«Grexit» ou pas, la Grèce aura du mal à se passer de l'euro

Publié le 29/06/2015 à 11:29

«Grexit» ou pas, la Grèce aura du mal à se passer de l'euro

Publié le 29/06/2015 à 11:29

Par AFP

Quelle que soit l'issue politique de la crise, la Grèce aura du mal à se passer en pratique de l'euro et, en cas de «Grexit», pourrait rejoindre le camp des pays «dollarisés» ou «euroïsés», fonctionnant avec une devise qui n'est pas la leur.

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Après la rupture des négociations samedi, le gouvernement grec a fait fermer les banques et limité les retraits d'argent liquide.

Mais ces restrictions ne s'appliquent pas aux comptes à l'étranger, donc ni aux touristes de passage en Grèce ni aux Grecs ayant déposé leurs deniers ailleurs: «De fait, il y a aujourd'hui deux sortes d'euros» dans le pays, explique Ludovic Subran, chef économiste de l'assureur-crédit Euler Hermes.

Il est fort probable qu'à moins d'une réconciliation avec ses partenaires, la Grèce reste quelque temps dans cet entre-deux, celui d'une économie «dollarisée» ou plutôt «euroïsée».

L'adjectif s'applique à une liste hétéroclite de pays, le plus souvent pauvres ou traversant une période d'extrême instabilité, qui fonctionnent avec une monnaie qui n'est pas la leur, sans banque centrale ni planche à billet.

La «dollarisation» peut être voulue, pour endiguer une inflation galopante et avoir un semblant de visibilité financière.

Le cas le plus extrême, sans aucune commune mesure avec celui de la Grèce, est le Zimbabwe. Le pays a adopté le dollar en février 2009 pour mettre fin à six années d'inflation délirante qui ont vu sortir des presses des billets de 100 trillions de dollars zimbabwéens (quatorze zéros).

Impossible également de mettre sur le même plan la Grèce et une autre économie dollarisée, celle de l'Afghanistan, pays en guerre et sous perfusion de l'aide internationale en dollars.

La «dollarisation» d'un pays peut toutefois prendre des formes moins extrêmes. L'Equateur est dans cette situation depuis quinze ans, même si l'actuel gouvernement voudrait en sortir. La devise américaine y a été imposée comme seule monnaie en 2000, sur fond d'hyperinflation, de gel des dépôts bancaires, et de bouleversement politique.

Effets variables au quotidien

Il arrive aussi que cette «dollarisation» soit involontaire et incomplète. Ainsi au Venezuela, où les autorités tentent de combattre les échanges fiévreux au marché noir entre le dollar et une monnaie officielle, le bolivar, en pleine déroute, tandis que cette instabilité monétaire aggrave la crise économique et nourrit la corruption.

D'une autre manière, la dollarisation, cette fois volontaire, a déstabilisé l'Argentine. Buenos Aires avait, sans passer totalement au dollar, lié entièrement le sort de son peso à celui de la devise américaine au début des années 1990. Dix ans après, il avait subi l'explosion de la bulle internet sans vraiment pouvoir réagir, car privé de toute défense monétaire.

Concrètement, au quotidien, les effets d'une dollarisation sont variables. En Equateur, le dollar est utilisé absolument dans toute la vie économique. Au Cambodge, les fonctionnaires sont payés en riels et le secteur privé en dollars, les deux monnaies étant utilisables même si le dollar est largement plus employé.

En Birmanie, autre pays dollarisé, presque tous les actes de la vie quotidienne sont en kyat, utilisé pour verser les salaires et le dollar n'est utilisé que pour les grands hotels et les restaurants.

Si vous voulez acheter une maison en Afghanistan, il faudra des billets verts, alors que votre salaire a de grandes chance d'être versé en afghanis.

Plus près de l'Europe, mais toujours dans une situation géopolitique très particulière: le Montenegro et le Kosovo sont «euroïsés», le premier depuis 2006, le second depuis 2002.

Les 150 premiers millions d'euros envoyés au Kosovo avaient été livrés par la banque centrale allemande et transférés sous protection de l'Otan.

Euros frais en Grèce

De tous ces cas, celui de la Grèce diffère: parce qu'il s'agit d'une économie développée, de taille moyenne, et aussi parce qu'elle encore est à l'heure actuelle, membre de la zone euro. Pour M. Subran, quelle que soit l'issue de la crise en cours, Athènes a lié son destin financier pour longtemps à la monnaie unique.

«Il est possible que le gouvernement introduise une sorte de devise ou des bons pour les transactions locales, les paiements publics. Mais ça ne tiendra pas, tout en Grèce converge vers l'euro, son économie dépend de l'euro», explique-t-il.

Le pays, même s'il était coupé du circuit de la BCE, qui frappe monnaie, recevrait encore des euros frais via le tourisme et les transferts des Grecs de l'étranger. M. Subran estime cet apport de la diaspora à 1/5e du produit intérieur grec sur les six premiers mois de l'année.

Mais pour Philippe Waechter, pour que cette «euroïsation fonctionne» à long terme, «il faudrait que la dynamique grecque se cale sur la zone euro». Or «l'économie grecque manque très clairement de compétitivité» et il serait très coûteux pour elle de s'aligner sur la politique monétaire de ses partenaires.

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