La Suisse ne joue plus : l'évasion fiscale est finie

Publié le 11/12/2010 à 00:00, mis à jour le 18/10/2013 à 09:59

La Suisse ne joue plus : l'évasion fiscale est finie

Publié le 11/12/2010 à 00:00, mis à jour le 18/10/2013 à 09:59

La scène est classique : James Bond, Jason Bourne ou un autre superagent secret entre dans une banque suisse, se fait remettre un coffret de sûreté dont il extrait le contenu avant de s'esquiver devant un banquier impassible.

Scénario captivant, mais totalement faux... maintenant. Soucieuse de changer son image, la Suisse a décidé de serrer la vis aux banques qui doivent plus que jamais obéir à des normes strictes pour contrôler les entrées et les sorties de fonds.

Il le fallait. Au printemps 2009, à sa stupéfaction, la Suisse s'est retrouvée sur la liste grise de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), aux côtés d'États aux pratiques douteuses, comme les îles Caïmans, le Vanuatu et Antigua. La raison : à l'image de ces paradis fiscaux, elle refusait de partager des informations fiscales.

À bien des égards, cette sanction était exagérée. Ce n'est pas d'hier que la Suisse traque l'argent sale enfoui dans les voûtes de ses banques. Par exemple, le travail des autorités a permis la restitution de sommes importantes à des pays qui avaient été floués par des dirigeants corrompus.

Le cas le plus spectaculaire, à ce jour, demeure l'affaire Abacha, du nom du défunt dictateur nigérian qu'on soupçonne d'avoir pillé des milliards de dollars de fonds publics, qu'il a ensuite mis à l'abri dans des banques étrangères. La Suisse en a retrouvé à elle seule plus de 700 millions de dollars dans ses institutions financières qui ont accepté de collaborer. Les fonds sont maintenant progressivement retournés au Nigeria.

À ce jour, d'ailleurs, la Suisse demeure la seule juridiction qui a agi pour restituer des fonds qui appartiennent légitimement au peuple nigérian, alors que de nombreux autres pays, eux aussi impliqués, demeurent passifs.

Modification de la loi

Sauf que... la bonne volonté helvétique avait des limites. Le fameux secret bancaire demeurait en vigueur, sauf en cas de crime. Par crime, au sens de la loi suisse, on entend corruption, fraude et toute autre activité accompagnée, notamment, de blanchiment d'argent. Mais l'évasion fiscale n'en faisait pas partie, jusqu'à tout récemment.

Pourquoi pas ? " On ne pouvait quand même pas enquêter jusqu'au bout de la planète pour savoir si les fonds qu'on nous confiait étaient nets d'impôt ", m'a dit un banquier suisse. En conséquence, toute demande de collaboration à ce sujet était rejetée.

La Suisse en a eu l'image ternie. Elle n'a pas apprécié, et la loi a été modifiée. L'évasion fiscale est maintenant condamnable. Le principe de la " double criminalité " - crime dans le pays d'origine, crime en Suisse - peut s'appliquer. On peut dorénavant lancer une démarche d'entraide judiciaire en matière pénale ; en d'autres mots, demander à la Suisse d'enquêter sur tel ou tel compte. Il n'est cependant pas permis d'aller à la pêche, de demander, par exemple, si un citoyen donné n'aurait pas un compte quelque part. Mais l'objectif a été atteint : à l'automne 2009, six mois après l'avoir inscrite sur sa liste grise, l'OCDE a donné l'absolution à la Suisse.

S'il ne l'a pas déjà fait, le Canada devrait s'entendre incessamment avec la Suisse sur le protocole d'assistance mutuelle qui doit être conclu pour qu'elle accepte de collaborer. Le fisc canadien, et québécois, aura les dents plus acérées pour récupérer les sommes qui lui sont dues.

L'ouverture de la Suisse arrive à point nommé, alors que nos gouvernements veulent récupérer des centaines de millions de dollars qui lui ont échappé au fil des ans. Les " divulgations volontaires ", c'est-à-dire le fait d'avouer ses torts au fisc avant d'être pincé, sont plus nombreuses ces jours-ci... d'autant plus que des noms circulent depuis que la Banque UBS a été sommée de dévoiler les comptes de ses clients, notamment américains et canadiens. Malgré ses réticences, 236 citoyens canadiens ont pris les devants et avaient avoué leurs torts lors du dernier décompte, en octobre.

Fiscaliste chez Ernst & Young, à Montréal, Stéphane Leblanc a réglé deux cas. Il s'agit de gens qui n'étaient pas auparavant ses clients, précise-t-il. En agissant ainsi, on limite les pénalités et on évite la prison. Et gare au conseiller qui manigancerait une combine fiscale pour ses clients : il existe dans la Loi de l'impôt sur le revenu une clause qui prévoit une sanction pour une tierce partie, par exemple un conseiller, qui participerait à une action illégale.

Le risque demeure, car si la Suisse collabore maintenant, il reste encore beaucoup de travail à faire pour convaincre les autres paradis fiscaux de rentrer aussi dans le rang.

De mon blogue

www.lesaffaires.com/rene-vezina

La Suisse et la peur

Le week-end dernier, les Suisses ont endossé, par une petite majorité, un projet de loi proposé par une formation de droite (voire d'extrême droite), qui n'apprécie pas les étrangers et veut les expulser s'ils commettent un crime [...] C'est l'étendue même de la résolution qui dérange (suite sur le blogue).

Vos réactions 

" J'habite la Suisse, dans un des cantons allemands les plus racistes et les plus paranoïaques. Les lois et les pratiques sont truffées de discrimination qui seraient illégales dans tout autre pays [...] C'est le choix du peuple d'être refermé sur lui-même, c'est triste. "

- Générationx

" Je vais passer pour un raciste, ce que je ne suis pas, mais je ferais la même chose au Canada [...] La Suisse est le seul pays qui procède par référendum; et c'est très bien, parce que c'est une véritable démocratie qui part du bas vers le haut. "

- Ybertrand

" Une affiche montrait un mouton blanc expulsant un mouton noir. Sur une autre affiche, le violeur a le visage masqué, mais il semble basané. Il n'y a pas même un début de subtilité ; ils veulent conserver la blancheur originale de la Suisse d'antan. "

- berixyz


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