinq logements) est sujette au RMM. Ce programme encourage la construction d’immeubles de moins de cinq logements.

Les banlieues n’ont pas de RMM. On décourage la densification et on encourage l’étalement urbain.

Créé en avril 2021, le RMM est un programme à ses balbutiements. Avec le temps et ses modifications, les résultats vont sûrement s’améliorer un peu. Mais avec une approche punitive, je suis convaincu que les résultats resteront toujours en dessous des attentes.

«Québec, Rimouski et Trois-Rivières ont choisi de miser sur des mesures incitatives plutôt que pénalisantes, précise Isabelle Melançon. L’allègement réglementaire et le recours à une densité intelligente sont au cœur du récent plan de la Ville de New York pour stimuler la construction et l’offre de logements abordables. Avant d’aller de l’avant, la Ville de Montréal devrait examiner le potentiel de ces stratégies.»

Dans sa stratégie d’habitation dévoilée la semaine dernière, Longueuil se met comme objectif que 20% de tous ses logements locatifs soient à but non lucratif. La Ville va acquérir des immeubles privés pour les revendre ensuite à des organismes à but non lucratif. C’est la première ville qui prend les choses en main et qui ne se fie pas aux autres pour obtenir les résultats qu’elle vise. Je salue cette stratégie. Cependant, c’est dans la pratique que l’on verra si Longueuil va réussir à construire à prix relativement compétitif.

D’ici la fin de l’année 2023, le comité-conseil Chantier Montréal va publier un rapport qui va inclure des cibles ambitieuses pour la construction de tous types de logements et des moyens pour y arriver. Ce comité inclut des experts de tous les milieux. Pourquoi ne pas leur demander d’analyser le RMM et de proposer la meilleure solution pour augmenter la construction de logements abordables, sociaux ou familiaux?

Reportons ces changements au RMM et trouvons un moyen de construire plus.

 

Je vous invite à consulter mes articles précédents.

 


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