L'Irlande, victime de ses banques

Publié le 25/11/2010 à 09:38, mis à jour le 17/10/2013 à 22:01

L'Irlande, victime de ses banques

Publié le 25/11/2010 à 09:38, mis à jour le 17/10/2013 à 22:01

Par Jean-Paul Gagné

Crédit: Bloomberg

Après le sauvetage financier de 150,7 milliards de dollars canadiens (G$ CA) - 110 milliards d'euros - de la Grèce en mai, c'est maintenant au tour de l'Irlande de recevoir une aide de 123,3 à 130,1 G$ CA.

Les deux sauvetages sont faits par les mêmes intervenants, soit l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI), mais ils n'ont pas les mêmes causes.

Alors que la Grèce a dû être sauvée en raison de la très mauvaise gestion de son gouvernement (travail au noir généralisé, embonpoint de sa fonction publique, productivité anémique, gaspillage de fonds publics, embellissement artificiel de la situation financière de l'État), les problèmes de l'Irlande résultent de l'implosion de son système bancaire.

Quelque 34 G $ US seraient sortis des banques irlandaises au cours des dernières semaines, puisqu'au moins quatre banques sont passées sous le contrôle du gouvernement depuis la crise financière. Cela témoigne du manque de confiance de la population envers le système bancaire irlandais. Ce qui a fait dire à son ministre des Finances que l'Irlande ne pouvait régler son problème elle-même. La part de l'aide qui irait au sauvetage des banques atteindrait au moins 20 G $ US, alors celles-ci auraient déjà coûté au gouvernement plus de 68,5 G$ CA. Le reste servirait à financer l'État à un taux plus acceptable que les 9 % payés récemment sur des obligations 10 ans.

En situation précaire

Néanmoins, d'aucuns se demande si cela sera suffisant, puisqu'en plus de perdre des dépôts, les banques irlandaises ont encore à leur actif de forts volumes de produits dérivés toxiques et de prêts hypothécaires en défaut de paiement. Elles aussi ont joué au casino avec de l'argent qu'elles n'avaient pas.

Le sauvetage de l'Irlande par l'UE, le FMI et certains pays, tel le Royaume-Uni qui avancera 11 G $ US, n'est pas désintéressé : il s'agit non seulement de soigner le tigre celtique et de soutenir l'euro, mais encore de protéger les grandes banques européennes. À elles seules, les banques allemandes auraient des engagements de 226 G $ US envers l'État irlandais et son système bancaire.

L'Irlande a connu une grande période de prospérité dans les années 1990, après être entrée dans l'Union européenne et avoir bénéficié d'une aide financière pour améliorer ses infrastructures. Elle a réduit ses impôts (à 12,5 % sur les profits, le plus bas d'Europe) et ouvert son économie à l'investissement étranger. Les sociétés étrangères ont afflué, notamment dans le secteur des technologies. Il s'en est suivi une bulle immobilière, alimentée par les banques qui prirent des risques élevés en finançant des propriétés jusqu'à 100 % de leur valeur. La Bank of Scotland (fusionnée depuis à la Lloyds) a utilisé cette stratégie pour conquérir des parts de marché.

L'Irlande est en récession depuis la crise financière. Son produit intérieur bruit a reculé de 7,6 % en 2009, et le déficit du gouvernement a grimpé à 32,3 % du PIB en 2010. Environ 40 000 personnes ont quitté le pays en 2009 et, avec un taux de chômage de 13 %, on s'attend à ce que 100 000 autres les imitent d'ici à la fin de 2011. La situation économique s'améliore, mais la confiance n'est pas revenue.

Le sauvetage vient avec des obligations : réduction des dépenses du gouvernement de 20,5 G$ CA, élimination de 20 000 postes de fonctionnaire, baisse du salaire minimum, accroissement des impôts des retraités, taxes sur l'immobilier et sur l'eau.

Contrairement aux Grecs, qui ont protesté avec virulence contre le plan d'austérité de leur gouvernement, les Irlandais se sont montrés jusqu'à maintenant plutôt réservés. Toutefois, des manifestations s'organisent, sans compter que la coalition gouvernementale est brisée. Des élections auraient lieu en janvier.

Le sauvetage de l'Irlande est un autre test pour l'euro, au moment même où les regards se portent sur le Portugal. Alors qu'au Royaume-Uni, on se félicite de ne pas faire partie de la zone euro, les Allemands sont de plus en plus nombreux à penser qu'ils paient pour les enfants prodigues de l'Europe. La chancelière Angela Merkel défend l'aide accordée, mais elle a déjà dit que l'UE devrait pouvoir expulser ceux qui ne peuvent pas suivre la parade.

Cette réaction annonce une crise. En adhérant à l'euro, les pays ont renoncé à l'outil de la politique monétaire. Les moins forts se sont ainsi condamnés à croître plus lentement que les plus forts, créant ainsi un déséquilibre qui ne peut que se creuser.

J'AIME

GM a recueilli plus de 23 milliards de dollars américains (G$ US) à la suite de ses récentes émissions d'actions ordinaires et d'actions privilégiées. Les gouvernements, qui l'avaient sauvée de la faillite, encaisseront environ 50 % des recettes de ces émissions. GM, qui est profitable, dispose d'une encaisse de 20 G$ US, qu'elle utilisera pour lancer de nouveaux produits. Enfin de l'espoir pour ce géant qui a amélioré la qualité de ses voitures.

JE N'AIME PAS

Selon le Conference Board du Canada, le gouvernement du Québec ne réussira pas à rétablir l'équilibre budgétaire à la suite de la récession de 2009. Pire, il creusera son déficit à cause du faible taux de croissance de sa main-d'oeuvre et du vieillissement de sa population, qui limiteront la croissance de ses revenus à 4 % par an, alors que ses dépenses croîtront de 5,1 %. Résultat : une dette nette de 577 milliards en mars 2031.

 

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